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DE PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE.

Numéro 1. Janvier 1850.

Polémique philosohique.

DU PAGANISME EN PHILOSOPHIE

ET

DE SON INFLUENCE SUR LA THÉOLOGIE.

Sixième Article 1.

Suite de la Théorie de la certitude. Traditions sur l'immortalité de l'âme chez les païens. La certitude au point de vue de l'homme.

L'âme constituée avec trois élémens, ou Dieu, la nature et l'huminité, par l'école indo-grecque et germano-française. - Récapitulation de l'article précédent. Base de cette théorie : le principe d'identité. Ses conséquences.

« Je ne m'afflige pas de mourir comme on s'en afflige ordinai>>rement; mais j'ai bon espoir qu'il y aura une destinée pour les >> hommes après leur mort, et qu'elle sera meilleure pour les bons » que pour les méchants, comme le promettent les traditions anti» ques2... Il faut toujours nous en tenir à ce qui est déclaré dans le » texte ancien et sacré, savoir: que notre âme est immortelle et » qu'en sortant de ce corps elle trouve des juges devant lesquels elle » a à subir un grand jugement3.»-« Pour moi, dit Cicéron, afin

1 Voir le 5e article au n° 117, tome xx, p. 165 (3o série).

2 Noteρ ye xxì máa éуera. Platon d'Astius, t. I, p. 486, traduc. de Schwalbé, p. 97. « Selon la foi antique du genre humain; » trad. Cousin, t. I, p. 198.

3 Πείθεσθαι δὲ ὄντως ἀεὶ χρὴ τοῖς παλαιοί τε καὶ ἱεροῖς λέγεις. Platon, let. vii, édit. d'Astius, t. Ix, p. 568; trad. Cousin: «Il faut ajouter foi à cette ancienne et sainte doctrine; » t. XIII, p. 88.

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» d'appuyer l'opinion dont vous demandez à être convaincu (l'im» mortalité de l'âme ), j'ai à vous alléguer de fortes autorités, es» pèce de preuve qui, dans toutes sortes de contestations, est ordi» nairement d'un grand poids. Je vous citerai d'abord toute » l'antiquité. Plus elle touchait de près à l'origine des choses et >> aux premières productions des dieux, plus la vérité, peut-être, >> lui était connue 1.»-«Mon fils, disait autrefois un père vertueux » à un fils qui n'en profita guère, mon fils, c'est au philosophe à » vous expliquer le pourquoi des choses, pourquoi il faut faire le » bien et éviter le mal. Pour moi, je serai content si je puis vous » apprendre à observer les mœurs et la conduite que nous ont trans» mises nos ancêtres, et préserver votre vie et votre honneur tant que » vous serez sous ma direction 2. »

C'est ainsi qu'en suivant la parole des ancêtres et les traditions de l'antiquité, les Grecs et les Romains pouvaient connaître ce qu'il Y avait de plus important pour l'homme, l'existence de l'âme, son immortalité, ses devoirs et sa conduite ainsi que ses récompenses et ses châtimens; sa dépendance, enfin, dans le domaine de la science et dans l'acquisition des vérités nécessaires par voie d'autorité. Mais les Romains et les Grecs n'avaient pas assez l'antiquité de la science et la science de l'antiquité3. « O Grecs ! disaient les » vieillards de l'Egypte, vous êtes tous des enfans; en Grèce il n'y » a pas de vieillards, vous êtes jeunes par vos âmes, vous n'avez en >> elles aucune opinion antique, venue d'une longue tradition, au» cune connaissance blanchie par le tems". >>>>

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1 Auctoribus quidem ad istam sententiam, quam vis obtinere, uti optimis possumus; quod in omnibus causis et debet et solet valere plurinùm. Et primùm quidem omni antiquitate, quæ quò propiùs aberat ab ortu et divinâ progenie, hoc meliùs ea fortasse quæ erant vera cernebat. Tuscul., 1. 1, c. 12.

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Traditum ab antiquis morem servare, tuamque,

Dum custodis eges, vitam famamque tueri

Incolumem possum. Horace. Satyr., 1. 1, sat. IV, V, 116.

De Maistre, Soirées de Saint-Pétersb.

4 Platon, Timée, 22. Voir le texte cité tout au long dans nos Annales,

t. x, p. 329 (1" série).

