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Tertullien par son propre langage, comme nous le ferons dans la suite?

Remarquons enfin combien cette nécessité de faire consacrer l'eucharistie par des laïques est chimérique. Les fidèles l'emportoient chez eux pour la manger tous les matins. C'est Tertullien même qui nous l'apprend, écrivant à sa femme. Dans les temps de persécutions, où les assemblées étoient quelquefois difficiles, on emportoit le pain sacré dans les maisons, à pleines corbeilles, pour communier souvent. Saint Basile (1), rapportant la coutume qu'on avoit prise pendant les persécutions, d'emporter chacun chez soi l'eucharistie, la justifie en remarquant qu'on la mettoit dans les mains des fidèles pour la mettre eux-mêmes dans leurs bouches. Qu'on en donne, ditil, à chaque fidèle une seule parcelle pour la communion qui se fait dans l'assemblée, ou plusieurs parcelles pour les communions domestiques ; c'est la même chose. Ainsi il n'y avoit point de nécessité de consacrer sans attendre la présence de quelque prêtre. Le pain sacré pouvoit se conserver entièrement sec pendant plusieurs années sans nul danger de corruption. Chacun le pouvoit faire durer aussi long-temps qu'il le vouloit ; car on pouvoit en prendre chaque fois aussi peu qu'on le jugeoit à propos. Supposé même qu'on eût eu besoin de le renouveler sans pouvoir faire une grande assemblée, on sait que les pasteurs célébroient souvent les mystères pendant la nuit dans des lieux souterrains, ou dans certaines maisons sûres, et quelquefois même dans les prisons, avec peu de gens.

(1) Epist. xc, al. CCLXXXIX, ad Cæsar. tom. III.

Saint Cyprien recommande comme une pratique commune, que pour n'augmenter pas la persécution, chaque prêtre aille célébrer les mystères pour les confesseurs, ne menant avec soi qu'un diacre (1). Voilà la consécration qui se faisoit sans assemblée par les prêtres mêmes. Quel est donc ce cas de nécessité imaginaire où tous les prêtres manquent ? D'un lieu écarté ou souterrain on eût pu facilement envoyer l'eucharistie à tous les absens qui avoient consumé celle qu'ils avoient reçue. Un clerc, un simple laïque, un enfant même, suffisoit pour la porter, selon la discipline de ces temps-là. L'exemple de Serapion le montre évidemment. M. de la Roque convient qu'on envoyoit l'eucharistie en signe de communion, et saint Irénée nous apprend qu'on l'envoya de Rome jusqu'en Asie. Le pain est une chose si commune et si nécessaire, que le transport en doit être toujours libre. Pourquoi donc s'imaginer qu'il étoit assez souvent nécessaire de faire consacrer le pain par un laïque et par un laïque bigame? Pour le baptême, il est vrai que les anciens le croyant nécessaire, comme nous le croyons, il pouvoit souvent arriver qu'il n'y avoit qu'un bigame qui pût le donner à un enfant prêt à expirer. Voilà ce que Tertullien, dans ses exagérations, appelle étre prétre, c'est-à-dire faire une fonction qui n'est point absolument réservée au prêtre, mais qui lui est déférée pour conserver l'ordre, autant que les occasions le permettent. En un mot, la fonction de baptiser, quoique réservée au pasteur dans le cours ordinaire, ne tire pourtant point le laïque qui (1) Ep. v, ed. Baluz. IV, pag. 9.

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l'exerce quelquefois, de l'état purement laïque. C'est ainsi que Tertullien le fait entendre dans son livre du Baptême. N'est-il pas naturel de croire que la fonction d'offrir, que Tertullien met avec celle de baptiser, étoit aussi, comme celle de baptiser sans solennité, une fonction convenable au simple laïque, et qui étoit réservée au prêtre pour les cas de solennité quand on étoit libre de faire des assemblées? Enfin Tertullien même, sur lequel nous disputons, décide clairement pour nous, lorsque, racontant sans passion la vraie discipline de l'Eglise, il montre qu'elle étoit précisément contraire à la coutume qu'on veut qu'il rapporte dans le passage contesté. Voici ses paroles : « Pour le sacrement de l'eucha>> ristie ordonné à tous, c'est-à-dire institué pour » tous par le Seigneur, et au temps du repas, et » même dans nos assemblées de nuit, nous ne le » prenons de la main d'aucun autre que de nos pré» sidens ou pasteurs (1). »

