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Thisbé s'étoit cachée en un buiffon épais.
Pirame arrive, & void ces veftiges tout frais.
O Dieux! que devient-il? un froid court dans fes
veines;

Il apperçoit le voile étendu dans ces plaines
Il le leve, & le fung joint aux traces des pas, i
L'empêche de douter d'un funefte trépas.

Thisbé, s'écriat-il, Thisbé, je t'ai perduë, m
Te voila par ma faute aux Enfers defcendue!
Je l'ai voulu; cleft moi qui fuis le monfire affreux
Par qui tu t'en vas voir le féjour tenebreux :
Attens moi, je te vais rejoindre aux rives fombres,
Mais m'oferai-je à toi prefenter chez les Ombres?
Jouis au moins du fang que je te vais offrir,
Malheureux de n'avoir qu'une mort à fouffrir.
Il dit, & d'un poignard coupe auffitôt fa trame.
Thisbé vient; Thisbé void tomber fon cher Pirame
Que devint-elle auffi tout lui manque à la fois,
Les fens, & les efprits auffi-bien que la voix.
Elle revient enfin Cloton pour l'amour d'elle
Laiffe à Pirame ouvrir fa mourante prunelle.
Il ne regarde point la lumiere des Cieux;
Sur Thisbé feulement il tourne encor les yeux.
Il voudroit lui parter, fa langue eft retenue;
Il témoigne mourir content de l'avoir vûë.
Thisbé prend le poignard; & découvrant fon fein,
Je n'accuferai point, dit-elle, ton deffein;
Bien moins encor l'erreur de ton ame alarmée;
Ce ferait t'accufer de m'avoir trop aimée.
Je ne t'aime pas moins: tu vas voir que mon cœur
N'a non plus que le tien merité fon malheur.
Cher Amant, reçois donc ce trifte facrifice.
Sa main & le poignard font alors leur office;
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Elle

Elle tombe, & tombant range ses vétemens, Dernier trait de pudeur, même aux derniers mo

mens.

Les Nymphes d'alentour lui donnerent des larmes;
Et du fang des Amans teignirent par des charmes
Le fruit d'un Meurier proche, & blanc jufqu'à ce
jour;

Eternel monument d'un fi parfait amour.
Cette hiftoire attendrit les Filles de Minée:
L'une accufoit l'Amant, l'autre la deftinée,
Et toutes d'une voix conclurent que nos cœurs
De cette paffion devroient être vainqueurs.
Elle meurt quelquefois avant qu'être contente;
L'eft-elle? elle devient auffi-tôt languiffante:
Sans l'hymen on n'en doit recueillir aucun fruit,
Et cependant l'hymnen eft ce qui la détruit.
Il y joint, dit Climene, une âpre jaloufic,
Poifon le plus cruel dont l'ame foit faifie.
Je n'en veux pour témoin que l'erreur de Procris.
Alcithoé ma foeur, attachant vos efprits,
Des tragiques amours vous a conté l'élite;
Celles que je vais dire ont auffi leur merite.
J'acourcirai le temps ainfi qu'elle, à mon tour.
Peu s'en faut que Phoebus ne partage le jour,
A fes raïons perçans oppofons quelques voiles:
Voions combien nos mains ont avancé nos toiles.
Je veux que fur la mienne, avant que d'être au soir,
Un progrez tout nouveau fe faffe appercevoir:
Cependant donnez-moi quelque heure de filence,
Ne vous rebutez point de mon peu d'éloquence;
Souffrez-en les défauts, & fongez feulement.
Au fruit qu'on peut tirer de cet évenement.

Cepha

Cephale aimoit Procris, il étoit aimé d'elle; Chacun fe propofoit leur hymen pour modelle: Ce qu'Amour fait fentir de piquant & de doux Combloit abondamment les vœux de ces Epoux, Ils ne s'aimoicnt que trop; leurs foins & leur tendreffe

Approchoient des transports d'Amant & de Maîtreffe;

Le Ciel même envia cette felicité:
Cephale eut à combattre une Divinité.

