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ENVOI A MA MERE.

ON fe plaint que le tems n'est plus

Où l'on voyoit briller des mœurs fi refpectables: Mais notre amour & vos vertus

Prouvent à l'univers que ces jours mémorables Ne font pas tout-à-fait perdus.

* L'AMOUR PATERNEL.

L'ART de régner, cet art fi difficile

Eft fondé fur l'amour: on l'a dit mille fois.
Mille fois les flatteurs qui corrompent les Rois,
Ont rendu fur leur cœur ce précepte inutile.

Il fut jadis un Prince, un Prince ce n'eft rien,
Un homme, qui, doué d'un heureux caractère,
Deftiné par les Dieux à les peindre à la terre,
Voulut connoître le moyen

De faire le bonheur de fon peuple & le fien.
Il voyagea; les Cours les plus polies

N'offrirent à fes yeux que des charmes trompeurs,
Que des crimes adroits mieux déguifés qu'ailleurs
De faux biens, fruits amers d'heureuses perfidies;
Des ingrats étalant avec de grands efforts,
Les plaifirs & l'ennui, le fafte & les remords.
Il vit que le bonhenr n'étoit-là qu'en peinture
Au cœur de mainte Majefté,

Il vit les foins croître à mesure

Que s'augmentoit l'autorité.

Il vit chez les fujets la crainte & le murmure;
Nulle part la félicité,

Cette félicité fi pure

Qui naît d'un mutuel amour.

Enfin les Dieux jaloux d'éclairer sa fageffe,
Lui firent adreffer fes pas vers un féjour
Où de la plus pure tendreffe

Brilloient les pieux sentimens.

Un Père y préfidoit, qui parmi les enfans

Avec égalité partageant fes careffes,

Dans leur cœur attendri faifoit paffer le fien,
De fon ame à leurs yeux déployoit les richesses,
Leur dictoit les devoirs d'homme & de citoyen,
Leur peignoit la vertu fi belle,

Qu'afpirant tous à ce fuprême bien,
Ils en étudioient d'après lui le modèle.
Une Mère.... Comment vous faire le tableau
De la tendreffe d'une Mère!

Le plus rare trésor, le préfent le plus beau
Que le ciel ait fait à la terre,

Eft cette affection, eft cet amour ardent,
Qui d'un fexe chéri confacrant les foibleffes,
A fon cœur enflammé nous attache en naiffant.
Une Mère fur qui le ciel en la formant,

Avoit épuisé fes largeffes,

Aux dons du cœur joignant ceux de l'efprit, Secondoit à l'envi les heureux foins du père, Mettoit dans fes difcours ce charme qui féduit; Cette douceur qui rend la raison moins auftère. Nous aimons le devoir quand il nous eft dicté Par une bouche qui fait plaire.

De ces tendres parens l'empire respecté

D'un règne heureux offrit l'image

A ce Roi vertueux qui voyageoit en Sage.
Il vit des cœurs foumis chériffant leurs liens

Et dans leurs plus doux entretiens

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Mêlant aux noms des Dieux ceux de père & de mère;
Il entendit dans tous leurs jeux

Ces enfans célébrer les objets de leurs vœux,
Et conclut qu'il n'eft point de puissance fi chère
Que celle où par des nœuds fecrets

L'Amour tient à fon char & Monarque & Sujets.

L'ACCORDÉE DE VILLAGE.(2) UN Financier, rempli de sentiment,

(Qualité qu'on voit rarement

Sous un habit doré,) poffédoit une Terre
Où fon généreux caractère

S'appliquoit chaque jour à faire des heureux:
Étude rare, mais facile

A qui fait eftimer ces penchans vertueux
Que nous ignorons à la ville,

Mais que des champs les fimples citoyens
Cultivent fagement, comme les premiers biens.
Ce Riche, quoique jeune, avoit vu dans le monde
Beaucoup d'hymens brillans, peu qui l'euffent tenté;
Et fon cœur éprouvoit une douleur profonde
De voir qu'on mît par-tout l'enchère à la beauté.
Le hazard conduifit ce Sage

Au logis d'un Fermier, l'exemple du village
Vénérable Vieillard, bon Père & bon Époux.
Il marioit fa Fille; & ce jour-là fon Gendre

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Touchoit la dot, gage d'un nœud fi doux; Gage moins cher pour lui qu'un cœur fincère & tendre! En un réduit propre, mais fans éclat,

Se faifoit la cérémonie.

Un Payfan, coëffé d'un chapeau plat,
En manteau noir, bas blancs, culotte cramoifie,
Dans un coin dreffoit le contrat.

(*) L'idée de ce Conte eft prise du Tableau de M. Greuze, exposé au Salon du Louvre en 1761, & gravé en 1770, par J. J. Flipart.

Le Patriarche affis, l'air noble & refpectable,
Parloit au Gendre avec bonté,

Lui donnoit des leçons de mœurs, de probité,
Qu'embelliffoit fa bouche aimable.

L'autre debout, l'œil fixe, & l'air reconnoiffant,
Avec émotion écoutant fon beau-Père,

D'une main recevoit l'argent,

Et de l'autre attiroit la Beauté jeune & chère
Qu'à fes tendres defirs affùroit ce préfent.
De fes doigts délicats cette Beauté timide.
A peine ofoit toucher la main de fon Amant ;
Elle cédoit négligemment

Aux transports de ce nouveau guide.
Auffi fraîche que le printems

Ses regards trahiffoient le trouble de fes fens :
Cet air ému, contraint, la rendoit plus charmante:
Le lin qui compofoit fes légers vêtemens,
Embraffoit les contours de fa taille élégante.

Sa jeune Sœur qui l'aimoit tendrement,
Sur fon fein agité laiffoit couler des larmes.
Une autre plus âgée, en cet heureux moment
Paroiffoit envier fes charmes.

Sa Mère, dont les bras ne pouvoient la quitter,
Peignoit dans fes regards la trifteffe & la joie,
Sembloit la plaindre & la féliciter,
Sembloit chérir & regretter
Le fort d'une auffi belle proie.

Le jeune Financier, en voyant ce tableau,
Goûtoit d'un fentiment nouveau

Les délices inexprimables;

Et troublant à regret un spectacle fi beau,
De ne chérir que l'or il plaignoit fes femblables.
Cependant il pria ces Époux eftimables

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