Aima jadis une jeune beauté: Cloris,c'étoit fon nom,comme vous étoit blonde, Peu grande. Attrait encor: car, Philis, entre nous, Ces Tailles riches que l'on vante Cloris avoit enfin la taille comme vous, De l'embonpoint paffablement: Mille attraits dans fes yeux, paroiffoit complaifante, Parloit peu, rioit aisément, Et railloit agréablement: En un mot, comme vous la Bergere charmante Avoit beaucoup d'efprit & beaucoup de beauté, Mais comme vous auffi beaucoup de cruauté, S'entend, pour fon Amant, car pour les autres hom mes Elle s'humanifoit affez: Cela fe fait, Philis, dans le fiécle où nous fommes, Pourquoi l'eut-on pas fait dans les fiécles paffez? Sans que de fa Cloris le Berger obtint rien, Ggs Lors Lors qu'il lui difoit des tendreffes, Vous prenez certains airs que je ne fçai comment, L'Ingrate fut toûjours ingtate: Si ma Maîtreffe m'eft cruelle, Sans faire fur fon cœur maint effort qui l'accable, ble? Qu'il foit prés, qu'il foit loin, pour lui tout eft égal, Quand fa Bergere eft inhumaine. Revenons au Berger, cet Amant malheureux, Ajoûta, d'un ton langoureux; Si Cloris connoiffoit ma peine, Peut-être, que fon cœur répondroit à mes vœux, Elle Elle ne m'a jamais écouté fur ce point; Ecrivons. Le Berger prend alors des Tablettes, N'eft pas toujours trop fûr, Ingrate que vous êtes, J'en ai fait mille fois autant, Mais vous n'en étes pas plus tendre. Autant en emporte le vent, Autant en prit-il à Sylvandre. La Bergere toûjours eut un cœur de rocher, Que quelques jours aprés, il en perdit la vie. Il arriva bien pis, Et la catastrophe eft terrible. Amour, dés ce moment, fe vangea de Cloris, Que le Berger n'eft plus, qu'elle devient fenfi- Et t'aimer für la terre, ah! Berger, fi je meurs, Du Du moins je t'aimerai dans les champs Elifées: Tout le Stix pour la voir, dés l'inftant accourût, Et dés que Sylvandre parût: Cher Sylvandre, dit-elle re, écoute mon hiftoi De toutes mes rigueurs oublie la mémoire. Mais Sylvandre l'interrompit, Dans le fleuve d'oubli, dit-il, je viens de boire, Si j'aimois, avant mon trépas, C'est ce que j'aurois peine à croire, Mais je fçai bien, Cloris, qu'au moins je n'aime pas, Maux & chagrins ici finiffent, Sur tout du Dieu d'Amour nous ignorons les loix, Et fi dans ces bas lieux nous aimons quelquefois, Ç'eft lors que les Dieux nous puniffent. FIN. TABLE |