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Un de nos deux amis fort du lit en alarme:
Il court chez fon intimne, éveille les valets:
Morphée avoit touché le feuil de ce palais,
L'amy couché s'étonne, il prend fa bourse, il s'arme,
Vient trouver l'autre, & dit; Il vous arrive peu
De courir quand on dort; vous me paroiffiez homme
A mieux ufer du temps destiné pour le fomme:
N'auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu?
En voici: s'il vous eft venu quelque querelle,
J'ay mon épée, allons: Vous ennuyez-vous point
De coucher toûjours feul? une efclave affez belle
Etoit à mes côtez, voulez-vous qu'on l'appelle?
Non, dit l'amy, ce n'eft ni l'an ni l'autre poin&;
Je vous rends grace de ce żele,

Vous m'étes en dormant un peu triste apparu :
J'ay craint qu'il ne fuft vray, je fuis vifte accouru.
Ce maudit fonge en eft la caufe.

Qui d'eux aimoit le mieux, que t'en femble Lecteur?
Cette difficulté vaut bien qu'on la propose.
Qu'un amy vcritable eft une douce chofe!
Il cherche vos befoins au fond de vôtre cœur!
Il vous épargne la pudeur

De les luy découvrir vous-même.

Un Songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s'agit de ce qu'il aime.

CLIII. Le

CLIII.

Le Cochon, la Chevre & le Mouton.

Ne Chevre, un Mouton, avec un Cochon gras, Montez fur même char s'en alloient à la foire: Leur divertiffement ne les y portoit pas ; On s'en alloit les vendre, à ce que dit l'hiftoire: Le Charton n'avoit pas deffein De les mener voir Tabarin.

Dom Pourceau crioit en chemin,
Comme s'il avoit eu cent Bouchers à fes trouffes.
C'étoit une clameur à rendre les gens fourds;
Les autres animaux, creatures plus douces.
Bonnes gens, s'étonnoient qu'il criât au fecours;
Ils ne voyoient nul mal à craindre.

Le Charton dit au Porc, qu'as-tu tant à te plaindre?
Tu nous étourdis tous, que ne te tiens-tu coy?
Ces deux perfonnes-ci plus honnétes que toy,
Devroient t'apprendre à vivre, ou du moins à te taire.
Regarde ce Mouton; A-t-il dit un feul mot?
Il eft fage. Il est un fot,

Repartit le Cochon : s'il fçavoit fon affaire,
Il crieroit comme moy du haut de fon gozier,
Et cette autre perfonne honnéte

Crieroit tout du haut de fa téte.

Ils penfent qu'on les veut feulement décharger,
La Chevre de fon lait, le Mouton de fa laine,
Je ne fçay pas s'ils ont raifon;

Q 4

Mais

Mais quant à moy qui ne fuis bon.
Qu'à manger, ma mort eft certaine.
Adieu mon toit & ma maison.

Dom Pourceau raifonnoit en fubtil perfonnage:
Mais que lui fervoit-il ? quand le mal cft certain,
La plainte ni la peur ne changent le deftin:
Et le moins prévoiant est toûjours le plus fage.

CLIV,

Tircis & Amarante,

Pour Mademoiselle de Sillery.

J

'Avois Efope quitté.

Pour étre tout à Bocacc;
Mais une Divinité

Veut revoir fur le Parnaffe
Des Fables de ma façon;
Or d'aller lui dire, Non,
Sans quelque valable excufe,
Ce n'est pas comme on en ufe
Avec des Divinitez,

Sur tout quand ce font de celles
Que la qualité de belles
Fait Reines des volontez.
Car afin que l'on le fache.
C'eft Sillery qui s'attache
A vouloir que de nouveau

Sire Loup, Sire Corbeau
Chez moi fe parlent en rime.
Qui dit Sillery, dit tout;
Peu de gens en leur eftime
Lui refusent le haut bout?
Comment le pourroit-on faire?
Pour venir à notre affaire,
Mes contes à fon avis

Sont obfcurs; Les beaux efprits
N'entendent pas toute chose:
Faifons donc quelques recits
Qu'elle déchifre fans glofe.
Amenons des Bergers & puis nous rimerons
Ce que difent entre eux les Loups & les Moutons.
Tircis difoit un jour à la jeune Amarante;
Ah! fi vous connoiffiez comme moi certain mal
Qui nous plait & qui nous enchante!

Il n'eft bien fous le Ciel qui vous parût égal:
Souffrez qu'on vous le communique;
Croiez-moi; n'aiez point de peur;

Voudrois-je vous tromper, vous pour qui je me pique
Des plus doux fentimens que puiffe avoir un cœur ;
Amarante auffi-tôt replique;

Comment l'appellez-vous ce mal? quel eft fon nom? L'amour. Ce mot eft beau: Dites-moi quelque marque

A quoi je le pourrai connoître: que fent-on ? Des peines prés de qui le plaifir des Monarques Eft ennuyeux & fade: on s'oublie, on fe plaist Toute feule en une forest.

Se mire-t-on prés un rivage?

Ce n'eft pas foi qu'on voit, on ne voit qu'une image Qui fans ceffe revient & qui fuit en tous lieux:

Pour

Pour tout le refte on eft fans yeux.
Il est un Berger du village

Dont l'abord, dont la voix, dont le nom fait rougir:
On foûpire à fon fouvenir;

On ne fait pas pourquoi; cependant on foûpire; On a peur de le voir encor qu'on le defire. Amarante dit à l'inftant

Oh! oh! c'est-là ce mal que vous me préchez tant?
Il ne m'eft pas nouveau: je pense le connoître.
Tircis à fon but croioit étre,

Quand la belle ajoûta, Voilà tout justement
Ce que je fens pour Clidamant.
L'autre penfa mourir de dépit & de honte.
Il est force gens comme lui

Qui pretendent n'agir que pour leur propre compte,
Et qui font le marché d autrui.

L

CLV.

Les Obfeques de la Lionne.

A femme du Lion mourut:

Auffi-tôt chacun accourut

Pour s'acquiter envers le Prince

De certains complimens de confolation,
Qui font furcroit d'affliction.

Il fit avertir fa Province,
Que les obfeques fe feroient

Un tel jour, en tel lieu; fes Provosts y feroient
Pour regler la ceremonie,

Et pour placer la compagnie.

Jugez

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