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Cloris fe prefentant à l'un & l'autre Amant, Reconnoît Telamon fous un faix qui l'accable; Ses chagrins le rendoient pourtant méconnoiffa ble

Un œil indifferent à le voir eût erré,

Tant la peine & l'amour l'avoient défiguré.
Le fardeau qu'il portoit ne fut qu'un vain obftacle;
Cloris le reconnoît, & tombe à ce spectacle;
Elle perd tous fes fens & de honte & d'amour.
Telamon d'autre part tombe prefque à fon tour:
On demande à Cloris la caufe de fa peine?
Elle la dit, ce fut fans s'attirer de haine;
Son récit ingénu redoubla la pitié

Dans des cœurs prévenus d'une juste amitié.
Damon dit que fon zele avoit changé de face.
On le crut. Cependant, quoi-qu'on dife & qu'on
faffe,

D'un triomphe fi doux l'honneur & le plaifir,
Ne fe perd 'qu'en laiffant des reftes de defir.
On crut pourtant Damon. Il reftraignit fon zele
A fceller de l'Hymen une union fi belle;
Et par un fentiment à qui rien n'est égal,
Il pria fes parens de doter fon Rival.
Il l'obtint, renonçant dés-lors à l'Hyménée.
Le foir étant venu de l'heureuse journée,
Les nôces fe faifoient à l'ombre d'un ormeau:
L'enfant d'un voifin vid s'y percher un corbeau:
Il fait partir de l'arc une fleche maudite,
Perce les deux Epoux d'une atteinte fubite
Cloris mourut du coup, non fans que fon Amant
Attirât les regards en ce dernier moment.
Il s'écrie en voïant finir fes destinées;

Quoi! la Parque a tranché le cours de fes années?

L'arrête, & lui tient ce langage:

Rare & charmant objet, pourquoi me fuïez vous?

Je ne fuis plus celui qu'on trouvoit fi fauvage: C'est l'effet de vos traits, auffi puiffans que doux: Ils n'ont l'ame & l'efprit, & la raifon donnée.

Souffrez que vivant fous vos loixi J'emploie à vous fervir des biens que je vous dois. Iole à ce difcours encor plus étonnée, Rougit, & fans répondre elle court au hameau, Et raconte à chacun ce miracle nouveau.

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Ses Compagnes d'abord s'affemblent autour d'elle.
Zoon fuit en triomphe, & chacun applaudit.
Je ne vous dirai point, mes fœurs, tout ce qu'il
fit,

Ni fes foins pour plaire à la Belle.
Leur hymen fe conclut; un Satrape voisin,
Le propre jour de cette fête,

Enleve à Zoon fa conquête.

On ne foupçonnoit point qu'il eût un tel deffein.
Zoón accourt au bruit, recouvre ce cher gage,
Pourfuit le raviffeur, & le joint, & l'engage
min En un combat de main à main.ha
Iole en eft le prix, auffi-bien que le juge.
Le Satrape vaincu trouve encor du refuge
En la bonté de fon rival.

Helas! cette bonté lui devint inutile;
Il mourut du regret de cet hymen fatal.
Aux plus infortunez la tombe fert d'azile.
Il prit pour heritiere, en finiffant fes jours,
Iole qui mouilla de pleurs fon Maufolée.
Que fert-il d'être plaint quand l'ame est envolée ?
Ce Satrape cût mieux fait d'oublier fes amours.

La jeune Iris à peine achevoit certe hiftoire;
Et les fœurs avoüoient qu'un chemin à la gloire
C'est l'amour: on fait tout pour se voir eftimé ;
Eft-il quelque chemin plus court pour être aimé ?
Quel charme de s'ouïr louer par une bouche
Qui même fans s'ouvrir nous enchante & nous tou-

che.