Il étoit jeune & beau, l'Aurore en fut charmée;
N'étant pas à ces biens, chez elle, accoûtumeé.
Nos belles cacheroient un pareil fentiment:
Chez les Divinitez on en ufe autrement.
Celle-ci déclara fon amour à Cephale.
Il eut beau lui parler de la foi conjugale:
Les jeunes Deïtez qui n'ont qu'un vicil Epoux,
Ne fe foûmettent point à ces loix comme nous.
La Déeffe enleva ce Heros fi fidelle:

6 De moderer fes feux il pria l'Immortelle.
Elle le fit; l'amour devint fimple amitié:
Retournez, dit l'Aurore, avec vôtre moitié
Je ne troublerai plus vôtre ardeur ni la fienne;
Recevez feulement ces marques de la mienne.
(C'étoit un javelot toûjours feur de fes coups.)
Un jour cette Procris qui ne vit que pour vous,
Fera le defefpoir de vôtre ame charmée,
Et vous aurez regret de l'avoir tant aimée.
Tout Oracle eft douteux, & porte un double fens;
Celui-ci mit d'abord nôtre Epoux en fufpens:
J'aurai regret aux voeux que j'ai formez pour elle?
Et comment ? n'eft-ce point qu'elle m'eft infidelle?
Aa finiffent mes jours plûtôt que de le voir!)

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Eprou

Eprouvons toutefois ce que peut fon devoir..
Des Mages auffi-tôt confultant la fcience,
D'un feint adolefcent il prend la reflemblance;
S'en va trouver Procris, éleve jufqu'aux Cieux.
Ses beautez qu'il foûtient être digues des Dieux;
Joint les pleurs aux foûpirs comme un Amant fçait
faire, 125) 1...

Et ne peut s'éclaircir par cet art ordinaire.
Il falut recourir à ce qui porte coup,

Aux prefens; il offrit, donna, promit beaucoup,
Promit tant que Procris lui parut incertaine. A
Toute chofe a fon prix: voilà Cephale en peine;
Il renonce aux Citéz, s'en va dans les forêts,
Conte aux vents, conte aux bois fes déplaifirs fe.

crets:

S'imagine en chaffant diffiper fon martyre;
C'étoit pendant ces mois où le chaud qu'on refpire
Oblige d'implorer l'haleine des Zephirs.

Doux Vents, s'écrioid it, prérez-moi des foupirs,
Venez, legers Demons par qui nos champs fleurif-
Com algfent:vb worna'i

Aure, fais les vonir; je fçai qu'ils t'obeïffent
Ton emploi dans ces lieux eft de tout ranimer.
On l'entenditlon crut qu'il venoit de nommer
Quelque objet de fes vœux autre que fon Epoufe.
Elle en elt avertic, & la voilà jaloufe.

Maint voifin charitable entretient fes ennuis:
Je ne les pais plus voit, dit-elle, que les nuits.
Il aime dono cette Aure, & me quitte pour elle?
Nous vous plaignons; il l'aime, & faus ceffe il l'ap-
t'i pelle 7.8 1
Les Echos de ces lieux n'ont plus d'autres emplois
Que celui d'enfeigner le nom d'Aure à nos bois.

وار

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Dans

Dans tous les environs le nom d'Aure réfonne.
Profitez d'un avis qu'en paffant on vous donne.
L'interêt qu'on y prend cft de vous obliger.
Elle en profite, helas! & ne fait qu'y fonger.
Les Amans font toûjours de legere croïance.
S'ils pouvoient conferver un raion de prudence,
(Je demande un grand point, la prudence, en
amours)

Ils feroient aux rapports infenfibles & fourds...
Nôtre Epoufe ne fut l'une ni l'autre chofe:
Elle fe leve un jour; & lorfque tout repofe,
Que de l'aube au teint frais la charmante douceur
Force tout au fommeil, hormis quelque Chaffeur,
Elle cherche Cephale; un bois l'offre à fa vûe,
Il invoquoit déja cette Aure pretendue,

Viens me voir, difoit-il, chere Décfle accours:
Je n'en puis plus, je meurs, fais que par ton fecours
La peine que je fens fe trouve foulagée.
L'Epoufe fe prétend par ces mots outragée;
Elle croit y trouver, non le fens qu'ils cachoicnt,
Mais celui feulement que les foupçons cherchoient
O trifte jaloufie! & paffion amere!

Fille d'un fol amour, que l'erreur a pour
Cre!
Ce qu'on voit par tes yeux caufe aficz d'embarras,
Sans voir encor par eux ce que l'on ne void pas.
Procris s'étoit cachée en la même retraite
Qu'un Fan de Biche avoit pour demeure fecrete:
Il en fort; & le bruit trompe auffi tôt l'Epoux.
Cephale prend le dard toûjours feur de fes coups,
Le lance en cet endroit, & perce fa jaloufe;
Malheureux affaffin d'une fi chere Epoule.
Un cri lui fait d'abord foupçonner quelque erreur;
Il accourt, void fa faute, & tout plein de fureur,

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