Obrazy na stronie
PDF
ePub

propos de les habiller des livrées des Mufes. Ce que Platon en rapporte eft fi agréable, que je ne puis m'empêcher d'en faire un des ornemens de cette Preface. Il dit que Socrate étant condamné au dernier fupplice, l'on remit l'execution de l'arrêt à caufe de certaines fêtes. Cebes l'alla voir le jour de fa mort. Socrate lui dit que les Dieux l'avoient averti plufieurs fois pendant fon fommeil, qu'il devoit s'appliquer à la Mufique avant qu'il mourût. Il n'avoit pas entendu d'abord ce que ce fonge fignifioit: car comme la Mufique ne rend pas l'homme meilleur, à quoi bon s'y attacher? il faloit qu'il y eut du myftere là-deffous; d'autant plus que les Dieux ne fe laffoient point de lui envoyer la même infpiration. Elle lui étoit encore venue une de ces fétcs. Si bien qu'en fongeant aux chofes que le Ciel pouvoit exiger de lui il s'étoit avifé que la Mufique & la Poëfie ont tant de rapport, que poffible étoit-ce de la derniere qu'il s'agiffoit: Il n'y a point de bonne Poelie fans harmonie; mais il n'y en a point non plus fans fiction; & Socrate ne favoit que dire la verité. Enfin il avoit trouvé un tem. perament. C'étoit de choifir des Fables qui continffent quelque chofe de veritable, telles que font celles d'Efope. Il employa donc à les mettre en Vers les derniers momens de sa vie,

Socrate n'eft pas le feul qui ait confideré comme foeurs, la Poefie & nos Fables. Phedre a témoigné qu'il étoit de ce fentiment; & par l'excellence de fon Ouvrage nous pouvons juger de celui du Prince des Philofophes. Aprés Phedre, Avienus a traité le même fujet. Enfin les Modernes les ont fuivis. Nous en avons des exemples non-feulement chez les Etrangers; mais chez nous. Il est vrai que lors que nos

gens

gens y ont travaillé, la Langue étoit fi differente de ce qu'elle eft, qu'on ne les doit confiderer que comme Etrangers. Cela ne m'a point détourné de mon entreprise; au contraire, je me fuis flaté de l'efperance que fije ne courois dans cette carriere avec fuc cez, on me donneroit au moins la gloire de l'avoir

Ouverte.

Il arrivera poffible que mon travail fera naitre à d'autres perfonnes l'envie de porter la chofe plus loin. Tant s'en faut que cette matiere foit épuifée, qu'il refte encore plus de Fables à mettre en Vers, que je n'en ay mis. J'ay choifi veritablement les meilleures, c'cft-à-dire celles qui m'ont femblé telles. Mais outre que je puis m'etre trompé dans mon choix, il ne fera pas difficile de donner un autre tour à celles là même que j'ay choifies; & fi ce tour eft moins long, il fera fans doute plus approuvé. Quoi qu'il en arrive, on m'aura toûjours obligation; foit que ma temerité ait été heureufe, & que je ne me fois point trop écarté du chemin qu'il faloit tenir, foit que j'aye feulement excité les autres à mieux faire,

Je penfe avoir juftifié fuffisamment mon deffein; quant à l'execution, le Public en fera juge. On ne trouvera pas ici l'élegance ni l'extréme breveté, qui rendent Phedre recommandable; ce font des qualitez au deffus de ma portée, Comme il m'étoit impoffible de l'imiter en cela, j'ai cru qu'il faloit en recompenfe égayer l'Ouvrage plus qu'il n'a fait. Non que je le blâme d'en étre demeuré dans ces termes : la Languc Latine n'en demandoit pas davantage; & fi l'on y veut prendre garde, on reconnoîtra dans cét Auteur le vrai caractere & le vrai genie de Terence. La fimplicité eft magnifique chez ces grands hommes:

moi qui n'ai pas les perfections du langage comme ils les ont euës, je ne la puis élever à un fi haut point. I a donc falu fe recompenfer d'ailleurs; c'eft ce que j'ai fait avec d'autant plus de hardieffe que Quintilien dit qu'on ne fçauroit trop égayer les Narrations. If ne s'agit pas ici d'en apporter une raifon; c'est affez que Quintilien l'a dit. J'ai pourtant confideré que ces Fables étant fçues de tout le monde, je ne ferois rienfi je ne les rendois nouvelles par quelques traits qui en relevaffent le goût. C'est ce qu'on demande aujourd'hui. On veut de la nouveauté & de la gayeté. Je n'appelle pas gayeté ce qui excite le rirc; mais un certain charme, un air agreable qu'on peut donner à toutes fortes de fujets, même les plus ferieux,

