Capables de toucher les morts, Chantoit un jour le long des bords
D'une onde arrofant des prairies, Dont Zephire habitoit les campagnes fleuries. Annette cependant à la ligne pêchoit; Mais nul poiffon ne s'approchoit. La Bergere perdoit fes peines. Le Berger, qui par fes chanfons Eut attiré des inhumaines,
Crut, & crut mal, attirer des poiffons. Il leur chanta ceci. Citoiens de cette onde, Laiffez votre Nayade en fa grote profonde; Venez voir un objet mille fois plus charmant. Ne craignez point d'entrer aux prifons de la Belle; Ce n'eft qu'à nous qu'elle eft cruelle:
Vous ferez traitez doucement.
On n'en veut point à vôtre vie:
Un vivier vous attend plus clair que fin criftal, Et quand à quelques-uns l'appat feroit fatal, Mourir des mains d'Annette eft un fort que j'envie. Ce difcours éloquent ne fit pas grand effet; L'auditoire étoit fourd auffi bien que muet. Tyrcis eut beau prêcher: fes paroles miellées S'en étant aux vents envolées,
Il tendit un long rets. Voilà les poiffons pris; Voilà les poiffons mis aux pieds de la Bergere. O vous Pafteurs d'humains & non pas de brebis: Rois qui croyez gagner par raifons les efprits D'une multitude étrangere,
Ce n'eft jamais par-là que l'on en vient à bout: Il y faut une autre maniere, Servez-vous de vos rets, la puiffance fait tout.
Les deux Perroquets, le Roi fon fils.
Eux Perroquets, l'un pere & l'autre fils, Du roft d'un Roi faifoient leur ordinaire. Deux demi dieux, l'un fils & l'autre pere, De ces oyfeaux faifoient leurs favoris. L'âge lioit une amitié fincere
Entre ces gens; les deux peres s'aimoient; Les deux enfans, malgré leur cœur frivole, L'un avec l'autre auffi s'accouitumoient, Nourris ensemble, & compagnons d'école. C'étoit beaucoup d'honneur au jeune Perroquct; Car l'enfant étoit Prince & fon pere Monarque. Par le temperament que lui donna la Parque, Il aimoit les oifeaux. Un Moineau fort coquet, Et le plus amoureux de toute la Province; Faifoit auffi fa part des delices du Prince. Ces deux rivaux un jour enfemble fe joüans, Comme il arrive aux jeunes gens. Le jeu devint une querelle.
Le Paffereau peu circonfpee, S'attira de tels coups de bec,
Que demi mort & traînant I aîle, On crut qu'il n'en pourroit guerir. Le Prince indigné fit mourir
Son Perroquet. Le bruit en vint au pere. L'infortuné vicillard cric & fe defefpere.
Le tout en vain; fes cris font fuperflus: L'oifeau parleur eft déja dans la barque: Pour dire mieux, l'oifeau ne parlant plus Fait qu'en fureur fur le fils du Monarque Son pere s'en va fondre, & lui creve les yeux. Il fe fauve auffi-tôt, & choifit pour azile
Le haut d'un Pin. Là dans le fein des Dieux. Il goute fa vengeance en licu feur & tranquille. Le Roi lui-même y court, & dit pour l'attirer, Ami, reviens chez moi: que nous fert de pleurer? Haine, vengeance & deüil, laiffons tout à la porte. Je fuis contraint de déclarer,
Encor que ma douleur foit forte,
Que le tort vient de nous! mon fils fut l'agreffeur. Mon fils! non; C'est le Sort qui du coup elt l'autheur. La Parque avoit écrit de tout temps en fon livre Que l'un de nos enfans devoit ceffer de vivre, L'autre de voir, par ce malheur Confalons-nous tous deux, & reviens dans ta cage, Le Perroquet dit: Sire Roi,
Crois-tu qu'aprés un tel outrage
Je me doive fier à toi?
Tu m'allegues le Sort; pretends-tu par ta foi Me leurrer de l'appat d'un profane langage? Mais que la providence ou bien que le deftin Regle les affaires du monde,
Il eft écrit là-haut qu'au faîte de ce pin Ou dans quelque Forêt profonde. J'acheverai mes jours loin du fatal objet Qui doit t'être un jufte fujet
De haine & de fureur. Je fai que la vengeance Eft un morceau de Roi, car vous vivez en Dieux, Tu veux oublier cette offenfe:
Je le crois: cependant, il me faut pour le mieux : Eviter ta main & tes yeux.
Sire Roi mon ami, va t'en, tu perds ta peine,
Ne me parle point de retour;
L'abfence eft auffi bien un remede à la haine Qu'un appareil contre l'amour,
La Lionne & P'Ourse,
Ere Lionne avoit perdu fon fan.
Un Chaffeur l'avoit pris. La pauvre infortunée Pouffoit un tel rugiffement
Que toute la Foreft étoit importunée. La nuit ni fon obfcurité,
Son filence & fes autres charmes,
De la Reine des bois n'arrétoit les vacarmes, Nul animal n'étoit du fommeil vifité.. L'Ourfe enfin lui dit: Ma commere, Un mot fans plus; tous les enfans Qui font paffez entre vos dents, N'avoient-ils ni pere ni mere? Ils en avoient. S'il eft ainfi,
Et qu'aucun de leur mort n'ait nos têtes rompücs, Si tant de meres fe font teuës,
Que ne vous taifez-vous auffi? Moi me taire! moi malheureuse!
Ah j'ai perdu mon fils! il me faudra traîner Une vieilleffe doulourcufe.
Dites-moi, qui vous force à vous y condamner ? X 5
Helas! c'eft le deftin qui me hait. Ces paroles Ont été de tout temps en la bouche de tous. Miserables humains, ceci s'adresse à vous: Je n'entends refonner que des plaintes frivoles. Quiconque en pariel cas fe croit haï des Cieux, Qu'il confidere Hecube, il rendra grace aux Dieux.
Les deux Avanturiers & le Talisman.
Ucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire. Je n'en veux pour témoin, qu'Hercule & fès tra-
Ce Dieu n'a guere de rivaux!
J'en voi peu dans la Fable,encor moins dans l'Hiftoire. En voici pourtant un que de vieux Talismans Firent chercher fortune au païs des Romans. Il voyageoit de compagnie,
Son camarade & lui trouverent un poteau, Aiant au haut cet écriteau.
Seigneur Avanturier, s'il te prend quelque envie De voir ce que n'a veu nul Chevalier errant, Tu n'as qu'à paffer ce torrent,
Puis prenant dans tes bras un Elephant de pierre, Que tu verras couché par terre,
Le porter d'une haleine au fommet de ce mont Qui menace les Cieux de fon fuperbe front. L'un des deux Chevaliers feigna du nez. Si l'onde Eft rapide autant que profonde,
Dit-il, & fuppofé qu'on la puiffe paffer,
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