D'une femme qui dans les flots Avoit fini fes jours par un fort déplorable. Son epoux en cherchoit le corps, Pour lui rendre en cette avanture Les honneurs de la fepulture. Il arriva que fur les bords
Du fleuve, auteur de fa difgrace, Des gens fe promenoient ignorans l'accident. Ce mari donc leur demandant
S'ils n'avoient de fa femme apperceu nulle trace Nulle, reprit l'un d'eux, mais cherchez la plus bas; Suivez le fil de la riviere.
Un autre repartit: Non, ne le fuivez pas; Rebrouffet plutot en arriere." Quelle que foit la pente & l'inclination Dont l'eau par fa courfe l'emporte, L'efprit de contradiction
L'aura fait floter d'autre forte.
Cet homme fe railloit affez hors de faison. Quant à l'humeur contredifante,
Je ne fai s'il avoit raifon,
Mais que cette humeur foit ou non Le défaut du fexe & fa pente; Quiconque avec elle naîtra, Sans faute avec elle mourra, Et jufqu'au bout contredira, Et, s'il peut, encor par delà
La Belette entrée dans un Grenier.
Amoiselle Belette au corps long & flouet,
DEntra dans un Grenier, par un trou fort étroit.
Elle fortoit de maladie. Là vivant à difcretion, La galande fit chere lic,
Mangea, rongea; Dieu fait la vie, Et le lard qui perit en cette occafion. La voila pour conclufion
Graffe, maflue, & rebondie,,
Au bout de la femaine ayant dîné fon fou, Elle entend quelque bruit, veut fortir par le trou, Ne peut plus repaffer, & croit s'étre méprife, Après avoir fait quelques tours, 198
C'eft, dit-elle, l'endroit, furprife; J'ay paffé par ici depuis cinq ou fix jours, Un Rat qui la voyoit en peine Lui dit: Vous aviez lors la panfe un peu moins pleine; Vous étes maigre entrée, il faut maigre fortir. Ce que je vous dis-là, l'on le dit à bien d'autres. Mais ne confondons point, par trop approfondir, Leurs affaires avec les vôtres.
Qu'un fecond Rodilard, l'Alexandre des Chats, L'Attila, le fleau des Rats,
Rendoit ces derniers miferables.
J'ay leu, dis-je, en certain auteur, Que ce Chat exterminateur,
Vrai Cerbere, étoit craint une lieue à la ronde; Il vouloit de Souris dépeupler tout le Monde. Les planches qu'on fufpend fur un leger appui, La mort aux Rats, les Souricieres, N'étoient que jeux au prix de lui, Comme il voit que dans leurs tanieres Les Souris étoient prifonnieres;
Qu'elles n'ofoient fortir, qu'il avoit beau chercher Le galant fait le mort, & du haut d'un plancher Se pend la tête en bas. La béte feelerate A de certains cordons fe tenoit par la pate. Le peuple des Souris croit que c'eft châtiment, Qu'il a fait un larcin de rot ou de fromage. Egratigné quelqu'un, caufé quelque dommage, Enfin qu'on a pendu le mauvais garnement. Toutes, dis je, unanimement
Se promettent de rire à fon enterrement; Mettent le nez à l'air, montrent un peu la téte, Puis rentrent dans leurs nids à rats;
Puis reffortant font quatre pas; Puis enfin fe mettent en quéte. Mais voici bien une autre féte.
Le pendu reffufcite; & fur fes pieds tombant Attrape les plus pareffeufes.
Nous en favons plus d'un, dit-il en les gobant: C'est tour de vicille guerre; & vos cavernes creufes Ne vous fauveront pas; je vous en avertis; Vous viendrez toutes au logis.. Il prophetizoit vrai, nôtre maître Mitis Pour la feconde fois les trompe & les afine; Blanchit fa robe, & s'enfarine;
Se niche & fe blotit dans une huche ouverte: Ce fut à lui bien avifé;
La gent trote menu s'en vient chercher fa perte Un Rat fans plus s'abftient d'aller flairer autour. C'étoit un vieux routier; ii favoit plus d'un tour; Même il avoit perdu fa queue à la bataille. Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille, S'écria-t-il de loin au General des Chats. 1 Je foupçonne deffous encor quelque machine. Rien ne te fert d'étre farine;
Car quand tu ferois fac je n'approcherois pas. C'étoit bien dit à lui, j'aprouve fa prudence. Il étoit experimenté;
Et favoit que la méfiance Eft mere de la feureté.
A Mademoiselle de Sevigné.
Sservent aux graces de modele, Et qui nãquîtes toute belle, A vôtre indifference prés, Pourriez-vous étre favorable Aux jeux innocens d'une Fable? Et voir fans vous épouvanter Un Lion qu'amour feut dompter? Amour est un étrange maître. Heureux qui peut ne le connoître Que par recit, lui ni fes coups! Quand on en parle devant vous, Si la verité vous offenfe,
EVIGNE' de qui les attraits
La Fable au moins fe peut fouffrir. Celle-ci prend bien l'afleurance De venir à vos piés s'offrir, Par zele & par reconnoiffance.
Du temps que les bétes parloient Les Lions entre autres vouloient Etre admis dans notre alliance.
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