ENVOI A MA MERE. ON fe plaint que le tems n'est plus Où l'on voyoit briller des mœurs fi refpectables: Mais notre amour & vos vertus Prouvent à l'univers que ces jours mémorables Ne font pas tout-à-fait perdus. * L'AMOUR PATERNEL. L'ART de régner, cet art fi difficile Eft fondé fur l'amour: on l'a dit mille fois. Il fut jadis un Prince, un Prince ce n'eft rien, De faire le bonheur de fon peuple & le fien. N'offrirent à fes yeux que des charmes trompeurs, Il vit les foins croître à mesure Que s'augmentoit l'autorité. Il vit chez les fujets la crainte & le murmure; Cette félicité fi pure Qui naît d'un mutuel amour. Enfin les Dieux jaloux d'éclairer sa fageffe, Brilloient les pieux sentimens. Un Père y préfidoit, qui parmi les enfans Avec égalité partageant fes careffes, Dans leur cœur attendri faifoit paffer le fien, Qu'afpirant tous à ce fuprême bien, Le plus rare trésor, le préfent le plus beau Eft cette affection, eft cet amour ardent, Avoit épuisé fes largeffes, Aux dons du cœur joignant ceux de l'efprit, Secondoit à l'envi les heureux foins du père, Mettoit dans fes difcours ce charme qui féduit; Cette douceur qui rend la raison moins auftère. Nous aimons le devoir quand il nous eft dicté Par une bouche qui fait plaire. De ces tendres parens l'empire respecté D'un règne heureux offrit l'image A ce Roi vertueux qui voyageoit en Sage. Et dans leurs plus doux entretiens Mêlant aux noms des Dieux ceux de père & de mère; Ces enfans célébrer les objets de leurs vœux, L'Amour tient à fon char & Monarque & Sujets. L'ACCORDÉE DE VILLAGE.(2) UN Financier, rempli de sentiment, (Qualité qu'on voit rarement Sous un habit doré,) poffédoit une Terre S'appliquoit chaque jour à faire des heureux: A qui fait eftimer ces penchans vertueux Mais que des champs les fimples citoyens Au logis d'un Fermier, l'exemple du village Touchoit la dot, gage d'un nœud fi doux; Gage moins cher pour lui qu'un cœur fincère & tendre! En un réduit propre, mais fans éclat, Se faifoit la cérémonie. Un Payfan, coëffé d'un chapeau plat, (*) L'idée de ce Conte eft prise du Tableau de M. Greuze, exposé au Salon du Louvre en 1761, & gravé en 1770, par J. J. Flipart. Le Patriarche affis, l'air noble & refpectable, Lui donnoit des leçons de mœurs, de probité, L'autre debout, l'œil fixe, & l'air reconnoiffant, D'une main recevoit l'argent, Et de l'autre attiroit la Beauté jeune & chère Aux transports de ce nouveau guide. Ses regards trahiffoient le trouble de fes fens : Sa jeune Sœur qui l'aimoit tendrement, Sa Mère, dont les bras ne pouvoient la quitter, Le jeune Financier, en voyant ce tableau, Les délices inexprimables; Et troublant à regret un spectacle fi beau, |