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Aussi peut-il dire qu'objectivement la justification précède la foi et l'amène, tandis que subjectivement la foi est la cause de la justification. Il est donc erroné d'admettre, avec Schneckenburger, que les réformés, avant Schleiermacher et comme lui, n'ont appliqué l'acte de la justification qu'à l'humanité tout entière d'une manière générale, sans tenir compte de son application personnelle.

Schneckenburger se trompe encore lorsqu'il se fonde sur l'affirmation de plusieurs théologiens réformés, que Dieu prononce la sentence de justification secundum veritatem, pour admettre que, suivant ces théologiens, cette sentence est analytique et a pour objet le croyant ; tandis que pour les luthé-riens, cette sentence, synthétique, a pour objet le pécheur. L'examen attentif des textes montre que suivant Melchior, Fr. Turretin et Salomon de Til particulièrement, cette sentence, en raison même de sa conformité à la vérité ne peut avoir pour objet la justice toujours imparfaite du croyant, mais la justice parfaite de Christ qui lui est imputée et qui précède sa foi; c'est donc bien un jugement synthétique et c'est bien le pécheur qui en est l'objet. La foi est, il est vrai, la condition nécessaire pour que ce jugement s'applique à l'individu, mais elle n'en est pas le fondement. Ce qui distingue réellement les réformés des luthériens, c'est que, donnant plus de valeur à Christ comme chef de l'église, ils voient dans la sentence de justification non-seulement un acte de la grâce, mais encore un acte de la justice divine.

Le point sur lequel la lutte a été le plus vive entre les deux confessions, c'est celui qui concerne la délimitation du dessein du salut, en rapport avec son application.

Cette question, que l'école avait déjà traitée au moyen âge, est entrée, au dix-septième siècle, dans la conscience religieuse et ecclésiastique. Des deux côtés on admet que le résultat est le même le salut d'une partie des hommes, des élus. On admet encore que ce résultat est prévu de Dieu, et rentre dans l'organisme qu'il a donné au monde. Mais les réformés le font dépendre uniquement du décret éternel de Dieu, et les luthériens y font intervenir la résolution de chaque homme à embrasser la

foi. Ce qui doit être, suivant ceux-ci, attribué à Dieu, c'est l'éternel décret d'accorder le salut à la foi, et c'est ainsi qu'il l'a prédéterminé '. Ce n'est donc pas la doctrine de la prédestination qui a déterminé chez les luthériens celle de la rédemption, mais bien plutôt le contraire; aussi ne trouvons-nous pas proprement chez eux un système. Les réformés, en limitant le dessein de Dieu aux seuls élus, ont suivi une voie plus systématique. De plus, ils ont relevé la notion de l'église en donnant pour but direct à l'œuvre de Christ l'assemblée des fidèles, et ils ont fourni à la piété individuelle un appui plus solide que la seule assurance du salut. Enfin, ils ont mieux ordonné leur christologie en identifiant l'œuvre de Christ dans ses deux états d'inanitio et d'exaltatio. La doctrine luthérienne a pour inconvénient de ne pas unir organiquement la notion de l'église à celle du mérite de Christ. L'intermédiaire du ministère de la parole n'est pas suffisant pour empêcher le sentiment de l'isolement dans la conscience religieuse, et présente une certaine apparence de rapprochement du système catholique. De là les deux écueils qui se présentent sans cesse pour les luthériens, celui du cléricalisme et celui du piétisme inquiet et sectaire.

Les différences, en somme si secondaires, que nous venons de signaler entre les théologiens des deux confessions, disparaissent dans la lutte qu'ils eurent à soutenir contre les tendances contraires au christianisme et à l'église, qui voulaient annuler la doctrine de la réconciliation par Christ. Ces tendances eurent leur point culminant dans le socinianisme, mais c'est dans le cercle des anabaptistes qu'elles ont pris naissance. Les principes de ceux-ci sont les suivants: Le christianisme est la réunion de ceux qui sont effectivement saints; l'église n'est que la collec

'Arminius est le premier qui place au premier rang les mérites de Christ dans l'élection. Les orthodoxes calvinistes voient dans ces mérites la suite de l'élection, les arminiens en font la cause de cette même élection, et les luthériens les suivent dans cette voie. Quelques réformés (Amesius, Witzius, Heidegger) émettent l'opinion que l'élection en Christ est valable pour l'ensemble de ceux qui, par leur union avec le chef (Christ), atteindront le but du salut. Cette vue, qui brise avec la tradition de Luther et de Calvin, semble suivre la voie ouverte par Zwingli, et être la plus conforme à la doctrine de Paul.

tion des chrétiens et n'est pas un tout qui précède la foi individuelle. Les conséquences en sont le baptême des adultes; le christianisme universel antérieur, l'église et l'état chrétien sont nuls et non avenus, et un nouvel état politique social est à fonder sur les seules bases de l'Ancien et du Nouveau Testament. Cette école, essentiellement opposée à l'esprit de la réformation, a plutôt son origine dans la piété mystique et monastique du moyen âge. Ses représentants, fort peu théologiens, exaltaient la sainteté de l'individu, diminuaient la valeur du péché, et par conséquent ne voyaient plus en Jésus qu'un modèle; puis ils en venaient à nier sa divinité comme Jean Denk et bien d'autres.

Les mennonites, il est vrai, ont maintenu le principe réformateur de la justification par la foi; mais ils sont les seuls; car les quakers admettent, comme principe justificateur, la lumière intérieure, indépendante de l'action historique de Christ, et ne voient dans la mort de Christ qu'un exemple et un symbole. Les mystiques et les théosophes luthériens, comme Schwenkfeld, les ont suivis dans cette voie et ne tiennent la foi luthérienne, tournée surtout vers l'œuvre historique de Christ pendant sa vie terrestre, que pour une forme inférieure de la piété. Ils la laissent subsister, mais la subordonnent à la foi en Christ glorifié.

