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Et te dis tout net & tout plat,

Je ne veux point changer d'état.

Le Prince Grec au Loup va propofer l'affaire:
Il lui dit, au hazard d'un semblable refus:
Camarade, je fuis confus

Qu'une jeune & belle Bergere
Conte aux Echos les appetits gloutons
Qui t'ont fait manger fes moutons.
Autrefois on t'eût vû fauver la bergerie:
Tu menois une honneste vie.
Quite ces bois, & redevien

Au lieu de Loup Homme de bien. En est-il, dit le Loup? Pour moi, je n'en voi guere.

Tu t'en viens me traiter de bête carnaciere:
Toi qui parles, qu'es-tu! N'auricz-vous pas fans

moi

Mangé ces animaux que plaint tout le Village?
Si j'étois Homme, par ta foi,
Aimerois-je moins le carnage?

Pour un mot quelquefois vous vous étranglez tous;

Ne vous étes-vous pas l'un à l'autre des Loups? Tout bien confideré, je te foûtiens en fomme, Que fcelerat pour fcelerat,

Il vaut mieux être un Loup qu'un Homme;
Je ne veux point changer d'état.
Uliffe fit à tous une même femonce;
Chacun d'eux fit même réponce;
Autant le grand que le petit.

La liberté, les bois, fuivre leur apetit,
C'étoit leurs délices fuprêmes:

Tous rcnonçoient au lôs des belles actions.

Ils croïoient s'affranchir, fuivans leurs paffions;
Ils étoient efclaves d'eux-mêmes.
Prince, j'aurois voulu vous choisir un fujet
Où je puffe mêler le plaisant à l'utile:
C'étoit fans doute un beau projet,

Si ce choix eût été facile.

Les Compagnons d'Uliffe enfin fe font offerts;
Ils ont force pareils en ce bas Univers;
Gens à qui j'impofe pour peine
Votre cenfure & vôtre haine.

CCXXVIII.

Le Chat & les deux Moineaux.

A Monseigneur le Duc de Bourgogne.

UN Chat contemporain d'un fort jeune Moi

neau,

Fut logé prés de lui dés l'âge du berceau,
La Cage & le Panier avoient mêmes Pénates.
Le Chat étoit fouvent agacé par l'Oiseau;
L'un s'efcrimoit du bec, l'autre joüoit des pates.
Ce dernier toutefois épargnoit fon ami,
Ne le corrigeant qu'à demi.

Il fe fût fait un grand fcrupule
D'armer de poimes fa ferule.
Le Paffereau moins circonfpect
Lui donnoit force coups de bec;
En fage & difcrette perfonne

Maître

Maître Chat excufoit ces jeux.

Entre amis il ne faut jamais qu'on s'abandonne Aux traits d'un couroux ferieux.

Comme ils fe connoiffoient tous deux dés leur bas âge,

Une longue habitude en paix les maintenoit;
Jamais en vrai combat le jeu ne fe tournoit:
Quand un Moineau du voisinage
S'en vint les vifiter, & fe fit compagnon
Du petulant Pierrot, & du fage Raton.
Entre les deux Oifeaux il arriva querelle.
Et Raton de prendre parti.

Cet inconnu, dit-il, nous la vient donner belle
D'infulter ainfi nôtre ami;

Le Moineau du voifin viendra manger le nôtre? Non, de par tous les Chats. Entrant lors au combat

Il croque l'estranger: Vraiment, dit maître Chat,
Les Moineaux ont un goût exquis & délicat.
Cette reflexion fit auffi croquer l'autre.
Quelle Morale puis-je inferer de ce fait?
Sans cela toute Fable est un œuvre imparfait.
J'en croi voir quelques traits; mais leur ombre
m'abufe

Prince, vous les aurez incontinent trouvez :

Ce font des jeux pour vous,

ma Mufe;

& non point pour

Elle & fes Sœurs n'ont pas l'efprit que vous avez.

CCXXIX. Du

CCXXIX.

Du Thefaurifeur & du Singe.

UN Homme accumuloit. On sçait que cette

erreur

Va fouvent jufqu'à la fureur.

Celui-ci ne fongeoit que Ducats & Piftoles. Quand ces biens font oififs, je tiens qu'ils font frivoles.

Pour feureté de fon Trefor

Nôtre Avare habitoit un lieu dont Amphitrite
- Défendoit aux voleurs de toutes parts l'abord.
Là d'une volupté, felon moi fort petite,
Et felon lui fort grande, il entaffoit toûjours.
Il paffoit les nuits & les jours

A compter, calculer, fupputer fans relâche;
Calculant, fupputant, comptant comme à la tâche,
Car il trouvoit toûjours du mécompte à fon fait:
Un gros Singe plus fage, à mon fens, que fon
Maître,

Jettoit quelque Doublon toûjours par la fenêtre,
Et rendoit le compte imparfait.

La chambre bien cadenacée
Permettoit de laiffer l'argent fur le comptoir.
Un beau jour Dom-bertrand fe mit dans la pen-
fée

D'en faire un facrifice au liquide manoir.

Quant à moi, lors que je compare

Les plaifirs de ce Singe à ceux de cet Avare,

Je

Je ne fçai bonnement aufquels donner le prix: Dom-bertrand gagneroit prés de certains efprits: Les raifons en feroient trop longues à déduire. Un jour donc l'animal, qui ne fongeoit qu'à nuire,

Détachoit du monceau tantôt quelque Doublon,
Un Jacobus, un Ducaton;

Et puis quelque Noble à la rofe,
Eprouvoit fon adreffe & fa force à jetter
Ces morceaux de métail qui se font souhaiter
Par les humains fur toute chofe.
S'il n'avoit entendu fon Compteur à la fin
Mettre la clef dans la ferrure,

Les Ducats auroient tous pris le même chemin,
Et couru la même avanture.

Il les auroit fait tous voler, jusqu'au dernier, Dans le goufre enrichi par maint & maint naufrage.

Dieu veuille préserver maint & maint Financier Qui n'en fait pas meilleur ufage.

CCXXX

Les deux Chévres:

és que les Chévres ont brouté;
Certain efprit de liberté

Leur fait chercher fortune; elles vont en voyage
Vers les endroits du pâturage.

Les moins frequentez des humains.

Là s'il eft quelque lieu fans route & fans chemins',

Un

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