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Polémique catholique.

LETTRE DE M. L'ABBÉ DARBOY

SUR QUELQUES-UNES DE SES EXPRESSIONS CRITIQUÉES DANS LES ANNALES, AVEC LA RÉPONSE DE M. BONNETTY.

Nous avons reçu hier, 25 janvier, la lettre suivante que nous nous empressons de publier, en la faisant suivre de quelques ob

servations.

Monsieur,

Je lis dans vos Annales, no de novembre 1849 (tome xx, p. 340). Un article de M. l'abbé Chassay, qui me fait l'honneur de citer élogieusement, et d'invoquer comme autorité, quelques lignes publiées par moi dans le Correspondant. Vous avez cru voir dans les paroles que le bienveillant professeur daignait m'emprunter, des passages obscurs, inexacts, appelant des remarques essentielles; et vous l'avez dit en m'imputant des principes humanitaires, et du rationalisme pur.

Ces inculpations sont d'autant plus graves que je n'ai absolument rien fait pour les mériter. Vos lecteurs ont sous les yeux le no de vos Annales qui renferme mon texte et vos accusations; permettez-moi de placer aussi sous leurs yeux ma défense : j'accepte sans réserve le jugement qu'ils porteront ensuite.

1o J'ai affirmé que «< nul ne peut arriver à l'idée du Christianisme, si ce » n'est par une succession de concepts, de vues, de propositions, qui se prê» tent une lumière et une force réciproques, se corrigent et s'expliquent » mutuellement, et concourent ainsi à représenter, d'une manière plus » ou moins exacte et intégrale, ce fait si complexe qu'on nomme la reli»gion chrétienne. » Il est clair que, dans cette phrase, j'ai donné aux mots idée du Christianisme et Religion chrétienne le même sens absolument; en cela, j'ai parlé comme tout le monde, et quand j'aurais parlé comme personne ne parle, il n'y aurait point à s'y tromper : c'est d'une évidence saisissante.

Cependant vous faites, touchant cette phrase même, la remarque suivante que vous nommez essentielle «La religion chrétienne, coinme >> expression de ce que l'homme doit croire et doit pratiquer pour être

» sauvé, est bien différente de ce que M. Darboy appelle ici l'idée chré» tienne. L'idée chrétienne est le Christianisme réfléchi et souvent cor>> rompu du philosophe; la religion chrétienne est le symbole qui est >> renfermé dans le Catéchisme que l'on enseigne à tout le monde et que >> tout le monde comprend facilement. Nous faisons cette remarque, parce » que l'on n'est que trop porté à confondre le christianisme des philoso» phes ou de l'idée, avec le christianisme du Christ et de l'Église. » Assurément, tous vos lecteurs conviendront que votre remarque est à côté, et non à l'encontre de ma proposition, car je n'ai ni opposé l'idée chrétienne à la religion chrétienne, ni confondu l'une avec l'autre.

:

Votre observation qui manque d'opportunité, manque aussi de justesse 1° Vous définissez la religion chrétienne le symbole qui est renfermé dans le catéchisme. Je vous donne acte de la définition, et je la recommande aux théologiens. 2° Vous attribuez la même signification aux mots Christianisme de l'idée, et idée du Christianisme. Je vous donne acte de la confusion, et je recommande votre langage aux philosophes. 3o Vous dites que tout le monde comprend facilement le catéchisme qui expose les mystères de la religion; cela m'étonne d'autant plus que vous tenez pour synonyme les mots comprendre, concevoir, penser, imaginer, et que vous prétendez contre un théologien que l'on ne conçoit pas Dieu 1. Je vous donne acte de la contradiction, et je recommande votre méthode aux logiciens.

Nous acceptons les mêmes juges qu'invoque ici M. l'abbé Darboy et nous leur soumettons les observations suivantes :

Comme nous avons mis le texte et la critique sous les yeux des juges agréés par M. Darboy, il semble d'abord qu'il n'y a pas trop à se plaindre; mais voyons la justification.

Oui, vous avez donné absolument la même signification au mot Christianisme (vous avez écrit idée du Christianisme) et Religion chrétienne. Vous assurez, par conséquent, qu'on ne peut arriver à la Religion chrétienne que par une succession de concepts, de vues, de propositions multipliées, se corrigeant, s'expliquant mutuellement et représentant d'une manière plus ou moins exacte et intégrale, cette Religion chrétienne qui est un fait si complexe? Eh bien! oui, Monsieur, je demande aux théologiens, aux philoso

1 Même no des Annales, page 379, etc.

phes et aux logiciens que vous invoquez, si, en définissant ainsi le Christianisme et la Religion chétienne, vous n'en excluez pas tous ceux qui ne sont pas philosophes. Je vous ai accordé que ce Christianisme existait, était celui des philosophes, mais, j'ai noté qu'il y avait, grâce à Dieu, un autre Christianisme, celui qui était appris aux enfans et aux ignorans, celui qui est renfermé dans le symbole que l'Eglise nous oblige à croire. Vous n'avez pas même répondu un seul mot à cette question de pratique et d'usage, c'est celle que j'appelle essentielle, et qui seule est importante, selon moi; mais préoccupé de vos idées philosophiques, vous me faites quelques questions auxquelles je vais répondre :

16 Vous me signalez aux théologiens pour avoir dit que la religion chrétienne est le symbole renfermé dans le catéchisme. Jusqu'à présent, j'avais cru que les prêtres, en enseignant le symbole renfermé dans le catéchisme, enseignaient le Christianisme; il paraît que c'est autre chose, vous auriez bien fait de me dire ce que c'est.