Les sociniens vont plus loin encore et repoussent la doctrine de la réconciliation par Christ. Le fondement théorique de leur opposition à la doctrine de la réformation est la notion de l'absolue liberté de Dieu, telle que l'entendait Duns Scot, qui disait que Dieu aurait pu sauver les hommes par un simple homme, ou par leurs propres œuvres. Ils en ont tiré les conséquences par suite d'une situation particulière que leur faisait l'état de l'Italie. Hommes instruits, sans troupeau qui les suivît, chefs sans soldats, ils ont plus fondé une école qu'une église, et lui ont donné pour signe distinctif la saine doctrine. La critique des dogmes y a donc joué le principal rôle et les a conduits à des révisions des dogmes de la trinité et de la rédemption, qui ne sont aucunement la conséquence des principes de Luther et de Calvin.

Suivant les sociniens, Dieu a décidé dans son absolue liberté de conduire les hommes à l'immortalité et à la vie éternelle. Christ comme prophète accomplit son œuvre par sa prédication et son exemple. Il surpasse l'Ancien Testament en ce qu'il révèle le dessein de Dieu d'accorder le pardon à tous ceux qui se repentent véritablement et qui s'appliquent à se corriger. Au contraire des orthodoxes qui font de ce pardon le principe, les sociniens n'en font que la conséquence indirecte de la vie chrétienne. De là leur opposition contre le dogme de la satisfaction.

Faust Socin nie la nécessité de ce dogme parce que Dieu peut pardonner sans cela, et que l'Ancien Testament en fournit des exemples. Il nie aussi la possibilité par les arguments suivants : 1o Il y a contradiction entre l'idée du pardon qui est le but, et celle de la satisfaction qui est le moyen. 2o Ou la substitution est injuste, ou elle n'est plus une punition quand un innocent souffre par la faute d'un coupable; elle ne peut être admise lorsqu'il s'agit de l'accomplissement de la loi auquel Christ était soumis. 3o La mort de Christ ne répond pas au but de la satisfaction, puisque, Christ fût-il Dieu, sa divinité ne peut pas souffrir. 4° L'union de l'idée d'imputation avec celle de satisfaction est inutile. 5o La doctrine de la satisfaction est contraire à celle du devoir, et moralement dangereuse.

La seule idée que Socin maintienne est celle du mérite de Christ, et cela prouve qu'elle répond aux rapports moraux et non aux rapports juridiques entre Dieu et l'homme. Ces objections de Socin contre la doctrine des théologiens orthodoxes, partent du point de vue faux qu'ils fondent la justification sur une conception purement juridique des rapports de Dieu avec l'homme. C'est au contraire sur des rapports fondamentalement moraux que se base toute leur doctrine, qui n'envisage les rapports juridiques que comme un moyen. Socin, de son point de vue exclusif de la liberté en Dieu, reproche avec une certaine justice aux théologiens orthodoxes de soumettre la divinité à une sorte de nécessité. Ici les deux points de vue sont restés incomplets. Là où Socin a eu quelquefois raison, c'est lorsqu'il a attaqué les idées juridiques de la justification au nom

des idées générales de justice et de moralité. Le péché ne doit pas être envisagé, comme il l'était par les orthodoxes, au point de vue du droit civil et particulier; les idées d'infini dans la coulpe et de substitution ne s'y accommodent pas. Mais Faust Socin s'est complétement trompé lorsqu'il a opposé le devoir de Christ d'accomplir la loi, à la satisfaction réalisée par son obéissance active. Ces deux points de doctrine trouvent leur conciliation lorsqu'on reconnaît Christ comme chef et garant de son église.

Baur a voulu voir dans l'arminianisme une conciliation, faite à un point de vue supérieur, de l'orthodoxie et du socinianisme. C'est à tort, car Grotius veut défendre la doctrine ecclésiastique contre les sociniens. Il montre qu'on peut concilier l'idée du pardon avec celle de la satisfaction, en considérant Dieu non plus du point de vue du droit privé, mais comme le maître d'une société morale, qui doit avoir ses lois. Seulement il dévie vers le socinianisme en admettant que la nature du péché exige seulement qu'une punition soit méritée, et non qu'elle soit exigée. Il affirme, par des exemples de l'Ancien Testament, que des innocents ont été punis avec des coupables, et en conclut qu'ils peuvent l'être pour eux, quoique cela ne soit pas nécessaire. La vraie raison du châtiment auquel Christ a été soumis est suivant lui celle-ci: Tot et tam multa peccata, sine insigni exemplo, Deus transmittere noluit. Le socinien Crellius n'a pas eu de peine à montrer la faiblesse de cette théorie de l'exemple, et Baur reconnaît lui-même que Grotius n'a pas su résoudre en une unité supérieure l'antinomie entre l'orthodoxie et le socinianisme. Il attribue ce mérite à ses disciples Etienne Curcelle et Philippe de Limborch.

Mais il n'est pas fondé à le faire; car les doctrines fondamentales de ces théologiens sur Dieu et leur négation de la nécessité d'un châtiment expiatoire pour satisfaire à la justice de Dieu, sont éminemment sociniennes. Ils répètent contre la conception orthodoxe les arguments des principaux sociniens. Cependant, et contrairement à ces derniers, ils voient dans la mort de Christ un sacrifice. Curcelle, le plus ancien, est celui qui accentue le moins cette notion; il s'attache à l'idée que la

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