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Mens agitat molem, et magno se corpore miscet.

Indè hominum pecudumque genus, vitæque volantum, etc. 1.

« Dès le commencement, l'Ame nourrit, soutient, intérieurement le » ciel et la terre, et les mers, ainsi que le globe brillant de la lune et » les astres frères de Titan. Répandue dans tous les membres, l'Ame agite » la masse entière, et se mêle à ce grand corps. De là viennent le genre » des hommes et des animaux, et la vie des oiseaux, etc. »>

L'Ame humaine, ainsi émanée de Dieu, détachée de sa substance, fut toujours regardée comme divine par les philosophes 2. N'étaitelle pas une portion de la substance de Dieu? Divinæ particulam aura? Et, par conséquent, n'en méritait-elle pas les hommages puisqu'elle en avait les perfections? De là, les apothéoses et la divinisation de tous les monstres produits par la nature humaine, la divinisation même de leurs crimes et de leurs turpitudes. Il est vrai que la portion divine était parfois bien basse, mais cette bassesse ne venait que de l'enveloppe, et quand l'enveloppe était usée, le monstre caché derrière elle pouvait dire sérieusement: Mes amis je sens que je deviens Dieu.

Mais comment se produit ce développement de la divine Essence? Et comment expliquer la variété et même les inégalités qui sont dans la nature? Les Gnostiques et les Alexandrins, ces amis intimes de M. Cousin, vont nous l'expliquer. Les émanations ne sont pas la création de ce qui n'était pas, mais seulement l'émission, la manifestation de ce qui est renfermé dans le sein de l'abîme Butos, le Bhouta des Indiens. Elles ne sont que le déploiement de la substance, ses attributs, ses formes, ses noms. Elles constituent avec elle le plérôme ou la plénitude des intelligences, Logos, Haranguerbehah. On les nomme généralement Eons, alwve, “. Les Bramanes les appellent Aaïn. On concevra la variété et l'imperfection, en admettant que les émanations divines forment une série dont la

1 Virgile, Enéide, liv. vi, 724.

2 Cicéron, Tusculanes, 11, 21.

Notons bien que M. Maret et M. Darboy soutiennent aussi que, par la création, il faut entendre la Manifestation de tout ce qui est en Dieu. 4 Précis de l'Hist. de la philosophie de Juilly, p. 174.

perfection va en décroissant à mesure qu'elles s'éloignent de leur origine.

Supposez une série de flambeaux dont la lumière soit une loi de décroissement, jusqu'à devenir imperceptible et se confondre avec la nuit: dans une portion de cette série, la clarté prévaut sur l'ombre; dans l'autre, l'ombre prévaut sur la clarté 1. Eh bien! la partie où prévaut la clarté, va former Dieu, les esprits supérieurs, les génies et l'âme humaine; celle où prévaut l'ombre, formera les âmes des animaux, des végétaux, des minéraux et surtout la matière. L'Ame humaine est donc la fine fleur, la mère-goutte de la substance divine; la nature en est comme le son, la lie, le marc, le dernier résidu. Je ne sais plus qui prétendait que la matière était la carbonisation de Dieu. Les Indiens qui, une fois engagés dans le chemin de la logique, allaient jusqu'au bout, ne craignaient pas de dire que Dieu, Atma, était tout: « Lion, Tigre, Loup, Cochon, » Vermisseau, Papillon, Mouche, Puceron, Fourmi, Bien et Mal, >> Vérité et Mensonge, l'Ami et l'Ennemi, le Juste et le Scélérat 3. » Ces propositions sont dures pour le bon sens. Elles ne sont pourtant que la conséquence de celle-ci: « Dieu est l'Ame des Ames, >> ou notre Ame est de l'Essence de Dieu 5. Celui qui admet la dernière, ne peut reculer devant les autres, ou bien ce n'est qu'un inconséquent. En fait de logique, jamais les Grecs n'ont eu le courage des Indiens; M. Cousin, à son tour, est loin d'avoir le courage des Grecs, et bien des professeurs semi-rationalistes n'auront jamais le courage de M. Cousin. Quand la raison répudie le bon sens, le bon sens soutient encore la raison à son insu.

