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du cœur simple et naïve. En effet, ce n'est que pour ceux qui s'approchent, non pas avec l'entendement, mais avec la foi, que Christ est la puissance et la sagesse divine. Ils trouvent en lui l'appui qui les sauve; ils ont en lui la solution de toutes les énigmes de la vie. C'est là un fait que l'expérience des vingt dernières années a revêtu pour l'apôtre de la dernière évidence. Qu'on veuille bien consentir à jeter un regard sur l'église de Dieu. « Où est le sage? Où est le scribe? Où est le disputeur de ce siècle ? » Les sages de Jérusalein ont crucifié le Seigneur de gloire et les sages de la Grèce le tournent en ridicule. Dieu a donc manifesté la folie de la sagesse de ce monde. Mais Dieu a choisi les choses folles de ce monde pour rendre confuses les sages, et Dieu a choisi les choses faibles de ce monde pour rendre confuses les fortes, et Dieu a choisi les choses viles de ce monde, et les méprisées, même celles qui ne sont point pour abolir celles qui sont. » C'est aux classes inférieures de la société, aux petites gens dont nul ne s'inquiète qu'a été confiée la grande transformation du monde. Oui, Paul voit parfaitement bien que le développement nouveau, partant de ces rangs inférieurs, dépassera toute l'antique gloire de la puissance romaine et de la sagesse grecque. (1 Cor. I, 11-28.) Il entend déjà à la porte le bruit des pas de ceux qui emportèrent tous ces sages. Toutes les querelles d'école, tous les grands mots des systèmes qui retentissent encore dans le monde, seront demain réduits au silence. Nous proposons, nous aussi, une sagesse, mais ce n'est point celle des princes de ce monde qui vont être anéantis. (1 Cor. II, 6.) Et Paul s'exprime ainsi, non pas après coup, lorsque l'histoire a porté sa sentence, non pas après que les académies d'Alexandrie ont été fermées et que le temple de Diane à Ephèse a été orné d'une croix, mais dans un moment où l'église ne se compose que d'une poignée d'esclaves et de petits bourgeois, tandis que tous ceux qui élèvent des prétentions à la sagesse, à la culture et aux belles manières se pressent dans les auditoires des académies, tandis qu'il entend encore retentir à ses oreilles le mot de la foule : « Grande est la Diane des Ephésiens! » C'est là le pressentiment parfaitement sûr du génie, aux yeux duquel l'avenir est prophétiquement présent. Ce qui por

tait déjà saint Paul à juger ainsi des choses, c'est que l'heure finale lui semblait proche. Et de même qu'il met tout en relation avec le jour du Seigneur qui se tient près de la porte et qui frappe, il demande aux Corinthiens s'ils entendent se présenter devant le trône judicial de Christ avec le jargon du système de Philon, ou en appeler à la rhétorique d'Apollos. Aux yeux de l'apôtre, les nouveaux progrès qu'ils s'imaginent avoir accomplis, sont du bois, du foin, du chaume que les flammes du jour du jugement consumeront. Ce qu'un docteur aura au contraire produit en fait de foi ferme, d'amour, de dignité morale, tout cela subsistera dans ce grand jour quand toutes les ressources de la spéculation, tout le clinquant de la rhétorique, tomberont comme des scories. (1 Cor. III, 11-15.) Paul ne quitte pas ce sujet sans avoir jeté un regard sur l'état de l'église au moment de sa fondation; et quelques considérations ironiques sur la plénitude de sagesse qui tout à coup a fait invasion au milieu de ces excellents Corinthiens ne manquent nullement leur effet.

