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SUR L'ORGANISATION DES CULTES.

15 GERMINAL AN X1.

CITOYENS LÉGISLATEURS,

Depuis longtemps le gouvernement s'occupait des moyens de rétablir la paix religieuse en France. J'ai l'honneur de vous présenter l'important résultat de ses opérations, et de mettre sous vos yeux les circonstances et les principes qui les ont dirigées.

Le catholicisme avait toujours été, parmi nous, la religion dominante; depuis plus d'un siècle, son culte était le seul dont l'exercice public fût autorisé; les institutions civiles et politiques étaient intimement liées avec les institutions religieuses; le clergé était le premier ordre de l'État; il possédait de grands biens, il jouissait d'un grand crédit, il exerçait un grand pouvoir.

Cet ordre de choses a disparu avec la révolution.

Alors la liberté de conscience fut proclamée, les propriétés du clergé furent mises à la disposition de la nation : on s'engagea seulement à fournir aux dépenses du culte catholique et à salarier ses ministres.

On entreprit bientôt de donner une nouvelle forme à la police ecclésiastique.

Le nouveau régime avait à lutter contre les institutions anciennes.

L'Assemblée Constituante voulut s'assurer, par serment,

1 Nous publions les documents relatifs au concordat dans l'ordre dans lequel ils ont été imprimés lors de leur publication officielle par le corps législatif, sous le titre d'Organisation des Cultes.

de la fidélité des ecclésiastiques dont elle changeait la situation et l'état. La formule de ce serment fut tracée par les articles 21 et 38 du titre 2 de la constitution civile du clergé, décrétée le 12 juillet 1790, et proclamée le 24 août suivant.

Il est plus aisé de rédiger des lois que de gagner les esprits et de changer les opinions. La plupart des ecclésiastiques refusèrent le serment ordonné, et ils furent remplacés dans leurs fonctions par d'autres ministres.

Les prêtres français se trouvèrent ainsi divisés en deux classes; celle des assermentés, et celle des non-assermentés. Les fidèles se divisèrent d'opinion comme les ministres. L'opposition qui existait entre les divers intérêts politiques rendit plus vive celle qui existait entre les divers intérêts religieux. Les esprits s'aigrirent; les dissensions théologiques prirent un caractère qui inspira de justes alarmes à la politique. Quand on vit l'autorité préoccupée de ce qui se passait, on chercha à la tromper ou à la surpendre.

Tous les partis s'accusèrent réciproquement.

La législation qui sortit de cet état de fermentation et de trouble est assez connue.

Je ne la retracerai pas; je me borne à dire qu'elle varia selon les circonstances, et qu'elle suivit le cours des événements publics.

Au milieu de ces événements, les consciences étaient toujours plus ou moins froissées. On sait que le désordre était à son comble, lorsque le 18 brumaire vint subitement placer la France sous un meilleur génie.

A cette époque, les affaires de la religion fixèrent la sollicitude du sage, du héros qui avait été appelé par la confiance nationale au gouvernement de l'État, et qui, dans ses brillantes campagnes d'Italie, dans ses importantes né gociations avec les divers cabinets de l'Europe, et dans ses glorieuses expéditions d'outre-mer, avait acquis une si grande connaissance des choses et des hommes.

la religion,

Une première question se présentait ; la religion en gé- Nécessité de néral est-elle nécessaire aux corps de nation? est-elle né- en général. cessaire aux hommes?

Nous naissons dans des sociétés formées et vieillies; nous y trouvons un gouvernement, des institutions, des lois, des habitudes, des maximes reçues : nous ne daignons pas nous enquérir jusqu'à quel point ces diverses choses se tiennent entre elles; nous ne demandons pas dans quel ordre elles sont établies; nous ignorons l'influence successive qu'elles ont eue sur notre civilisation, et qu'elles conservent sur les mœurs publiques et sur l'esprit général. Trop confiants dans nos lumières acquises, fiers de l'état de perfection où nous sommes arrivés, nous imaginons que, sans aucun danger pour le bonheur commun, nous pourrions désormais renoncer à tout ce que nous appelons préjugés antiques, et nous séparer brusquement de tout ce qui nous a civilisés. De là, l'indifférence de notre siècle pour les institutions religieuses, et pour tout ce qui ne tient pas aux sciences et aux arts, aux moyens d'industrie et de commerce qui ont été si heureusement développés de nos jours, et aux objets d'économie politique, sur lesquels nous paraissons fonder exclusivement la prospérité des États.

Je m'empresserai toujours de rendre hommage à nos découvertes, à notre instruction, à la philosophie de nos temps modernes.

Mais, quels que soient nos avantages, quel que soit le perfectionnement de notre espèce, les bons esprits sont forcés de convenir qu'aucune société ne pourrait subsister sans morale, et que l'on ne peut encore se passer de magistrats et de lois.

Or, l'utilité ou la nécessité de la religion ne dérive-t-elle pas de la nécessité même d'avoir une morale? L'idée d'un Dieu législateur n'est-elle pas aussi essentielle au monde intelligent, que l'est au monde physique celle d'un Dieu

créateur et premier moteur de toutes les causes secondes? L'athée, qui ne reconnaît aucun dessein dans l'univers, et qui semble n'user de son intelligence que pour tout abandonner à une fatalité aveugle, peut-il utilement prêcher la règle des mœurs, en desséchant par ses désolantes opinions la source de toute moralité?

Pourquoi existe-t-il des magistrats? pourquoi existe-t-il des lois? pourquoi ces lois annoncent-elles des récompenses et des peines? C'est que les hommes ne suivent pas uniquement leur raison, c'est qu'ils sont naturellement disposés à espérer et à craindre, et que les instituteurs des nations ont cru devoir mettre cette disposition à profit pour les conduire au bonheur et à la vertu. Comment donc la religion, qui fait de si grandes promesses et de si grandes menaces, ne serait-elle pas utile à la société?

Les lois et la morale ne sauraient suffire.

Les lois ne règlent que certaines actions; la religion les embrasse toutes. Les lois n'arrêtent que le bras; la religion règle le cœur. Les lois ne sont relatives qu'au citoyen; la religion s'empare de l'homme.

Quant à la morale, que serait-elle si elle demeurait reléguée dans la haute région des sciences, et si les institutions religieuses ne l'en faisaient pas descendre pour la rendre sensible au peuple?

La morale sans préceptes positifs laisserait la raison sans règle, la morale sans dogmes religieux ne serait qu'une justice sans tribunaux.

Quand nous parlons de la force des lois, savons-nous bien quel est le principe de cette force? Il réside moins dans la bonté des lois que dans leur puissance. Leur bonté seule serait toujours plus ou moins un objet de controverse. Sans doute une loi est plus durable et mieux accueillie quand elle est bonne : mais son principal mérite est d'être loi, c'est-à-dire, son principal mérite est d'être, non un

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