L'âme, intelligence associée à des organes, créée de néant, faite à l'image de Dieu, élevée par une faveur spéciale au-dessus de sa nature et destinée, après l'épreuve de cette vie, à la vision, à la possession de Dieu; douée de facultés énergiques inhérentes à sa nature et gratifiée de moyens merveilleux pour atteindre sa double fin, mais tombée par le péché, altérée dans sa nature, déchue de la grâce, puis relevée par l'espérance d'abord, par la réalisation, ensuite d'une magnifique réhabilitation, certes c'était là une belle science à étudier. Ecoutez l'antiquité, vous n'entendrez qu'un long gémissement; toutes les traditions retentissent du bruit de la chute, contre-partie de l'ordre surnaturel. L'ordre surnaturel nous explique la grandeur de l'homme et ses nobles tendances, comme le péché originel sa bassesse et ses instincts dépravés. Et, si sa ressemblance avec l'auguste Trinité nous rendait compte de ses principales facultés, sa destinée future nous aidait à comprendre sa conduite présente et ses devoirs en cette vie. Avec les traditions vous avez tout l'homme; mais ce fil conducteur une fois perdu, il ne peut plus y avoir, dans le labyrinthe de la science de l'âme, que tâtonnemens, puis de longues et interminables erreurs.

Au lieu donc d'expliquer l'âme humaine suivant les données de la tradition, on la fit suivant ses préjugés, ses passions ou ses caprices. On la fit, c'est là le mot. Oui, tandis que le Catholicisme se contente de recevoir la vérité, et tout au plus d'essayer l'explication de ce qu'il a reçu, le Rationalisme se fait des vérités à luimême, il les crée, il les fabrique, fabricatores errorum1. Il crée Dieu, il crée l'âme, il crée le monde, le vrai et le faux, le bien et 1 emal, le droit et le devoir. Et comme l'instrument créateur est son âme, sa raison, de là vient, pour lui, la nécessité de commencer par faire sa raison, son âme, c'est-à-dire de débuter par la psychologie. On conçoit très-bien cette nécessité si l'âme humaine est, suivant l'Allemand, la règle vivante de la vérité, suivant l'Indou, la forme de la science2. Le rationaliste est d'accord avec luimême en débutant ainsi, le catholique est un inconséquent.

1 Isaïe, XLV, 16, et dans l'hébreu : « fabricateurs d'idoles. ». 2 Oupnek hat Mitri, Brahman, LXXI, et passim, Annotationes F. 590.

Nous avons vu, dans l'article précédent, avec quels élémens le rationaliste fait son âme. Avant la création existe Brahm: c'est la substance panthée. M. Cousin l'appelle l'unité pure; en lui, pourtant, existent déjà deux germes qui vont bientôt percer: aussi est-on obligé déjà de lui donner un double nom Brahm-maïa (Oupnek’hat), Esprit-matière, Dieu-nature (Spinosa, Schelling), Substance-cause ou Cause-substance (M. Cousin). A la création, les deux germes éclosent, et Brahm apparaît sous les deux modes d'infini et de fini. Ces deux modes, en s'unissant, vont former un rapport, un troisième terme, l'indéfini ou l'âme humaine, en sorte que nous aurons maintenant trois formes complètes : l'infini, l'indéfini et le fini, ou Dieu, l'Homme et la Nature. Ces trois formes, il est vrai, ne sont que des phénomènes sans réalité ou plutôt n'ont d'autre réalité que Brahm, la substance panthée, leur substratum commun dont ils sont l'enveloppe; mais enfin elles n'en sont pas moins constituées, chacune, avec ces trois élémens d'infini, d'indéfini et de fini, à cette seule condition que l'élément spécial, de chacune de ces formes, prédomine en elle, à savoir l'infini en Dieu, le fini dans la Nature et l'indéfini dans l'Humanité. Et toujours en tout et partout, c'est Brahm qui constitue la triplicité phénoménale dont il est l'identité absolue.

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Est-il donc si difficile, après tout, de faire une âme humaine? Nullement; rien de plus simple, au contraire. Chaque élève de l'Université peut en faire à sa guise. Et c'est M. Cousin, à la suite des Allemands et des Brahmanes, qui en a donné la recette. Cette recette, pour en faciliter l'usage au lecteur, pourrait s'exprimer très-bien par une formule analogue à celles d'un intéressant manuel en usage dans toute bonne maison bourgeoise d'abord prenez Brahm; partagez en trois parts qui seront l'infini, le fini et leur rapport. Prenez ensuite une bonne poignée d'infini, à peu près autant de fini; mêlez ensemble et battez bien jusqu'à ce que vous ayez obtenu l'indéfini ou le mélange, le rapport de l'infini, avec le fini, et vous aurez une âme.

C'est à cette théorie que Platon avait emprunté sa constitution de l'âme quand il la formait de trois essences, à savoir: l'essence indivisible et toujours la même (bonté, infini), l'essence divisible

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