L'impression produite n'est pas moins vigoureuse lorsque, d'abord après avoir remis à leur place la vanterie et la vanité des Corinthiens, l'apôtre énumère les principes et les actes immoraux qui font voir le troupeau sous le jour le plus triste. En présence d'un tel état de choses, il se voit lui-même contraint d'abaisser les exigences, l'idéal qu'il était disposé à présenter pour la vie chrétienne. Il est sans doute convaincu qu'il est meilleur pour l'homme de ne point avoir de femme. Mais, en mettant en avant ce principe, il n'avait nullement en vue de recommander l'ascétisme méritoire des esséniens et encore moins de favoriser une vie dans le désordre et le libertinage. L'unique chose que l'humanité lui paraissait encore avoir à faire, c'était de se préparer au retour prochain du Seigneur; aussi ne pouvait-il comprendre comment une personne vivant sérieusement dans cette attente pouvait encore trouver le temps et le désir d'entrer dans les liens du mariage. En effet, le temps est si court, que ceux qui ont une femme doivent être comme s'ils n'en avaient point. (1 Cor. VII, 29.) Sans importance pour le moment présent, le mariage ne lui était apparu que comme

un obstacle aux grands préparatifs de l'avenir; «< car celui qui est marié a soin des choses de ce monde, et comment il plaira à sa femme.» (1 Cor. VII, 33.) En outre, le jour du Seigneur sera précédé de grandes calamités, de terribles agitations au milieu desquelles l'homme non marié sera mieux partagé que les autres. C'est donc pour les épargner que l'apôtre les a détournés du mariage. (1 Cor. VII, 28.)

Mais ce qui montre combien saint Paul est loin de partager pour le mariage l'horreur des esséniens, pleins de dégoût pour tout ce qui est physique, c'est qu'il remet vertement à leur place les femmes par trop prudes, influencées par ces principes, exposant, par leur enthousiasme mystique, leurs maris aux piéges de Satan. Quant à ces femmes qui, se prétendant incomprises par leurs maris païens, s'étaient séparées d'eux, il leur ordonne de s'humilier devant leurs maris et de chercher à se raccommoder avec eux. Ce qu'il disait des mariages déjà conclus devait trouver également son application dans les unions en perspective. Paul maintient sans doute toujours qu'il vaut mieux de ne pas être marié, mais en tenant compte des circonstances de Corinthe, il vaut encore mieux se marier. Sans cela il ne pourrait dire aux veuves qu'elles doivent convoler, à ceux qui vivent séparés qu'ils doivent se réconcilier, et aux vierges qu'elles doivent se marier. Quant à d'autres cœurs féminins qui, dans leur agitation, croient ne plus pouvoir tolérer une union avec des maris païens, l'apôtre les prend par leur sentiment maternel. Aussi sûr qu'elles ont le sentiment que leurs enfants sont sanctifiés par leur foi, aussi sûr en est-il de même de leurs maris; «sans cela en effet vos enfants seraient impurs, et maintenant ils sont saints.» (1 Cor. VII, 14.) En parlant ainsi, l'apôtre a bien le sentiment qu'il fait une concession à l'esprit du temps, en admettant qu'on peut partager ainsi ses préoccupations entre le monde et l'avenir. Il ne cherche pas à s'en cacher, lorsqu'il ajoute, non sans quelque résignation, l'aveu suivant : « or, je dis ceci par conseil et non par commandement, car je voudrais que tous les hommes fussent comme moi, mais chacun a son propre don, lequel il a reçu de Dieu, l'un en une manière, et l'autre en une autre. » (1 Cor. VII,

7.)

