CXXII. Le Charlatan. E monde n'a jamais manqué de Charlatans, Fut en Profeffeurs tres-fertile. Tantot l'un en Theatre affronte l'Acheron: Oüy, Meffieurs, un lourdaut; un animal, un Ane? Et veux qu'il porte la foutane. Le Prince fçut la chofe: il manda le Rheteur. J'ay, dit-il, en mon ecurie Un fort beau Rouffin d'Arcadie: J'en voudrois faire un Orateur. Sire, vous pouvez tout, reprit d'abord nôtre homme. Il devoit au bout de dix' ans' Sinon il confentoit d'étre en place publique Ayánt au dos fa Rhetorique, Et les oreilles d'un Baudet. QA Quelqu'un des Courtifans lui dit qu'à la potence Yulgairement nommez larrons. L'autre reprit: Avant l'affaire Le Roy, l'Ane, ou moy nous mourrons. Il avoit raison. C'eft folie De compter fur dix ans de vie. Soions bien beuvans, bien mangeans, Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans. L CXXIII, La Difcorde: A Déeffe Difcorde ayant brouillé les Dieux, Chez l'animal qu'on appele Homme Elle, & que fi, que non, fon frerë, A celuy des mortels qui nous font oppofez.: Et Et qui fe mariant fans Prêtre & fans Notaire; Pour la faire trouver aux lieux où le befoin Couroit vite aux debats, & prevenoit la paix De demeure fixe & certaine. Bien fouvent l'on perdoit à la chercher fa peine. Comme il n'étoit alors aucun Convent de Filles, L'Auberge enfin de l'Hymenée CXXIV. La jeune Veuve. A perte d'un époux ne va point fans foupirs. On fait beaucoup de bruit, & puis on fe confole. Sur les aîles du temps la trifteffe s'envole; Le temps rameine les plaifirs.. Entre la Veuve d'une ann Et la Veuve d'une journée, La difference eft grande. On ne croiroit jamais Que < Que ce fut la même perfonne. L'une fait fuïr les gens, & l'autre a mille attraits: L'Epoux d'une jeune beauté Partoit pour l'autre monde. A fes côtez fa femme La Belle avoit une pere homme prudent & fage; A la fin pour la confoler, Ma fille, lui dit-il, c'eft trop verfer de larmes : Qu'a befoin le défunt que vous noiez vos charmes? Puifqu'il eft des vivans, ne fongez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l'heure Une condition meilleure Change en des nopces ces transports: Mais aprés certain temps fouffrez qu'on vous propose Un époux beau, bien fait, jeune, & tout autre chofe Que le défunt. Ah! dit-elle auffi-tôt, Un Cloître eft l'époux qu'il me faut. Le pere lui laiffa digerer fa difgrace. L'autre mois, on l'employe à changer tous les jours En attendant d'autres atours. Re Revient au colombier : les jeux, les ris, la danfo Ont auffi leur tour à la fin. On fe plonge foir & matin Dans la fontaine de Jouvence. Le Pere ne craint plus ce défunt tant cheri. Mais comme il ne parloit de rien à nôtre Belle, Où donc eft le jeune mari Que vous m'avez promis, dit-elle ? EPILOGUE. Ornons ici cette carriere. B Les longs ouvrages me font peur. Loin d'épuifer une matiere tez, A peindre fes mal-heurs & fes felicitez. Heureux fi ce travail eft la derniere peine |