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on l'aime, plus on aime aussi tout ce qu'il nous fait faire. C'est cet amour qui nous console dans nos pertes, qui adoucit nos croix, qui nous détache de tout ce qu'il est dangereux d'aimer, qui nous préserve de mille poisons, qui nous montre une miséricorde bienfaisante au travers de tous les maux que nous souffrons, qui nous découvre dans la mort même une gloire et une félicité éternelle. Comment pouvonsnous craindre de nous remplir trop de lui? Est-ce un malheur d'être déchargé du joug pesant du monde, et de porter le fardeau léger de Jésus-Christ? Craignons-nous d'être trop heureux, trop délivrés de nous-mêmes, des caprices de notre orgueil, de la violence de nos passions, et de la tyrannie du siècle trompeur?

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XXIV. JOUR,

Sur la fausse liberté.

I. Ou est l'esprit du Seigneur, là est aussi la liberté (1). L'amour de la liberté est une des plus dangereuses passions du cœur humain; et il arrive de cette passion comme de toutes les autres, elle trompe ceux qui la suivent, et au lieu de la liberté véritable elle leur fait trouver le plus dur et le plus honteux esclavage. Comment nommez-vous ce qui se passe dans le monde? Que n'avez-vous point à souffrir pour ménager l'estime de ces hommes que vous méprisez? Que ne vous en coûte-t-il pas pour maîtriser vos (1)I Cor. 1. 17.

passions quand elles vont trop loin, pour contenter celles à qui vous voulez céder, pour cacher vos peines, pour sauver des apparences embarrassantes et importunes? Est-ce donc là cette liberté que vous aimez tant, et que vous avez tant de peine à sacrifier à Dieu ? Où est-elle ? Montrez-la moi. Je ne vois partout que gêne, que servitude basse et indigne, que nécessité déplorable de se déguiser. On se refuse à Dieu, qui ne nous veut que pour nous sauver; et on se livre au monde, qui ne nous veut que pour nous tyranniser et pour nous perdre.

II. On s'imagine qu'on ne fait dans le monde que ce qu'on veut, parce qu'on sent le goût de ses passions par lesquelles on est entraîné; mais compte-t-on les dégoûts affreux, les ennuis mortels, les mécomptes inséparables des plaisirs, les humiliations qu'on a à essuyer dans les places les plus élevées? Au dehors tout est riant; au dedans tout est plein de chagrin et d'inquiétude. On croit être libre, quand on ne dépend plus que de soi-même. Folle erreur! Y a-t-il un état où l'on ne dépende pas d'autant de maîtres qu'il y a de personnes à qui l'on a relation? Y en a-t-il un où l'on ne dépende pas encore davantage des fantaisies d'autrui, que des siennes propres ? Tout le commerce de la vie n'est que gêne, par la captivité des bienséances et par la nécessité de plaire aux autres. D'ailleurs nos passions sont pires que les plus cruels tyrans. Si on ne les suit qu'à demi, il faut à toute heure être aux prises avec elles, et ne respirer jamais un seul moment. Elles se trahissent; elles déchirent le cœur; elles foulent aux pieds les lois de l'honneur et de la raison, et ne disent jamais, C'est

assez.

assez. Si on s'y abandonne tout-à-fait, où ce torrent mènera-t-il? J'ai horreur de le penser. O mon Dieu, préservez-moi de ce funeste esclavage, que l'insolence humaine n'a pas de honte de nommer une liberté. C'est en vous seul qu'on est libre. C'est votre vérité qui nous délivrera, et qui nous fera éprouver que vous servir c'est régner.

XXV. JOUR.

Sur la détermination entière à être à Dieu.

