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A des morts, il eft vrai, glorieufes & belles,
Mais fûres cependant, & quelquefois cruelles.
J'ai beau te le crier; mon zele eft indifcret:
Le plus femblable aux morts meurt le plus à regret.

UN

CXLIII.

Le Savetier & le Financiër.

N Savetier chantoit du matin jufqu'au foir:
C'étoit merveilles de le voir,

Merveilles de l'oüir: il faifoit des paffages,
Plus content qu'aucun des fept Sages.

Son voifin au contraire, étant tout coufu d'or,
Chantoit peu, dormoit moins encor.

C'étoit un homme de finance.

Si fur le point du jour par fois il fommeilloit,
Le Savetier alors en chantant l'éveilloit,
Et le Financier fe plaignoit,
Que les foins de la Providence

N'euffent pas au marché fait vendre le dormir,
Comme le manger & le boire.

En fon hoftel il fait venir

Le chanteur, & lui dit: Or ça, Sire Gregoire, Que gagnez-vous par an? ma foi Monfieur, Dit avec un ton de rieur

Le gaillard Savetier, ce n'eft point ma maniere De compter de la forte; & je n'entaffe guere Un jour fur l'autre: il fuffit qu'à la fin J'attrape le bout de l'année:

Chaque jour amene fon pain.

Et bien que gagnez-vous, dites-moi, par journée?.
Tantôt plus, tantôt moins: le mal eft que toûjours,
(Et fans cela nos gains feroient affez honnêtes,)
Le mal eft que dans l'an s'entremeflent des jours
Qu'il faut chommer; on nous ruine en Fétés.
L'une fait tort à l'autre; & Monfieur le Curé,
De quelque nouveau Saint charge toûjours fon prône,
Le Financier riant de fa naïveté,

Lui dit: Je vous veux mettre aujourd'hui fur le trône,
Prenez ces cent écus: gardez les avec foin,
Pour vous en fervir au befoin.

Le Savetier crut voir tout l'argent que la terre
Avoit depuis plus de cent ans
Produit pour l'ufage des gens.

Il retourne chez lui: dans fa cave il enferre
L'argent & fa joye à la fois.

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Plus de chant; il perdit la voix

Du moment qu'il gagna ce qui caufe nos peines.
Le fommeil quitta fon logis,

Il eut pour hôtes les foucis,
Les foupçons, les alarmes vaines.

Tout le jour il avoit l'œil au guet; Et la nuit,
Si quelque chat faifoit du bruit,

Le chat prenoit l'argent: A la fin le pauvre homme
S'en courut chez celui qu'il ne réveilloit plus.
Rendez-moi, lui dit-il, mes chanfons & mon fomme,
Et reprenez vos cent écus.

CXLIV. Le

CXLIV.

Le Lion, le Loup & le Renard.

N Lion décrepit, gouteux, n'en pouvant plus, Alleguer l'impoffible aux Rois, c'est un abus. Celui-ci parmi chaque efpece

Manda des Medecins; il en eft de tous arts:
Medecins au Lion viennent de toutes parts;
De tous côtez lui vient des donneurs de receptes.
Dans les vifites qui font faites,

Le Renard fe difpenfe, & fe tient clos & coi.
Le Loup en fait fa cour, daube au coucher du Roi
Son camarade abfent; le Prince tout à l'heure
Veut qu'on aille enfumer Renard dans fa demeure,
Qu'on le faffe venir. Il vient, eft prefenté;
Et fcachant que le Loup lui faifoit cette affaire;
Je crains, Sire, dit-il, qu'un rapport peu fincere,
Ne m'ait à mépris imputé

D'avoir differé cet hommage;
Mais j'étois en pelerinage;

Et m'acquitois d'un vou fait pour vôtre fanté.
Même j'ai veu dans mon voyage

Gens experts & fçavans; leur ai dit la langueur
Dont vôtre Majelté craint à bon droit la fuite,
Vous ne manquez que de chaleur :
Le long age en vous l'a détruite :

D'un Loup écorché vif appliquez-vous la peau
Toute chaude & toute fumante;

Le fecret fans doute en cft beau
Pour la a nature défaillante.
Meffire Loup vous fervira,

S'il vous plaift, de robe de chambre.
Le Roi goûte cet avis-là:

On écorche, on taille, on démembre
Meffire Loup. Le Monarque en soupa;
Et de fa peau s'envelopa.

Meffieurs les Courtifans, ceffez de vous detruire;
Faites fi vous pouvez votre cour fans vous nuire.
Le mal fe rend chez vous au quadruple du bien.
Les daubeurs ont leur tour, d'une ou d'autre maniere:
Vous étes dans une carriere

Où l'on ne fe pardonne rien.

CXLV.

Le pouvoir des Fables.

A MONSIEUR DE BARILLON.

Leur elle s'abaiffer à des contes vulgaires?
A qualité d'Ambaffadeur

Vous puis-je offrir mes vers & leurs graces legeres?
S'ils ofent, quelquefois prendre un air de grandeur,
Seront-ils point traitez par vous de temeraires ?
Vous avez bien d'autres affaires

A demêler que les debats
Du Lapin & de la Belette:
Lifez-les, ne les lifez pas;

Mais empéchez qu'on ne nous mette

Toute

Toute l'Europe fur les bras.
Que de mille endroits de la terre
Il nous vienne des ennemis,

J'y confens; mais que l'Angleterre

Veüille que nos deux Rois fe laffent d'être amis,
J'ai peine à digerer la chofe.

N'eft-il point encor temps que Louis fe repofe?
Quel autre Hercule enfin ne fe trouveroit las
De combattre cette Hydre? & faut-il qu'elle oppofc
Une nouvelle téte aux efforts de fon bras?
Si vôtre efprit plein de foupleffe,
Par éloquence, & par adreffe,

Peut adoucir les cœurs, & détourner ce coup,
Je vous facrifierai cent moutons; c'eft beaucoup
Pour un habitant du Parnasse.
Cependant faites-moi la grace

De prendre en don ce peu d'encens.
Prenez en gré mes vœux ardens.
Et le recit en vers, qu'ici je vous dedic.
Son fujet vous convient; je n'en dirai pas plus:
Sur les Eloges que l'envie

Doit avouer qui vous font deus, Vous ne voulez pas qu'on appuie. Dans Athene autrefois, peuple vain & leger, Un Orateur voiant fa patrie en danger, Courut à la Tribune; & d'un art tyrannique, Voulant forcer les coeurs dans une Republique, parla fortement fur le commun falut.

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On ne l'écoutoit pas: l'Orateur recourut

A ces figures violentes

Qui favent exciter les ames les plus lentes.
Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il pût.
Le vent emporta tout; perfonne ne s'émut.

L'a

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