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Aima jadis une jeune beauté:
Jamais Berger ne fût plus tendre,
Mais auffi, d'un autre côté,
Jamais Bergére dans le monde
N'eut plus de févérité.

Cloris,c'étoit fon nom,comme vous étoit blonde, Peu grande. Attrait encor: car, Philis, entre nous,

Ces Tailles riches que l'on vante
Ne font pas fi riches qu'on chante :
Quant à moi franchement, car chacun a fes goûts,
Je n'aime pas une Geante;

Cloris avoit enfin la taille comme vous,
Une démarche nonchalante,

De l'embonpoint paffablement:

Mille attraits dans fes yeux, paroiffoit complaifante,

Parloit peu, rioit aisément,
Faifoit des Vers par fois, étoit insinuante,
Avoit la réponse presente:

Et railloit agréablement:

En un mot, comme vous la Bergere charmante Avoit beaucoup d'efprit & beaucoup de beauté, Mais comme vous auffi beaucoup de cruauté, S'entend, pour fon Amant, car pour les autres hom

mes

Elle s'humanifoit affez:

Cela fe fait, Philis, dans le fiécle où nous fommes,

Pourquoi l'eut-on pas fait dans les fiécles paffez?
Qu'y faire, du Berger c'étoit la destinée.
Six mois fe paffent, une année

Sans que de fa Cloris le Berger obtint rien,

Ggs

Lors

Lors qu'il lui difoit des tendreffes,
L'Ingrate changeoit d'entretien,
Loin de répondre à fes careffes,
L'ingrate s'emportoit, lui faifoit cent rudeffes,
Le Berger prenoit tout en bien:
Franchement, vous autres Maîtreffes,

Vous prenez certains airs que je ne fçai comment,
Nous vous aimons un feul moment.
Qu'y faire encor, c'eft nôtre Etoille,
Nous avons fur les yeux un voile.
Sylvandre perfifta toûjours,

L'Ingrate fut toûjours ingtate:
Mais comme tout Amant fe flatte,
Sylvandre fe flatta, qu'à la fin fes Amours
Prendroient, peut-être, ún meilleur cours:
Il faut, s'écria-t-il, que pour fléchir ma Belle,
Je m'abfente pour quelques jours,

Si ma Maîtreffe m'eft cruelle,
C'eft qu'elle me voit trop fouvent.
Il part, ce ne fut pas pourtant,

Sans faire fur fon cœur maint effort qui l'accable,
Le remede eft par fois auffi grand que le mal;
Mais, Philis, que peut faire un Amant mifera-

ble?

Qu'il foit prés, qu'il foit loin, pour lui tout eft égal,

Quand fa Bergere eft inhumaine. Revenons au Berger, cet Amant malheureux, Ajoûta, d'un ton langoureux;

Si Cloris connoiffoit ma peine,

Peut-être, que fon cœur répondroit à mes vœux,
Apprenons lui ce que j'endure,
Auffi ne le fçait-elle point,

Elle

Elle ne m'a jamais écouté fur ce point;
Si l'Ingrate le fçait, feroit-elle fi dure,-
De laiffer mourir un Ainant?

Ecrivons. Le Berger prend alors des Tablettes,
En vers lugubres peint fon amoureux tourment,
Les envoye à Cloris. Tel parti cependant,
De l'humeur dont vous êtes faites,

N'eft pas toujours trop fûr, Ingrate que vous êtes,

J'en ai fait mille fois autant, Mais vous n'en étes pas plus tendre. Autant en emporte le vent,

Autant en prit-il à Sylvandre.

La Bergere toûjours eut un cœur de rocher,
Elle ne daigna point répondre à l'Elegie,
Et l'amant malheureux, ceci vous doit toucher,
S'abandonna fi fort à la mélancolie,

Que quelques jours aprés, il en perdit la vie.
Ce n'eft pas tout, Philis,

Il arriva bien pis,

Et la catastrophe eft terrible.

Amour, dés ce moment, fe vangea de Cloris,
Elle n'a pas plûtôt appris,

Que le Berger n'eft plus, qu'elle devient fenfi-
ble,
Eperdue dans ce moment,
Elle veut courir aprés l'ombre,
De ce tendre & parfait Amant,
Qu'elle a mis dans le monument;
Oui, j'irai dans le manoir fombre,
Dit-elle, où t'ont réduit mes injuftes rigueurs,
Si je n'ai pû forcer les dures destinées

Et t'aimer für la terre, ah! Berger, fi je meurs,

Du

Du moins je t'aimerai dans les champs Elifées:
Et du moment fondant en pleurs,
On s'apperçoit quelle fe pâme,
Et qu'elle est prête à rendre l'ame.
Conclufion, Cloris mourut,
Caron lui paffa l'onde noire,

Tout le Stix pour la voir, dés l'inftant accourût,

Et dés que Sylvandre parût:

Cher Sylvandre, dit-elle

re,

écoute mon hiftoi

De toutes mes rigueurs oublie la mémoire.
Elle alloit faire un long recit,

Mais Sylvandre l'interrompit,

Dans le fleuve d'oubli, dit-il, je viens de boire, Si j'aimois, avant mon trépas,

C'est ce que j'aurois peine à croire,

Mais je fçai bien, Cloris, qu'au moins je n'aime pas,

Maux & chagrins ici finiffent,

Sur tout du Dieu d'Amour nous ignorons les loix, Et fi dans ces bas lieux nous aimons quelquefois, Ç'eft lors que les Dieux nous puniffent.

FIN.

TABLE

DE S

FABLE S

Contenues dans ce Livre.

L'Aigle & l'Escarbot:

A.

l'Aigle, la Laye & la Chate.

76

103

Ane chargé d'eponges, & l'Ane chargé de fel 79 l'Aftrologue qui fe laisse tomber dans un puits. 82 L'Aigle & la Pie.

l'Aigle & le Hibon.

407

162

l'Alouette & les petits avec le Maitre d'un Champ.

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