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Les mets que ta fœur me présente

Rendent la vie à tous mes fens.

Elle engraiffe d'autant, & fa force en augmente:
Tu dédaignes ces alimens;

Sans eux tu ferois languiffante.

L'ART de fe battre eft noble, on ne fait pas pourquoi.
J'eftime bien mieux l'art d'éviter la difette :
Mourir de faim eft, felon moi,

La roture la plus complette.

* FABLE VIII.

BERNARD-L'HERMITE (2)
E T LE LIMAÇON.

BERNARD-L'HERMITE à sa naissance

A le derriere nud. L'homme l'a bien auffi :
Mais, comme on va l'apprendre ici,
Le Roi des animaux, malgré fon arrogance,
N'a pas pour se vêtir la même intelligence.
Savez-vous ce que fait Bernard l'induftrieux?
Il voit maint & maint coquillage

Dont Amphitrite a paré le rivage:

Voilà, dit-il, qui fe rencontre au mieux; Cherchons dans tout cela quelque chofe à ma taille. Et Bernard auffi-tôt s'ajufte en une écaille.

(a) Bernard-l'Hermite, appellé auffi le Soldat, eft un animal crufLacé qui reffemble beaucoup à l'écreviffe, mais dont la partie pof?

térieure n'eft point recouverte d'é

caille. La nature lui a donné l'instinct que je tâche ici de décrire d'après ce que nombre d'Auteurs en difent.

Eft-elle trop étroite? Il fait un autre choix.
Trop large? Il change encor, jufqu'à ce qu'une fois
I ait trouvé gîte à fa guife:

Il s'en empare alors, faute & fe réjouit.

En voilà pour un an; pour moins, car s'il groffit,
L'écaille n'étant plus de mife,

Il lui faudra chercher un nouveau logement.
Ainfi Bernard à chaque accroiffement
Du même expédient s'avife.

Or écoutez ma Fable maintenant.

DEUX de ces animaux un jour fe rencontrèrent.
Tous deux étoient pareils en groffeur, & partant
A la même coquille enfemble ils s'arrêterent.
L'un va pour l'effayer, l'autre en veut faire autant.
Grand débat. Je l'aurai. Tu l'auras? Oui, vraiment ;
A ton nez, qui plus eft. Parbleu je m'en fais fête.
Mais raifonnons auparavant:

Quel eft ton droit? Mon droit? C'eft celui de conquête.
En ce cas défends-toi. Puis d'en venir aux coups.
De la coquille alors il fortit un tête

Qui leur dit mais vous êtes fous!

De ce bouillant courroux modérez la tempête.
Cette maison a maître: il faut pour y gîter

Qu'auparavant l'un de vous deux m'en chaffe.
Vous comptez l'envahir; après mon décès paffe:
Mais moi vivant, je vous en avertis,
Je ne fuis pas d'humeur à céder mon logis.
C'étoit un Limaçon, qui de leur entreprise
Tançoit en ces mots la fotife.

Il dit & fe retire, & laiffe les Bernards
Honteux d'avoir fait les Céfars

Pour une place déja prife.

A CERT

FABLE IX.

LA LINOTTE.

CERTAINE Linotte un jour on enleva
Le précieux tréfor qui tenoit renfermée
Sa tendreffe avec fa couvée :

Une perfide main avoit fait ce coup-là.
C'étoit le premier fruit d'un heureux hymenée;
C'étoit fa richeffe, fon bien;

C'étoit tout jugez donc combien fut affligée
Cette bonne mère à qui rien

N'étoit au monde entier plus cher que fa nichée.
Son amour étoit grand, bien qu'en un petit cœur.
Elle va conter fon malheur

Dans tout le voifinage. On la plaint; mais qu'y faire?
Il faut vous confoler, lui dit-on: vos petits

Sont peut-être en bon lieu, bien choyés, bien nourris...
S'ils vivoient feulement, répond la tendre mère !
Ah! croyez que les Dieux en auront eu pitié:
Croyez que de leurs jours le fil fi déli
N'a point fenti la main de la Parque cruelle.
Eh! quand cela feroit, dit-elle !

Quand la main du trépas les auroit refpectés,
Leur perte pour mon cœur en eft-elle moins dure!
D'un autre ils prennent leur pâture;

Par un autre ils font careffés;

Un autre a le plaifir de les voir à toute heure;
J'en fuis feule privée: il faudra que j'en meure.

Mais fi l'on a pour eux des foins vifs, empreffés!
On n'en aura jamais affez:

Cet autre, eft-ce une mère, attentive, zélée,
Sachant ce qu'il leur faut & ce qui leur nuiroit?
Cette main qui fous eux arrange le duvet,
Par l'amour eft-elle guidée!

POUR ceux qui lui doivent le jour
Tels font les foucis d'une mère :
Sa tendreffe eft jaloufe, inquiète & fincère !
C'eft le chef-d'œuvre de l'amour.

FABLE X.

LE CHAT.

Il étoit un Tartuffe, un infigne fripon,
Appellé Chat, & digne de ce nom,
Digne d'avoir pour fon rare mérite,

Le premier rang chez la race hipocrite

Qui porte griffe & queue, & longs poils au menton. Le fcélérat hantoit une maison

Où contre ceux de fon espèce

Les gens faifoient agir le fouët & le bâton.
Il étoit-là des Souris à foifon,
Des Rats auffi, tellement que Raton
Au foupirail alloit flairer fans ceffe.

Par fon humble & fage maintien,
Par fon air doux, par fa mine fournoife,
Notre hipocrite fit fi bien

Qu'on ceffa de lui chercher noise

Il imitoit le naturel du Chien

Qui du logis gardoit la porte;
Fréquentoit peu les fripons de fa forte,
Faifoit le guet, écartoit tout vaurien,
S'empreffant de donner la chaffe
Aux mendians aux filous à beface.
Avec le tems, il ne s'en fallut rien
Qu'on ne le prêt pour un homme de bien,
Tant il favoit fe contrefaire!

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Avec le tems, Raton s'établit-là.
Je laiffe à penfer quelle chère!
Bientôt plus de Souris: l'efpéce s'épuifa.
Dans ce logis n'ayant plus rien à faire,
Raton un beau jour décampa.

Mais une Perdrix qu'il vola

Fit connoître trop tard fon méchant caractère.
Tant qu'il vêcut, par mille autres beaux tours
Raton fe fignala; mais agissant toujours

En Chat dévot, en Minet fage,

Il confirma ce bon mot fi connu:
L'hipocrifie eft un hommage

Que rend le vice à la vertu. ( a )

(a) C'est une penfée du fameux Livre des Maximes, du Duc de la Rochefoucault.

FABLE

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