Ainfi difoient ces Sœurs. Un orage foudain
Jette un fecret remors dans leur profane fein.
Bacchus entre, & fa cour, confus & long cor-
tege:

Où font, dit-il, ces Sœurs à la main facrilege? : Que Pallas les défende, & vienne en leur faveur Oppofer fon Ægide à ma jufte fureur :

Rien ne n'empêchera de punir leur offence:
Voïez; & qu'on fe ric aprés de ma puiffance.
Il n'eut pas dit, qu'on vid trois monftres au plancher
Aîlez, noirs & velus, en un coin s'attacher.

On cherche les trois Sœurs; on n'en void nulle trace:

Leurs métiers font brifez, on éleve en leur place
Une Chapelle au Dieu, pere du vrai Nectar.
Pallas à beau fe plaindre, elle à beau prendre part
Au deftin de ces Soeurs par elle protegées.
Quand quelque Dieu voyant fes bontez negligées,
Nous fait fentir fon ire; un autre n'y peut rien:
L'Olympe s'entretient en paix par ce moïen.
Profitons, s'il fe peut, d'un fi fameux exemple.
Chommons: c'eft faire affez qu'aller de Temple en
Temple

Rendre à chaque Immortel les voeux qui lui font

dûs,

Les jours donnez aux Dieux ne font jamais perdus.

Gg

CCXLV.

CCXLV.

Le Juge Arbitre, l'Hofpitalier, & le Solitaire.

T

Rois Saints également jaloux de leur falut,
Portez d'un méme efprit, tendoient à méme
but.

Ils s'y prirent tous trois par des routes diverfes.
Tous chemins vont à Rome: ainfi nos Concurrens
Crurent pouvoir choisir des fentiers differens.
L'un touché des foucis, des longueurs, des tra-
verfes

Qu'en appanage on void aux Procés attachez,
S'offrit de les juger fans récompenfe aucune,
Peu foigneux d'établir ici-bas fa fortune.

Depuis qu'il eft des Loix, l'Homme pour fes pechez,

Se condamne à plaider la moitié de fa vie.
La moitié les trois quarts, & bien fouvent le

tout.

Le conciliateur crut qu'il viendroit à bout
De guérir cette folle & détcftable envie.
Le fecond de nos Saints choifit les Hôpitaux.
Je le louë; & le foin de foulager ces maux
Et une charité que je prefere aux autres.
Les Malades d'alors étant tels que les nôtres,
Donnoient de l'exercice au pauvre Hofpitalier;
Chagrins, impatiens, & fe plaignant fans ceffe:
Il a pour tels & tels un foin particulier;

Ce font fes amis; il nous laifle.

Ces

Ces plaintes n'étoient rien au prix de l'embarras
Où fe trouva réduit l'Appointeur de débats.
Aucun n'étoit content; la Sentence arbitrale
A nul des deux ne convenoit :
Jamais le Juge ne tenoit

A leur gré la balance égale.

De femblables difcours rebutoient l'Appointeur.
Il court aux Hôpitaux, va voir leur Directeur.
Tous deux ne recueillant que plainte & que murə
mure,

Affligez, & contraints de quitter ces emplois,
Vont confier leur peine au filence des bois.
Là fous d'âpres rochers, prés d'une fource pure
Lieu refpecté des vents, ignoré du Soleil,
Ils trouvent l'autre Saint, lui demandent confeil.
Il faut, dit leur ami, le prendre de foi même.
Qui mieux que vous fçait vos befoins?
Aprendre à fe connoître eft le premier des foins
Qu'impofe à tous mortels la Majesté Suprême.
Vous êtes-vous connus dans le monde habité?
L'on ne le peut qu'aux lieux pleins de tranquil-
lité:

Chercher ailleurs ce bien, eft une erreur extrême.
Troublez l'eau; vous y voyez vous?
Agitez celle-ci. Comment nous verrions-nous?
La vafe eft un épais nuage

Qu'aux effets du cristal nous venons d'oppofer.
Mes Freres, dit le Saint, laiffez la repofer;
Vous verrez alors votre image.

Pour vous mieux contempler demeurez au defert.
Ainfi parla le Solitaire.

Il fut crû, l'on fuivit ce confeil falutaire.

Ce n'eft pas qu'un emploi ne doive être fouffert.

Gg 2

Puif.

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