C'est un beau spectacle pour le philosophe chrétien, que ce travail de l'esprit humain posant sans cesse des principes dont il ne

1 Ibid., p. 173.

2 Peut-être M. l'abbé Gonzague fait allusion à l'opinion de M. le baron Guiraud, qui prétendait en effet que les matières carbonisées étaient la substance même de Satan. Voir les Annales, t. xix, p, 144 (2o série).

3 Oupnek hat, t. 1, 61-66, 69, 71.

Ibid.

5 Ibid.

A. B.

veut pas tirer les conséquences. Le Gnosticisme, disait les choses trop crûment pour qu'elles pussent être admises par ceux qui pourtant en admettaient les principes. Dans cette doctrine, tout le monde était Dieu. Non-seulement le Christ, mais encore les Apôtres, étaient des Eons. « Le Christ et les Apôtres représentaient » les treize Eons du Plérôme, et la souffrance du 12° Eon était » représentée par la trahison de Judas 1. » Chacun des maîtres de la science était, ou un Père Eternel, ou un Christ, ou un Saint-Es— prit; quelquefois, tous les trois ensemble, mais surtout un SaintEsprit. De nos jours, ce sont les Christs qui dominent. Cela dépend du tems et des circonstances. A Bicêtre et dans la maison d'Orléans, ce que j'ai rencontré le plus souvent, ce sont des Pères Eternels.

On sait que le grand Apôtre ne dédaigne pas de stigmatiser ces aberrations qui, de son tems déjà, commençaient à s'étaler au grand jour. Il eut soin de prémunir ses chers disciples contre ces fables ridicules, « ces généalogies sans bout, débitées par ces doc

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teurs du mensonge, ces bavards, comme il les appelle, qui ne » savent plus ce qu'ils disent et encore moins ce qu'ils pensent 2, » Il veut donc qu'ils évitent toutes ces sottes questions, ces genèses >> ridicules, ces sujets imbéciles qui aboutissent à quoi? Au vide » et au néant 3. » Ce coup, porté par une main aussi vigoureuse, frappa à mort la doctrine des Eons. Elle ne s'en releva jamais bien.

Le paganisme, battu par le Christianisme, dans la doctrine des Essences, des Formes et des Eons, chercha à se relever au MoyenAge, dans les Universaux. L'homme, par une tendance naturelle, mais qui dévie toujours et s'égare quand elle n'est pas dirigée par 1 Hist. de l'Éclectisme alexandrin, par l'abbé Prat, t. 1, 72.

2 Ut denuntiares quibusdam ne aliter docerent, neque intenderent fabulis et genealogiis interminatis; quæ quæstiones prestant magis quam ædificationem Dei, quæ est in fide.... A quibus quidam aberrantes, conversi sunt in vaniloquium, volentes esse legis doctores, non intelligentes neque quæ loquuntur, neque de quibus affirmant. 1 Tim., 1, 3, 4, 6,' ,7.

3 Stultas autem quæstiones, et genealogias, et contentiones, et pugnas legis devita; sunt enim inutiles et vanæ. Ad Titum., шi, 9.

la vérité, aspire sans cesse à l'Unité. L'Unité, voilà son but, voilà sa fin.