Si le laïque eût eu la puissance de consacrer, comme celle de baptiser, il n'eût point été nécessaire de distribuer le pain sacré avec tant de précaution pour prévenir les cas de nécessité. Le cas de nécessité auroit été lui-même un titre à chaque particulier pour consacrer l'eucharistie. Ce cas seroit arrivé souvent pendant les fréquentes absences des pasteurs causées par les persécutions. Les laïques, dans les prisons, auroient usé de leur droit, plutôt que d'exposer inutilement la vie des pasteurs, qui venoient célébrer pour eux les mystères avec tant d'obstacles et de dangers. Toute l'antiquité auroit parlé souvent (1) De Corona, cap. 11.

et clairement de cette puissance du laïque pour la consécration comme pour le baptême. Ce fait, que Grotius suppose, savoir, que partout où il n'y avoit point de séance de clergé, un laïque consacroit, est donc manifestement faux et impossible. Peut-on s'imaginer que Tertullien l'ait cru, lui qui voyoit nécessairement tous les jours le contraire ? Peut-on penser qu'il l'ait soutenu en écrivant à des chrétiens, comme si c'eût été leur pratique ordinaire, quoiqu'ils ne le pratiquassent jamais? Ici nous parlons sans aucun intérêt; car l'autorité de Tertullien Montaniste, bien loin d'appuyer une cause, ne pourroit que la déshonorer mais c'est que dans le fond il est impossible qu'il ait pensé ce qu'on lui impute sur un fait de notoriété publique. Que faut-il donc croire de ce passage de Tertullien, puisque le sens des Protestans est impossible? Voici ce qu'il y a, ce me semble, de plus apparent. Il est vrai que le mot d'offrir, dans le langage de ces premiers siècles, signifie souvent la célébration de l'eucharistie: mais il a aussi un autre sens. Tertullien, dans son traité de la Monogamie, parle d'une femme qui offroit tous les ans le jour de la mort de son mari (1). Tous les savans conviennent que c'étoient des offrandes qu'elle présentoit. Mais sans sortir du traité où est le passage que nous examinons, Tertullien n'y dit-il pas à un homme marié deux fois, vous offrirez pour deux femmes ? Et il s'explique aussitôt après. Vous en ferez faire mention par le prêtre. Il est donc manifeste, par les endroits que nous venons de rapporter, qu'offrir, dans le langage de Tertullien, signifie souvent, non-seulement célébrer les (1) De Monogam. cap. x.

mystères, mais encore faire des offrandes, qui étoient présentées par le seul prêtre, et dont il faisoit mention à l'autel. Ce qu'on présentoit étoit du miel, du lait, des oiseaux, d'autres animaux, et des légumes. Le troisième canon apostolique défend cet usage, et permet seulement l'offrande des épis nouveaux, de l'huile et de l'encens. Voilà donc le terme d'offrir qui est très-équivoque. Qui décidera pour le cas dont il est question? ce doit être la vraisemblance tirée des circonstances du passage.

Ne sait-on pas que Tertullien, depuis ses égaremens, supposoit du ton le plus affirmatif les choses les plus excessives. C'est ainsi qu'il maintient contre le pape Zéphyrin, dans son traité de la Pudicité, qu'on observoit alors à Rome une rigueur contre les pénitens, qui est clairement démentie par d'autres endroits de Tertullien même. C'est ainsi que dans son traité de la Monogamie il assure, contre la vérité certaine, que l'usage de l'Eglise avoit toujours été de condamner les secondes noces. Comment donc pourroit-on douter qu'un tel homme n'eût tourné les faits à son avantage? Le moins qu'on en peut croire, c'est qu'il a donné de grands noms aux faits dont il avoit besoin de se servir pour favoriser ses excès. Ce qu'il appelle donc offrir, et se servir de prêtre à soi-même, c'est faire soi-même ses offrandes en l'absence des prêtres. En l'expliquant ainsi, nous ne le devinons pas. Nous l'expliquons naturellement lui-même par lui-même, puisqu'il a usé du terme d'offrir en des endroits clairs pour signifier faire des offrandes. Comme la fonction de présenter des offrandes et de les bénir solennellement appartenoit au pasteur qui en faisoit

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