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Pourquoi de l'Elephant s'aller embarailer?
Quelle ridicule entreprise!

Le fage l'aura fait par tel art & de guise,
Qu'on le pourra porter peut-être quatre pas;
Mais jufqu'au haut du mont, d'une haleine, il n'eft pas
Au pouvoir d'un mortel, à moins que la figure
Ne foit d'un Elephant nain, pigmée, avorton;
Propre à mettre au bout d'un baston;
Auquel cas, où l'honneur d'une telle avanture?
On nous vout attraper dedans cette écriture:
Ce fera quelque enigme à tromper un enfant.
C'eft pourquoi je vous laiffe avec votre Elephant.
Le raifonneur parti, l'Avantureux fe lance,
Les yeux clos à travers cette eau,

Ni profondeur ni violence

Ne pûrent l'arrêter, & felon l'écriteau
Il vid fon Elephant couché fur l'autre rive.
Il le prend, il l'emporte, au haut du mont arrive,
Rencontre une efplanade, & puis une cité.
Un cri par l'Elephant eft auffi-tôt jetté.

Le peuple auffi-tôt fort en armes.

Tout autre Avanturier au bruit de ces alarmes
Auroit fui. Celui-ci loin de tourner le dos

Veut vendre au moins fa vie, & mourir en Heros.
Il fut tout étonné d'oüir cette cohorte,

Le proclamer Monarque au lieu de fon Roi mort. Il ne fe fit prier que de la bonne forte.

Encor que le fardeau fut, dit-il, un peu fort. Sixte en difoit autant quand on le fit faint Pere, (Seroit-ce bien une mifere

Que d'être Pape ou d'être Roi?)

On reconnut bien-tôt fon peu de bonne foi. -
Fortune aveugle fuit aveugle hardicffe.

Le

Le fage quelquefois fait bien d'executer,
Avant que de donner le temps à la fageffe
D'envisager le fait, & fans la confulter.

CCIII.

DISCOVRS A MONSIEUR le Duc de la Rochefoucault.

J

E me fuis fouvent dit, voiánt de quelle forte
L'homme agit, & qu'il fe comporte

En mille occafions comme les animaux:

Le Roi de ces gens-là n'a pas moins de défaux
Que fes fujets, & la nature

A mis dans chaque creature

Quelque grain d'une maffe où puifent les efprits:
J'entens les efprits corps, & paitris de matiere.
Je vais prouver ce que je dis.

A l'heure de l'affut, foit lors que la lumiere
Précipite fes traits dans l'humide sejour;
Soit lors que le Soleil rentre dans la carriere,
Et que n'étant plus nuit, il n'eft pas encor jour,
Au bord de quelque bois fur un arbre je grimpe;
En nouveau Jupiter du haut de cet Olimpe,
Je foudroie à discretion

Un lapin qui n'y penfoit guere.
Je vois fuir auffi-tôt toute la nation
Des lapins qui fur la Bruyere,
L'œil éveillé, l'oreille au guct,

S'é

S'égayoient & de thim parfumoient leur banquet.
Le bruit du coup fait que la bande
S'en va chercher fa feureté

Dans la foûterraine cité:

Mais le danger s'oublie, & cette peur fi grande
S'évanouit bien-tôt. Je revois les lapins
Plus qu'auparavant revenir fous mes mains.
Ne reconnoit-on pas en cela les humains?
Difperfez par quelque orage

A peine ils touchent le port,
Qu'ils vont hazarder encor
Même vent, même naufrage.
Vrais lapins on les revoit

Sous les mains de la fortune.
Joignons à cet exemple une chose commune.
Quand des chiens étrangers paffant par quelque en-
droit.

Qui n'eft pas de leur détroit,
Je laiffe à penfer quelle fête.

Les chiens du lieu n'ayans en tête
Qu'un intereft de gueule, à cris, à coups de dents
Vous accompagnent ces paffans

Jufqu'aux confins du territoire.

Un interêt de biens, de grandeur, & de gloire, Aux Gouverneurs d'Etats, à certains Courtifans, A gens de tous métiers en fait tout autant faire, On nous void tous pour l'ordinaire

Piller le furvenant, nous jetter fur fa peau. D La coquette & l'auteur font de ce caractere; Malheur à l'écrivain nouveau.

Le moins de gens qu'on peut à l'entour du gâteau, C'eft le droit du jeu, c'est l'affaire.

Cent exemples pourroient appuier mon difcours;

Mais les ouvrages les plus courts

Sont toûjours les meilleurs. En cela j'ai pour guides
Tous les maîtres de l'art, & tiens qu'il faut laiffer
Dans les plus beaux fujets quelque chofe à penfer:
Ainfi ce difcours doit ceffer.

Vous qui m'avez donné ce qu'il a de folide,
Et dont la modestie égale la grandeur,
Qui ne pûtes jamais écouter fans pudeur
La louange la plus permise,

La plus jufte & la micux acquife,

Vous enfin dont à peine ai-je encore obtenu
Que vôtre nom reçut ici quelques hommages,
Du temps & des cenfeurs défendant mes ouvrages,
Comme un nom qui des ans & des peuples connu,
Fait honneur à la France en grands noms plus feconde
Qu'aucun climat de l'Univers,

Permettez-moi du moins d'apprendre à tout le monde
Que vous m'avez donné le fujet de ces Vers.

CCIV.

Le Marchand, le Gentilhomme, le Pâtre 66 le Fils de Roi.

Uatre chercheurs de nouveaux Mondes, Prefque nuds échapez à la fureur des ondes, Un Trafiquant, un Noble, un Pâtre, un Fils de Roi, Reduits au fort de Bellizaire, *

* Bellizaire étoit un grand Capitaine, qui aiant

com

commandé les Armées de l'Empereur & perdu les bonnes graces de fon Maître, tomba dans un tel point de mifere, qu'il demandoit l'aumône fur les grands chemins.

Demandoient aux paffans dequoi
Pouvoir foulager leur mifere.

De raconter quel fort les avoit affemblez.
Quoi que fous divers points tous quatre ils fuffent nez,
C'est un recit de longue haleine.

1

Ils s'affirent enfin au bord d'une fontaine.
Là le confeil fe tint entre les pauvres gens./
Le Prince s'étendit fur le malheur des Grands.
Le Pâtre fut d'avis qu'éloignant la pensée.......!
De leur avanture paffée

Chacun fift de fon mieux, & s'appliquât au foin
De pourvoir au commun befoin.

La plainte, ajoûta-t-il, guerit-elle fon homme?
Travaillons; c'eft dequoi nous mener jufqu'à Rome.
Un Pâtre ainfi parler! ainfi parler; croit-on
Que le Ciel n'ait donné qu'aux têtes couronnées
De l'efprit & de la raison,

Et

que de tout Borger comme de tout mouton,
Les connoiffances foient bornées?

L'avis de celui-ci fut d'abord trouvé bon

Par les trois échoüez aux bords de l'Amerique
L'un, c'étoit le Marchand, favoit l'Arithmetique;
A tant par mois, dit-il, j'en donnerai leçon.
J'enfeignerai la Politique,

Reprit le Fils de Roi. Le Noble poursuivit;
Moi je fais le blafon; j'en veux tenir école:
Comme fi devers l'Inde on cut eu dans l'efprit

La

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