Mais ce n'est pas tant par la forme que j'ai donnée à cét Ouvrage qu'on en doit méfurer le prix,que par fon utilité & par fa matiere. Car qu'y a t-il de recommandable dans les productions de l'efprit, qui ne fe rencontre dans l'Apologue? C'eft quelque chofe de 'fi divin, que plufieurs perfonnages de l'Antiquité ont attribué la plus grande partie de ces Fables à Socrate, choififfant pour leur fervir de Pere, celui des mortels qui avoit le plus de communication avec les Dieux. Je ne fais comme ils n'ont point fait décendre du Ciel ces mêmes Fables,& comme ils ne leur ont point affigné un Dieu qui en eût la direction, ainfi qu'à la Poëfie & à l'Eloquence. Ce que je dis n'eft pas toutà-fait fans fondément; puifque s'il m'eft permis de mêler ce que nous avons de plus facré parmi les erteurs du Paganifme, nous voyons que la verité a parlé aux hommes par Paraboles; & la Parabole eft-elle autre chofe que l'Apologue; c'eft-à-dire, un exemple fabuleux, & qui s'infinue avec d'autant plus de fa

cilité

cilité & d'effet, qu'il eft plus commun & plus familier. Qui ne nous propoferoit à imiter que les maîtres de la Sageffe, nous fourniroit un fujet d'excufe; il n'y en a point quand des Abeilles & des Fourmis font capables de cela même qu'on nous demande..t

[ocr errors]

C'eft pour ces raifons que Platon ayant banny Homere de fa Republique, y a donné à Efope une place tres-honorable. Il fouhaite que les enfans fuccent ces Fables avec le lait: il recommande aux nourrices de les leur apprendre; car on ne fçauroit s'accoûtumer de trop bonne-heure à la Sageffé & à la Vertu. Plûtôt que d'être reduits à corriger nos habitudes, il faut travailler à les rendre bonnes, pendant qu'elles font encore indifferentes au bien ou au mal. Or quelle methode y peut contribuer plus utilement que ces Fables? Dites à un enfant que Craffus allant contre les Parthes, s'engagea dans leur Pais fans confiderer comment il en fortiroit: que cela le fit perit lui & fon armée, quelque effort qu'il fit pour fe retirer: Dites au même enfant, que le Renard & le Bouc décendirent au fond d'un puits pour y éteindre leur foif: que le Renard en fortit s'étant fervi des épaules & des cornes de fon camarade comme d'une échelle: au contraire le Bouc y demeura pour n'avoir pas eu tant de prévoyance, & par confequent il faut confiderer en toute chofe la fin. Je demande lequel de ces deux exemples fera le plus d'impreffion fur cet enfant, ne s'arrétera-t-il pas au dernier comme plus conforme & moins difproportionné que l'autre à la petiteffe de fon efprit? Il ne faut pas m'alleguer que les penfées de l'enfance font d'elles-mêmes affez enfantines, fans y joindre encore de nouvelles badineries. Ces Badineries ne font telles qu'en apparence, car dans le fonds

elles

elles portent un fens tres-folide. Et comme par la definition du Point, de la Ligne, de la Surface, & par d'autres principes tres-familiers nous parvenons à des connoiffances qui mefurent enfin le Ciel & la Terre; de même auffi par les raifonnemens, & confequences que l'on peut tirer de ces Fables on fe forme le jugement & les mœurs, on fe rend capable des grandes choses.

Elles ne font pas feulement Morales; elles donnent encore d'autres connoiffances, Les proprietez des Animaux, & leurs divers caracteres y font exprimez; par confequent les nôtres auffi, puifque nous fommes l'abregé de ce qu'il y a de bon & de mauvais dans les creatures irraifonnables. Quand Promethée youlut former l'Homme, il prit la qualité dominante de chaque béte. De ces pieces fi differentes il compofa nôtre efpece, il fit cét Ouvrage qu'on appelle le petit Monde. Ainfi ces Fables font un tableau où chacun de nous fe trouve dépeint. Ce qu'elles nous reprefentent confirme les perfonnes d'âge avancé dans les connoiffances que l'ufage leur a données, & apprend aux enfans ce qu'il faut qu'ils fachent. Comme ces derniers font nouveau-venus dans le monde, ils n'en connoiffent pas encore les habitans, ils ne fe connoiffent pas eux-mêmes. On ne les doit laifler dans cette ignorance que le moins qu'on peut : il leur faut apprendre ce que c'eft qu'un Lion, un Renard, ainfi du refte; & pourquoy l'on compare quelquefois un homme à ce Renard ou à ce Lion. C'est à quoy les Fables travaillent les premieres notions de ces chofes proviennent d'elles.

J'ay déja paffé la longueur ordinaire des Prefaces, ? cependant je n'ay pas encore rendu raifon de la con

« PoprzedniaDalej »