1.SEIGNEUR, que voulez-vous que je fasse (1)? C'est ce que disoit saint Paul, renversé miraculeusement, et converti par la grâce du Sauveur qu'il persécutoit. Hélas! combien l'avons-nous persécuté par nos infidélités, par nos humeurs, par nos passions qui ont troublé l'ouvrage de sa miséricorde dans notre cœur! Enfin il nous a renversés par la tribulation; il a écrasé notre orgueil; il a confondu notre prudence charnelle; il a consterné notre amour propre. Disons-lui donc avec un acquiescement entier : Seigneur, que voulez-vous que je fasse? Jusqu'ici je ne m'étois tourné vers vous qu'imparfaitement ; j'avois usé de mille remises, et j'avois tâché de sauver et d'emporter du débris de ma conversion tout ce qu'il m'avoit été possible: mais présentement je suis prêt à tout, et vous allez devenir le maître absolu de mon cœur et de ma conduite.

(1) Act. ix. 6.

FENELON. XVIII.

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II. Il ne suffit pas cependant que l'offre soit universelle ce ne seroit rien faire, si elle demeuroit vague et incertaine, sans descendre au détail ni à la pratique. Il y a trop long-temps, dit saint Augustin, qui nous traînons une volonté vague et languissante pour le bien. Il ne coûte rien de vouloir être parfait, si on ne fait rien pour la perfection. Il la faut vouloir plus que toutes les choses temporelles les plus chères et les plus vivement poursuivies ; et il ne faut pas vouloir faire moins pour Dieu, que l'on n'a fait pour le monde. Sondons notre cœur. Suis-je déterminé à sacrifier à Dieu mes amitiés les plus fortes, mes habitudes les plus enracinées, mes inclinations dominantes, mes plus agréables amusemens?

XXVI. JOUR.

Sur la capitulation qu'on voudroit faire avec Dieu.

I.JUSQUES à quand clocherez-vous de deux côtés (1). Nul ne peut servir deux maîtres (2). On sait bien qu'il faut servir Dieu et l'aimer, si on veut être sauvé; mais on voudroit bien ôter de son service et de son amour tout ce qu'il y a d'onéreux, et n'y laisser que ce qu'il y a d'agréable. On voudroit le servir, à condition de ne lui donner que des paroles et des cérémonies, et encore des cérémonies courtes, dont on est bientôt lassé et ennuyé. On voudroit l'aimer, à condition qu'on aimeroit avec lui, et peut-être plus que lui, tout ce qu'il n'aime point et qu'il condamne dans

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les vanités mondaines. On voudroit l'aimer, à condition de ne diminuer en rien cet aveugle amour de nous-mêmes, qui va jusqu'à l'idolâtrie, et qui fait qu'au lieu de nous rapporter à Dieu comme à celui pour qui nous sommes faits, on veut au contraire rapporter Dieu à soi, et ne le rechercher que comme une ressource qui nous console quand les créatures nous manqueront. On voudroit le servir et l'aimer, à condition qu'il sera permis d'avoir honte de son amour, de s'en cacher comme d'une foiblesse, de rougir de lui comme d'un ami indigne d'être aimé, de ne lui donner que quelque extérieur de religion pour éviter le scandale, et de vivre à la merci du monde pour ne rien donner à Dieu qu'avec la permission du monde même. Quel service et quel

amour!

II. Dieu n'admet point d'autre pacte avec nous, que celui qui a rapport à notre première alliance dans le baptême, où nous avons promis de renoncer à tout pour être à lui; et au premier commandement de sa loi, où il exige sans réserve tout notre cœur, tout notre esprit et toutes nos forces. Peut-on en effet aimer Dieu de bonne foi, et avoir tant d'égards pour le monde son ennemi, auquel il a donné de si terribles malédictions? Peut-on aimer Dieu, et craindre de le trop connoître, de peur d'avoir trop de choses à lui sacrifier? Peut-on aimer Dieu, et se contenter de ne l'outrager pas, sans se mettre en peine de lui plaire, de le glorifier, et de lui témoigner courageusement, dans les occasions qui se présentent tous les jours, l'ardeur et la sincérité de son amour? Dieu ne met ni bornes ni réserves en se

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