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Pourquoi non? puifque leur engeance
Valoit la nôtre en ce temps-la,
Ayant courage, intelligence,
Et belle hure outre cela.
Voici comment il en alla.
Un Lion de haut parentage,
En paffant par un certain pré,
Rencontra Bergere à fon gré.
Il la demande en mariage.
Le Perc auroit fort fouhaitén
Quelquegendre un peu moins terrible.
La donner lui fembloit bien dur;
La refufer n'étoit pas fur.
Même un refus eut fait poffible,
Qu'on eut veu quelque beau matin
Un mariage clandeftin.

Car outre qu'en toute maniere
La belle étoit pour les gens fiers;
Fille fe coeffe volontiers
D'amoureux à longue criniere,
Le Pere done ouvertement
N'ofant renvoyer notre amant,
Lui dit: Ma fille eft delicate;
Vos griffes la pourront bleffer
Quand vous voudrez la careifer.
Permettez donc qu'à chaque pate
On vous les rogue: & pour les dents,
Qu'on vous les lime en même-temps.
Vos baifers en feront moins rudes,
Et pour vous plus delicieux;
Car ma fille y repondra mieux
Etant fans ces inquietudes.
Le Lion confent à cela

Tant

Tant fon ame étoit aveuglée...
Sans dents ni griffes le voila
Comme place démantelée.

On lâcha fur lui quelques chiens,
Il fit fort peu de refiftence.

Amour, amour, quand tu nous tiens,
On peut bien dire, Adieu prudence.

De

LXII.

Le Berger & la Mer

U raport d'un troupeau dont il vivoit fans foins
Se contenta long-temps un voifin d'Amphitrite.
Si fa fortune étoit petite,

Elle étoit feure tout au moins.

A la fin les trefors déchargez fur la plage
Le tenterent fi bien qu'il vendit fon troupeau,
Trafiqua de l'argent, le mit entier fur l'eau;
Cét argent perit par naufrage.

Son maître fut reduit à garder les Brebis;
Non plus Berger en chef comme il étoit jadis,
Quand fes propres Moutons paiffoient fur le rivage;
Celui qui s'étoit veu Coridon ou Tircis,

Fut Pierrot & rien davantage.

Au bout de quelque-temps il fit quelques profits;
Racheta des bétcs à laine;

Et comme un jour les vents retenant leur haleine
Laiffoient paifiblement aborder les vaiffeaux;
Vous voulez de l'argent, 6 Mefdames les Eaux,
Dit-il, adreffez-vous, je vous prie, à quelque autre;

Ma foi vous n'aurez pas le nôtre,

Ceci n'eft pas un conte à plaifir inventé.
Je me fers de la verité,

Pour montrer par experience,
Qu'un fou quand il eft affeuré

Vaut mieux que cinq en efperance:
Qu'il fe faut contenter de fa condition;
Qu'aux confeils de la Mer & de l'Ambition

Nous devons fermer les oreilles.

Pour un qui s'en loüera, dix mille s'en plaindront,
La Mer promet monts & merveilles ;
Fiez-vous-y, les vents & les voleurs viendront.

LXIII.

La Mouche & la Fourmi,

A Moûche & la Fourmi conteftoient de leur prix. O Jupiter! dit la premiere, Faut-il que l'amour propre aveugle les efprits D'une fi terrible maniere,

Qu'un vil & rampant animal

A la fille de l'air ofe fe dire égal?

Je hante les Palais, je m'affiez à ta table:
Si l'on t'immole un bœuf, j'en goûte devant toi :
Pendant que celle-ci chetive & miferable,

Vit trois jours d'un fétu qu'elle a traîné chez foi.
Mais, ma mignonne, dites-moi,

Vous campez-vous jamais fur lá téte d'un Roi,D'un Empereur, ou d'une belle ?

Je

Je le fais; & je baise un beau fein quand je veux: Je me joue entre des cheveux:

Je rehauffe d'un teint la blancheur natureile:

Et la derniere main que met à fa beauté
Une femme allant en conquéte,

C'est un ajustement des Moûches emprunté.
Puis allez-moi rompre la téte
De vos greniers. Avez-vous dit?

Lui repliqua la ménagere.

Vous hantez les Palais: mais on vous y maudit.
Et quant à goûter la premierę

De ce qu'on fert devant les Dieux,
Croyez-vous qu'il en vaille mieux?

Si vous entrez par tout, auffi font les profanes..
Sur la téte des Rois & fur celle des Anes
Vous allez vous planter; je n'en difconviens pas;
Et je fais que d'un prompt trépas

Cette importunité bien fouvent eft punic,
Certain ajustement, dites-vous, rend jolie,
J'en conviens; il eft noir ainfi que vous & moi.
Je veux qu'il ait nom Moûche,eft-ce un fujet pourquoi
Vous faffiez fonner vos merites ?

Nomme-t'on pas auffi Moûches les Parafites?
Ceffez donc de tenir un langage fi vain;
N'ayez plus çes hautes penfées.

Les Mouches de Cour font chaffées:

Les Mouchars font pendus: & vous mourrez de faim, De froid, de langueur, de inifere,

Quand Phoebus regnera fur un autre hemifphere. Alors je joüirai du fruit de mes travaux.

Je n'irai par monts ni par vaux

M'expofer au vent, à la pluye,.

Je vivrai fans melancolic,

Le foin que j'aurai pris, de foin m'exemptéra.
Je vous enfeignerai par là

Ce que c'eft qu'une fauffe ou veritable gloire.
Adieu: je pèrs le temps: laiffez-moi travailler.
Ni mon grenier ni mon armoire
Ne fe remplit à babiller.

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LXIV.

Le Jardinier & fon Seigneur.

N amateur du jardinage,

Demi bourgeois, demi manant,
Poffedoit en certain village,

Un jardin affez propre, & le clos à tenant.
Il avoit de plant vif fermé cette étenduë:
Là croiffoit à plaifir l'ozeille & la laituë;
Dequoi faire à Margot pour fa féte un bouquet;
Peu de jalmin d'Elpagne, & force ferpolet.
Cette felicité par un Lievre troublée

Fit qu'au Seigneur du Bourg notre homme fe plaigni
Ce maudit animal vient prendre sa goulée
Soir & matin, dit-il, & des pieges fe rit,
Les pierres, les bâtons, y perdent leur credit,
Il est forcier je crois. Sorcier? je l'en défie,
Repartit le Seigneur. Fut-il diable; Miraut
En dépit de fes tours l'attrapera bien-tôt.
Je vous en déferay, bon homme, fur ma vie :
Et quand? & dés demain, fans tarder plus long-temps
La partic ainfi faite, il vient avec les gens.
Cà déjeunons, dit-il, vos poulets font-ils tendres

L

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