L'apôtre prend à l'occasion de sa controverse sur les viandes une tout autre position que dans celle concernant le mariage. Tandis que le fait de contracter mariage lui semble comme une concession à la nature sensuelle de l'homme, l'abstinence des viandes lui apparaît comme une concession à la faible intelligence des chrétiens à idées esséniennes. Il ne sait découvrir aucune raison interdisant de manger des viandes, aussi longtemps qu'on considère la chose en elle-même. «La terre est au Seigneur avec tout ce qu'elle contient. » S'il fait une concession, c'est dans cet esprit large et généreux qui le porte à consentir à tout sacrifice, dès qu'il s'agit de gagner des âmes au royaume de Dieu. Ses adhérents de Corinthe peuvent prendre exemple sur lui, s'ils trouvent intolérable de sacrifier leur liberté aux préjugés des Juifs. « Car bien que je sois en liberté à l'égard de tous, je me suis pourtant asservi à tous, afin de gagner plus de personnes. Et je me suis fait juif comme juif, afin de gagner les juifs; à ceux qui sont sous la loi, comme si j'étais sous la loi, afin de gagner ceux qui sont sous la loi ; à ceux qui sont sans loi, comme si j'étais sans loi (quoique je ne sois point sans loi quant à Dieu mais je suis sous la loi de Christ), afin de gagner ceux qui sont sans loi. Je me suis fait comme faible aux faibles, afin de gagner les faibles; je me suis fait toutes choses à tous, afin qu'absolument j'en sauve quelques-uns. Et je fais cela à cause de l'évangile, afin que j'en sois fait aussi participant avec les autres. » (1 Cor. IX, 19-23.) Ainsi il s'est plié à toutes les formes, il s'est accommodé à tous les usages et à toutes les habitudes : dans les maisons juives il a observé la loi pour ne pas scandaliser; dans les familles grecques il n'en a tenu nul compte, toujours pour ne pas scandaliser. Ses adeptes doivent faire de même. Toutefois il est une piété qui ne saurait se contenter de ce qu'on lui fait des concessions, mais qui se sent blessée et opprimée, aussi longtemps que les autres vivent d'après des principes différents des siens. C'est justement là cette piété qui à Corinthe fait un crime à saint Paul d'avoir permis, d'une manière générale, de manger des viandes sacrifiées, et d'en avoir peut-être mangé lui-même. C'est ainsi que l'apôtre se voit dans l'obligation de défendre sa

manière d'agir contre les objections peu modestes de ces hôtes étrangers, de se justifier contre ceux qui le condamnent. « Et si par la grâce j'en suis participant, pourquoi suis-je blamé pour une chose dont je rends grâces?» (1 Cor. X, 30.) Arrogamment mis en demeure de s'expliquer, Paul en prend occasion pour rappeler à ces étrangers qui se font nourrir par l'église (1 Cor. IX, 1-12) et qui se réclament de Pierre, qu'il a, quant à lui, apôtre des gentils, fait bien d'autres sacrifices que de renoncer aux viandes sacrifiées et de se conformer aux lois juives sur la nourriture. N'aurait-il pas aussi bien qu'eux le droit de vivre aux dépens de l'église? N'aurait-il pas le droit, comme Pierre leur modèle, de mener avec lui une femme sœur? Il ne l'a pourtant pas fait, en vue d'éviter le scandale; ses adhérents peuvent agir de même dans la question controversée. Ils doivent renoncer à manger des viandes sacrifiées, lorsqu'ils voient que cela donne du scandale. « C'est pourquoi si la viande scandalise mon frère, je ne mangerai jamais, de chair pour ne point scandaliser mon frère. » (1 Cor. VIII, 13.) Il y a pourtant ici une réserve. L'apôtre sait fort bien qu'il y a certains frères faibles très impudents, qui ne se contentent pas qu'on évite de faire en leur présence ce qu'ils condamnent mais qui sont en outre inquiets de ce que font les autres, parce que leurs principes le permettent. C'est pourquoi Paul déclare que chacun doit acheter à la boucherie la viande qu'il veut, et s'il est invité chez un païen, il doit manger tout ce qui est placé devant lui. Les chrétiens doivent donc se garder d'imiter les pharisiens qui, à propos de chaque viande, « se demandent d'où elle vient, comment elle a été préparée, » et à propos de chaque légume « s'il a payé la dime et qui l'a fait cuire. » Mais pour le cas où dans un pareil repas un frère faible prendrait le fort par le bras et lui soufflerait à l'oreille: «C'est de la viande sacrifiée, » il devrait cesser d'en manger, par égard, ajoute l'apôtre, pour celui qui a donné l'avertissement et à cause de la conscience. «Or je dis la conscience, non pas la tienne, mais celle de l'autre ; car pourquoi ma liberté serait-elle condamnée par la conscience d'un autre? » (1 Cor. X, 28-30.) Si on s'abtient, c'est donc par égard et non par devoir et les soi-disant faibles qui se croient opprimés

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