2o Vous me reprochez d'attribuer la même signification aux mots Christianisme de l'idée et idée du Christianisme. Je n'ai rien dit de semblable, j'ai seulement identifié le Christianisme des philosophes ou de l'idée, mais je vais plus loin maintenant, et je dis que cette idée du Christianisme à laquelle on ne parvient que par des concepts, des nues, ayant besoin de se corriger, et ne représentant que d'une manière plus ou moins exacte la religion chrétienne, est le Christianisme de l'idée. Que vos philosophes et vos théologiens jugent entre vous et moi.

3o Vous avez dit : « On peut défier qui que ce soit d'arriver à Vidée du Christianisme (ce qui est identique avec religion chrétienne), sinon par une succession de concepts, de vues; et vous avez appelé cette religion un fait très-complexe.-Je vous accorde cela pour le Christianisme réfléchi; mais j'ai fait mes réserves pour le Christianisme pratique, celui du catéchisme que j'ai dit être à la portée de l'intelligence de tous? Vous me répondez que cela vous étonne. Voyez un peu! Un prêtre qui a, sans doute, enseigné le catéchisme aux petits enfans, et qui s'étonne que nous pensions que ces petits enfants l'ont compris! en vérité, c'est à n'y rien com

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prendre! A cette occasion, M. l'abbé Darboy fait allusion à ce que nous disions à M. l'abbé Maret, que l'homme ne saurait concevoir Dieu. Est-ce que M. l'abbé Darboy serait partisan de la méthode de M. l'abbé Maret? est-ce qu'il approuverait les conceptions, visions, intuitions de ce théologien ? alors qu'il le dise. Mais qu'il dise en même tems si c'est la théodicée de 1844 qu'il approuve ou celle de 1849, qui donne une conception de Dieu tout-à-fait contraire à la première; franchement nous serions portés à le croire ; déjà ici, il se sert du terme philosophique concept, qui a été employé la première fois par Kant et son école ; nous serions curieux de voir son dernier mot sur cette question. Seulement nous lui rappellerons ces mots du programme que M. l'abbé Gerbet, a composé pour le Moniteur catholique et que M. l'abbé Darboy a contre-signé lui-même.

« L'Eglise a une langue toute faite, dont elle conserve le dépôt. » Il ne suffit pas à ses yeux qu'une pensée soit juste, il faut que les » termes qui l'expriment conservent la forme des saines paroles, » comme le dit saint Paul. »

Nous prions M. Darboy de montrer aux théologiens, philosophes et logiciens, qu'il invoque, les textes de la Bible, où il est parlé de concepts, de vues, etc., nécessaires pour arriver à l'l'idée du christianisme. Notre Revue est à sa disposition pour cette exhibition. 2. Si M. l'abbé Darboy n'a pas attribué à l'humanité les priviléges qui appartiennent seulement à l'Eglise.

M. l'abbé Darboy cherche ensuite à déplacer et à éluder la question. Nous connaissons cette méthode, mais nous allons le ramener à ses paroles, les voici :

« L'humanité proclame avec une tranquille autorité, soit l'en>> semble1, soit quelques détails de la doctrine reçue. » Nous avons objecté à cela, que l'humanité n'a jamais proclamé avec autorité un point quelconque de dogme, cela était direct. M. Darboy ne répond rien à cela et passe à côté. Il continue :

« Si vous niez un point de la doctrine reçue, l'humanité l'affirme >> contradictoirement, après s'être interrogée; vous en faites des ap

1 Voir le n° cité des Annales, tome xx, p. 340.

>>plications, elle les condamne ou les ratifie d'une manière expresse > après avoir examiné. »

Nous lui avons dit:-Quand un dogme révélé de Dieu est attaqué, ce n'est pas l'humanité qui s'interroge, qui examine, qui décide. A cela M. Darboy ne répond pas un mot, mais se jette à côté.

M. l'abbé Darboy avait dit :

<< Et ainsi, chaque jour l'humanité applique à des cas particuliers »sa croyance générale; elle arrive à une conscience plus distincte >> et plus précise des choses qu'elle admettait réellement, mais va» guement; elle réduit en formules fixes et nettes ce qui est la » substance et l'âme de ses convictions et le résultat de ses expé>> riences. >>

A cela nous avons répondu que l'humanité n'avait jamais été chargée de formuler et constater le dogme.

Enfin M. l'abbé Darboy continuait immédiatement :

« L'avénement du Christianisme n'a pas changé, en CECI, la >> condition naturelle de l'humanité. »

Nous lui répondions que la condition naturelle de l'humanité avait été changée, en CECI, par l'établissement surnaturel d'une autorité visible et infaillible.

Voilà des questions, bien claires et bien nettes. Nous allons voir quelles promenades dialectiques nous fait faire M. l'abbé Darboy pour ne pas y répondre. Voici ses paroles :

2o J'ai affirmé que « l'humanité, prise en masse, est soumise à la loi » d'un développement graduel dans la connaissance explicite de la vé>> rité, » et j'ai décrit, dans un passage qui vous inquiète, les évolutions de l'esprit humain sous l'empire de cette loi. Les critiques que ce passage mérite à vos yeux sont fondées sur ce point unique, à savoir que j'ai mis l'humanité à la place de l'Eglise, et qu'ainsi je me suis rendu coupable de rationalisme pur et de principe humanitaire. Voyons donc si j'ai commis cette substitution hétérodoxe.

Le but de l'article publié dans le Correspondant, le but du passage incriminé est de montrer comment l'esprit humain arrive progressivement à l'idée d'une doctrine quelconque, et en particulier à l'idée du Christianisme. J'avais à formuler la loi suivie, en ce cas, par les philosophes comme par les croyans, par les peuples païens comme par les nations

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