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CXXIX.

Les Soubaits.

L eft au Mogol des folcts
Qui font office de valets,

Tiennent la maison propre, ont foin de l'équipage,
Et quelquefois du jardinage. -

Si vous touchez à leur ouvrage,

Vous gaftez tout. Un d'eux prés du Gange autrefois
Cultivoit le jardin d'un affez bon Bourgeois.
Il travailloit fans bruit, avoit beaucoup d'adreife,
Aimoit le maître & la maîtreffe,

Et le jardin fur tout. Dieu fait fi les Zephirs,
Peuple ami du Demon l'affiftoient dans fa tâche:
Le folet de fa part travaillant fans relâche
Combloit fes hôtes de plaifirs.

Pour plus de marques de fon zele

Chez ces gens pour toûjours il fe fût arrêté,
Nonobftant la legereté

A fes pareils fi naturelle;

Mais fes confreres les efprits
Firent tant que le chef de cette republique,
Par caprice ou par politique,

Le changea bientôt de logis.

Ordre lui vient d'aller au fond de la Norvege
Prendre le foin d'une maison

En tout temps couverte de neige;
Et d'Indou qu'il étoit on vous le fait Lapon.
Avant que de partir, l'efprit dit à fes hôtes:

On

On m'oblige de vous quitter:

Je ne fçais pas pour quelles fautes; Mais enfin il le faut, je ne puis arrêter

Qu'un temps fort court; un mois, peut-étre une femaine.

Employez-la; formez trois fouhaits, car je puis
Rendre trois fouhaits accomplis;
Trois fans plus. Souhaiter, ce n'eft pas une peine
Etrange & nouvelle aux humains.
Ceux-ci pour premier vœu demandent l'abondance;
Et l'abondance à pleines mains

Verse en leurs cofres la finance,

En leurs greniers le bled, dans leur caves les vins; Tout en creve. Comment ranger cette chevance? Quels regîtres, quels foins, quel temps il leur falut! Tous deux font empéchez fi jamais on le fut.

Les voleurs contre eux comploterent;
Les grands Seigneurs leur emprunterent;
Le Prince les taxa. Voila les pauvres gens
Malheureux par trop de fortune.

Otez nous de ces biens l'affluence importune,
Dirent-ils l'un & l'autre; heureux les indigens!
La pauvreté vaut mieux qu'une telle richeffe..
Retirez-vous trefors, fuyez: & toi Déeffe,
Mere du bon efprit, compagne du repos,
La mediocrité, revien vîte. A ces mots
La mediocrité revient; on lui fait place;
Avec elle ils rentrent en grace,

Au bout de deux fouhaits étant auffi chanceux
Qu'ils étoient, & que font tous ceux

Qui fouhaittent toûjours, & perdent en chimeres
Le temps qu'ils feroient mieux de mettre à leurs

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Le folêt en rit avec eux.

Pour profiter de fa largeffe,

Quand il voulut partir, & qu'il fut fur le poinct, -Ils demanderent la fageffe;

C'eft un trefor qui n'embaraffe point.

CXXX.

La Cour du Lion.

A Majefté Lionne un jour voulut connoître,
De

Il manda donc par deputez
Ses vaffaux de toute nature,
Envoyant de tous les côtez
Une circulaire écriture,
Avec fon fceau. L'écrit portoit
Qu'un mois durant le Roi tiendroit
Cour pleniere, dont l'ouverture
Devoit étre un fort grand feftin,
Suivi des tours de Fagotin.

Par ce trait de magnificence

Le Prince à fes fujets étaloit fa puiffance.
En fon Louvre il les invita.

Quel Louvre! un vrai charnier, dont l'odeur fe porta
D'abord au nez des gens. L'Ours boucha fanarine:
Il fe fut bien paffé de faire cette mine.
Sa grimace dépleut. Le Monarque irrité
L'envoya chez Pluton faire le dégoûté.
Le Singe approuva fort cette feverité;
Et flateur exceffif il loüa la colere,

Et

Et la griffe du Prince, & l'antre, & cette odeur: Il n'etoit ambre, il n'étoit fleur,

Qui ne fût ail au prix. Sa fotte flaterie

Eut un mauvais fuccés, & fut encor punie.
Ce Monfeigneur de Lion là,

Fut parent de Caligula.

Le Renard étant proche: Or ça, lui dit le Sire, Que fens-tu? dis le moi: Parle fans déguifer. L'autre auffi-toft de s'excufer,

Alleguant un grand rume: il ne pouvoit que dire Sans odorat; bref il s'en tire..

Ceci vous fert d'enseignement. Ne foiez à la Cour, fi vous voulez y plaire, Ni fade adulateur, ni parleur trop fincere ; Et tâchez quelquefois de répondre en Normant.

CXXXI.

Les Vautours les Pigeons.

Ars autrefois mit tout l'air en émûte.
Certain fujet fit naître la difpute

Chez les oifeaux; non ceux que le Printemps
Meine à fa Cour, & qui fous la feüillée
Par leur exemple & leurs fons éclatans
Font que Venus eft en nous réveillée;
Ni ceux encor que la Mere d'Amour
Met à fon char: mais le peuple Vautour
Au bec retors, à la tranchante ferre,

Pour un chien mort fe fit, dit-on, la guerre.
Il plut du fang; je n'exagere point.

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Si je voulois, conter de poinct en poinct.
Tout le détail, je manquerois d'haleine.
Maint chef perit, maint heros expira;
Et fur fon roc Prométhée efpera
De voir bien-tôt une fin à fa peine.
C'étoit plaifir d'obferver leurs efforts;
C'étoit pitié de voir tomber les morts.
Valeur, adreffe, & rufes, & furprises,
Tout s'employa: Les deux troupes éprises.
D'ardent courroux n'épargnoient nuls moyens
De peupler l'air que refpirent les ombres:
Tout clement remplit de citoiens,

Le vafte enclos qu'ont les roiaumes fombres.
Cette fureur mit la compaffion

Dans les efprits d'une autre nation

Au col changeant, au coeur tendre & fidéle. Elle employa fa mediation

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Pour accorder une telle querelle.
Ambaffadeurs par le peuple Pigeon
Furent choifis, & fi bien travaillerent,
Que les Vautours plus ne fe chamaillerent,
Ils firent treve, & la paix s'enfuivit:
Helas! ce fut aux dépens de la race
A qui la leur auroit deu rendre grace.
La gent maudite auffi-tôt pourfuivit,
Tous les pigeons, en fit ample carnage,
En dépeupla les bourgades, les champs,
Peu de prudence eurent les pauvres gens,
D'accommoder un peuple fi fauvage.
Tenez toûjours divifez les méchans
La feureté du refte de la terre
Dépend de la Semez entre eux la guerre,
Ou vous n'aurez avec cux nulle paix.

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