Mais où la trouvera-t-il? Toutes les sciences, efforts de l'âme humaine, gravitent vers une Unité. La philosophie, science directrice des autres sciences, ne cesse d'y marcher. Platon croit l'avoir trouvée dans l'Idée ou Essence, comme avant lui, Pythagore, dans la Monade, et après lui Aristote dans la Forme. Au Moyen-Age, on crut l'avoir trouvée dans la doctrine des Universaux. Monade, Essence, Forme, Universel, tous termes identiques quant au fond, toutes formes diverses de l'erreur qui veut se cacher à elle-même. Qu'est-ce donc que l'Universel? C'est une Forme universelle, c'està-dire commune à une classe d'individus; c'est par conséquent un genre ou une espèce. Cet Universel est-il quelque chose de réel, une Réalité, ou bien n'est-ce qu'une fiction mentale, une écorce vide, une simple étiquette, un pur Nom? Ceux qui adoptaient le premier sentiment, s'appelaient Réalistes. Pour eux les Universaux étaient les seules Réalités, les seules Essences réelles qui venaient s'individualiser dans les êtres particuliers. L'Humanité, par exemple, se particularisait dans Pierre, dans Paul, tout en restant identique en elle-même. La science ne devait nullement s'occuper des Individus ; l'Universel, voilà son objet, de singularibus non est scientia. Il est bien clair que le Panthéisme était au bout d'une telle doctrine. Aussi, tous les Réalistes, comme Guillaume de Champeaux, Amaury de Chartres, David de Dinan, arrivaient-ils à un vaste panthéisme, ou les Universaux s'individualisaient dans les êtres particuliers, de telle sorte que les individus, identiques par leur Essence, ne différaient que par la variété des accidents ou formes passagères, et par conséquent, tous les êtres particuliers n'étaient que les formes d'une seule Essence'.

Ceux qui admettaient la seconde hypothèse étaient appelés Nominalistes ou Nominaux. Pour ceux-ci, le monde intellectuel disparaissait avec les Idées et les Essences de Platon, qui n'étaient plus qu'un ensemble d'abstractions de l'esprit humain. Le positif matérialiste se présentait souvent alors, avec toutes ses conséquen

1 Précis de Juilly, 269, 275.

ces. Le magnifique enseignement chrétien, refoulé par les systèmes païens, n'était pas admis comme Méthode philosophique. Il ne pouvait, dès-lors, donner la solution si simple de ces difficultés. L'esprit humain était entre deux impasses. Les Conceptualistes firent tant bien que mal une trouée pour le tirer d'affaire.

Dans l'Inde, la science humaine avait déjà longtems auparavant embrassé le Réalisme.

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Brahm renfermait en lui, de toute éternité, les Universaux, comme le Logos de Platon renfermait les Essences, ou plutôt, il était luimême les Universaux, et les Universaux étaient la seule réalité qui se trouvât dans les êtres individuels. Le reste était un nom, une illusion, Maïa. « Brahm est la Forme universelle, ou l'Universel » de la vérité, de la science, de la lumière', de l'Etre, du Bien, » de la puissance, de tous les actes, bons et mauvais, de tous les » Sens, de toute chose 2. Dans les objets de l'Art, les vases d'argile, » d'airain, d'or, il est la seule réalité ; dans les choses de la Nature, » les végétaux, les animaux, il est encore l'unique réalité. Leurs >> noms, leurs formes, ne sont qu'un mot, qu'un son, rien. Nomen » et pictura, ipsum hoc loqui purum est, et quidquam non est Les Universaux conduisaient naturellement aux Entités. L'Entité était un principe d'individuation, accolé à l'Universel et fondu dans lui, pour l'appliquer à la matière et former les êtres particuliers. L'Entité était le principe constitutif et la forme propre de l'individu. Elle était nécessairement antérieure à la formation des individus; car, comprend-on qu'avant le cheval, n'existât pas déjà la chevaléité; avant le tabac, la tabacité? Ce n'est pas possible. Elle était par là même éternelle. Car, est-il admissible que Dieu n'ait pas connu et possédé, de toute éternité, cette Entité quelconque. Il eût été alors privé d'une connaissance et d'une perfection. On retombait ainsi dans les Essences de Platon. En développant cette doctrine, Jean Scot et François de Maironis préparaient Nicolas de Cusa, Paracelse et Van-Helmont, qui eux-mêmes préparaient les pantheistes allemands. Tous ces philosophes du Moyen-Age Oupnek hat, t. ì, 173, 175, 176.

2 Ibid., 384, 303, 337, 254, 250, 304.

Ibid. 51, 53.

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