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Reines de l'univers, tout ce qui le décore
Nous offre des plaisirs, ou charme nos ennuis.
Pour réjouir nos yeux on voit briller l'aurore;
Jupiter fit pour nous & les jours & les nuits,
Il créa les faifons encore;

Jupiter eft flatté qu'une Fourmi l'honore :
Il le faut avouer, nous fommes d'un grand prix!
Ainfi parloit cette chétive race;

Tandis qu'aux Dieux elle eût dû rendre grace
De vivre de fétus, d'exifter feulement.
La frayeur rabbatit leur caquet infolent.
Borée un jour fouffloit, & fur la fourmillère
Il fit tomber un gland.

Sa chûte fut fatale à plus d'un habitant,
Et répandit l'effroi jufque fur la frontière.
Il pèfe à la nature entière,

La terre en a tremblé de l'aurore au couchant.
L'avez-vous fenti, ma commère ?
En vain nous avons cru que Jupiter jaloux
De notre fragile exiftence,

Attachoit à nos jours l'éclat de fa puissance;
Tout nous vient de lui feul, il n'attend rien de nous
Rendons grace à fa bienveillance,

Et craignons fon jufte courroux.

AINSI l'orgueil fit place à la reconnoiffance
Ce que les dons du ciel n'avoient pu fur leur cœur
Un coup de vent en eut l'honneur.

* FABLE X V.

LES NAINS ISSUS DE GÉANS.

C'EST U

'EST une belle invention

Que cet art par lequel tout un peuple extravague, En voulant foumettre, dit-on,

Les préjugés à la raison;

Cet art qui, fous un titre vague,
Renverfe fans diftinction,

Toute commune opinion,
Change Meffaline en Lucrèce,
Fait de Toinon une Princeffe,
Et d'un fcélérat un Caton!

Courage, va-t-on dire! on voit à votre ton
Que vous n'aimez point la fageffe.
Cette fageffe-là! Non, certainement, non;
Non, vous dis-je ; & fi c'eft folie

De tenir fortement à la Religion,

A l'honneur, au devoir, aux loix de la patrie,
Qu'on me mène bien vîte aux petites-Maifons.
Je vois jufques aux plus grands noms
Cet efprit deftructeur inceffamment s'étendre :
Le feul défir de les défendre
Eft aujourd'hui l'objet de mes leçons.

EN un pays où la nature

Sembloit s'être épuifée à produire des gens
Forts & bien faits, & de haute ftature,
Il ne naiffoit depuis cent ans a

Que maigres avortons, que délicats enfans,
Nains chétifs, & pourtant très-vains, à ce qu'afsûre
Certain Hiftorien du tems.

Dans maint endroit public brilloit mainte ftatue,
Qui retraçoit à leur débile vûe

La majefté de leurs ayeux.

Cet afpect impofant, chez le peuple Pygmée
Fit d'abord nombre d'envieux.

Puis, des Nains d'une taille un peu mieux conformée,
Et d'un ou deux pouces plus grands
Que le commun des habitans,
Sur la foi de la Renommée,

Se crurent auffi des Géans.

La Renommée a beau mentir, être infidelle,
Son crédit fe foutient. On vit conféquemment
De nos Nains & demi l'orgueilleufe fequelle,
D'abord à leurs ayeux s'égaler hardiment,
Puis trouver leur figure & leur taille groffière
Et partant s'eftimer plus qu'eux;
Puis ne les regarder que d'un air dédaigneux,
Puis enfin leur jetter des pierres.

Mais fur l'airain les pierres bondissant,
Retournèrent frapper la féquelle elle-même.
Plus d'un Nain s'en fut clopinant:

Aucun ne fut guéri de fon orgueil extrême.

FABLE X V I.

LE CHAT ET LA SOURIS.

RATON

ATON un jour s'étoit mis en posture,

Pour guetter certaine Souris,

Dont le drôle, en rôdant, en cherchant aventure
Avoit découvert le logis.

Gare à préfent que la dame n'en forte!
Le dos voûté, l'œil fixe, & la patte en avant,
Raton a le nez à la porte.

La Souris fort, il court & l'attrape à l'inftant.
Ayant pour lors la panfe pleine,
Le galant ne la croqua pas.

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C'étoit pourtant le plus friand des Chats:
Mais on n'a pas des Souris par douzaine;
Pour les bons jours de la femaine
Il faut réferver les bons plats.
En attendant jouons. Auffi-tôt le compère
Tracaffe la Souris & la mène grand train;

Lui donne un coup de fa patte légère,
La laiffe fuir, la ratrape foudain ;

Va, vient, fait mille fauts, mille bonds autour d'elle.
Quand il a joué tout fon fou,

La dame alors prenant fa belle,

S'échappe & part: la voilà dans fon trou. Raton a beau flairer & faire fentinelle;

fallut cette fois fe paffer de Souris.

Je crois qu'on ne vit plus déformais le Mitis
S'amufer à la bagatelle.

FABLE XVII.

LES LAPINS.

Le foleil de la vie est couvert de nuages:
Jeunes, les paffions obfcurciffent nos fens.
Ce foleil s'éteint-il, c'eft au fein des orages:
Le remords & la peur affiégent nos vieux ans.

Un beau matin, maint chaffeur à la ronde, Faifoit tomber maint gibier fous fes coups. Les Lapins (a) effrayés, n'ofant quitter leurs trous, Croyoient être à la fin du monde.

Aux patriarches des Lapins

Chacun courut, ainfi qu'au livre des deftins:
Vite, il faut cent réponfes prêtes.

En leur tems ont-ils vu de pareilles tempêtes?
Les Dieux ont-ils juré de détruire ce lieu?
Connoiffez-vous ces machines de feu,

Qui font un fi grand bruit au-deffus de nos têtes?
Le plus vénérable d'entre eux,

Leur Neftor, impofant filence à cette bande,
En Lapin radoteur, moins fage que peureux,
Satisfit à chaque demande.

(a) Lapin, animal fort commun en France, qui fe retire dans des trous qu'il fait en terre avec les partes de devant, & que l'on nom

me terriers. La femelle du Lapin eft d'une fécondité fi furprenante, que hors de l'hiver, elle fait tous les mois cinq ou fix petits.

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