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Polémique catholique.

PHILOSOPHIE PERSONNELLE et PHILOSOPHIE TRADITIONNELLE

Mises en présence,

Ou défense de M. l'abbé MARET avec la réplique de M. BONNETTY. (Deuxième lettre de M. l'abbé Freppel.)

(Suite et fin1.)

8. S'il est vrai que dans nos écoles on sépare la philosophie de la

théologie.

D'abord, Monsieur, entendons-nous bien sur le sens de votre attaque. Voulez-vous dire qu'on enseigne dans les cours de philosophie catholique, que sans l'action sociale, sans l'excitation de l'enseignement et de la parole, on peut trouver Dieu, l'homme, ses devoirs, etc., avant d'en avoir eu la moindre connaissance préalable par la tradition? En ce cas-là, vous calomniez l'enseignement philosophique de nos écoles, et je vous défie de trouver une pareillle proposition émise et soutenue dans les livres ou cahiers de philosophie en usage dans nos cours; et si vous la trouviez quelque part, ce que je ne crois nullement, je vous déclare franchement que je ne me chargerai pas de la défendre.

M. l'abbé Freppel nous demande une chose que nous avons déjà prouvée cinquante fois ; il aurait beaucoup mieux fait de nous indiquer quelle est la philosophie de nos écoles qui pose comme préliminaire, comme base, comme principe la nécessité de recevoir la révélation extérieure et sociale. Qu'il nous en montre une seule, une seule. Les philosophies de nos écoles sont basées sur les idées innées, sur la raison spontanée de Descartes, sur l'intuition directe de Malebranche, sur la conscience, qui est, selon M. Maret, le Sinaï où Dieu nous révèle par l'idée toutes ses perfections; voilà la base de la philosophie que nous combattons, voilà celle qui est enseignée encore dans les écoles catholiques; nous défions M. l'abbé Freppel de nous en montrer une seule qui, depuis 400 ans, ne se soit appuyée sur ces principes. Ce n'est pas son opinion que nous demandons, ce sont des citations; nous lui indiquons en particulier la philosophie de Lyon, celle qui a formé à peu Voir le commencement au numéro précédent, ci-dessus, p. 297.

près toutes les jeunes générations actuelles de prêtres et de laïques catholiques; il ne faut aller ni à droite ni à gauche, il faut nous répondre si on le peut, il faut nous aider à combler cette lacune si elle existe.

Nous ajoutons, au reste, ce que nous disions dans le cahier de février: «Nous savons bien que cette morale que vous >> enseignez, vous ne l'avez ni inventée ni découverte, et que vous » la devez à la révélation extérieure; mais voilà ce que vous ne » voulez pas avouer; ce que vous me disputez ici; mettez-vous » donc d'accord avec vous-même (p. 139). »

Ou bien voulez-vous nous faire dire que, sans la révélation chrétienne, c'est-à-dire sans la théologie, proprement dite, l'homme aurait pu arriver à une connaissance de Dieu aussi complète que le comportent nos facultés dans leur état présent? Alors, ouvrez, je vous prie, la Théodicée de M. Maret (5 leçon, p. 107), qui ne doit pas vous être suspecte sur ce point, puisque vous y voyez le rationalisme à chaque pas, et vous y lirez la proposition contraire énoncée dans les mêmes termes dont je viens de me servir. La question ainsi dégagée de toutes les significations erronées qu'on pourrait y attacher, je vais vous indiquer l'unique sens dans lequel il vous est permis de la poser. Vous voyez, Monsieur, que je cherche, avant tout, à éviter les équivoques.

Toutes les fois que M. Freppel nous citera un texte précis, nous serons à notre aise, car alors nous saurons à quoi répondre : ici il nous cite la 5 leçon de M. Maret, p. 107, nous allons voir si M. Maret y admet la nécessité de l'enseignement extérieur. Cela ne sera ni long ni difficile. Ecoutons, et que M. Freppel écoute aussi : « Oui, l'idée de Dieu ou de l'infini est tout à fait primitive dans la » raison humaine, elle est un de ses élémens intégrans. » — Mais par qui a-t-elle été donnée? M. Freppel dit hardiment qu'elle a été donnée par la tradition, la révélation extérieure. M. Maret, au contraire, continue: « Elle a été donnée à la raison par la révélation » primitive et naturelle qui l'a constituée (p. 107).

Cela est bien clair, ce n'est pas la société, la révélation extérieure qui l'a donnée, c'est Dieu directement, c'est une idée innée, un des élémens intégrans, constituant l'âme humaine. Voilà donc le système de M. Freppel démenti; mais la société, que fait-elle? elle ne donne rien; on ne peut dire que nous ayons rien reçu d'elle, elle ne fait que le développer. En effet, M. Maret continue :

« Cette idée, comme toutes les autres, ne se DÉVELOPPE pas » dans l'homme sans le secours de l'action sociale, sans l'excitation » de l'enseignement et de la parole (p. 107). » Voilà la théorie de M. l'abbé Maret; que nos lecteurs nous disent si l'on trouve là cette nécessité de recevoir les notions de la société que M. Freppel assure être enseignée.

Ainsi donc, nous ne découvrons pas, surtout nous n'inventons pas, nous acceptons de la société chrétienne, au milieu de laquelle nous vivons, les notions qu'elle nous transmet sur Dieu, l'homme, ses devoirs, etc.; et nous constatons, en réfléchissant sur notre nature raisonnable, que plusieurs de ces vérités sont reconnues par la raison comme naturelles et nécessaires, et ces vérités, reçues du dehors, mais reconnues par la raison comme naturelles et nécessaires, nous les démontrons par des principes, et suivant des règles propres à notre nature raisonnable.

M. Freppel nous dit : « Nous acceptons de la société chrétienne » les notions qu'elle nous transmet sur Dieu, l'homme et ses de» voirs. »

M. Maret nous dit au contraire : « Ces idées nous sont données » par Dieu par une révélation intérieure, naturelle; l'enseigne»ment les excite et les développe. »

Nous avons déjà vu que de son côté le P. Chastel nous dit:

« Il n'est pas besoin d'une révélation (extérieure) pour con» naître la volonté de Dieu sur la morale, ni pour savoir ce qui est » bien, ce qui est mal en vertu de la loi naturelle. Cette loi pri» mordiale, gravée dans le cœur de chacun de nous, est promul» gué, par la voix de la raison et de la conscience1. »

Voilà la philosophie de nos écoles; que M. l'abbé Freppel en convienne, et ne vienne pas se récrier et nous dire, comme il le fait: Dans nos écoles, nous recevons notre morale du christianisme. Vous voyez bien que vos amis même vous démentent. Comment M. l'abbé Freppel ne vient-il pas à nous pour combattre cette funeste doctrine, et faire admettre de nouveau le Christ dans nos écoles, d'où on l'a chassé? Ah! c'est que cette école déplorable, que nous appelons école mixte, a brouillé et brouille encore toutes les notions, et a produit ainsi le chaos que l'on appelle philosophie.

Voir d'autres textes encore dans notre t. xix, p. 455.
Voir ses paroles dans notre n. précédent, p. 311.

Voilà, Monsieur, l'enseignement des cours de philosophie catholique; si vous n'en étiez pas suffisamment convaincu, je vous prierais de consulter les savans auteurs qui sont suivis dans nos écoles. Et maintenant, Monsieur, que la question est clairement posée, si vous continuez à prétendre que notre méthode n'est pas légitime, nous vous prions d'attaquer et de ruiner, pièce par pièce, toutes les démonstrations rationnelles par lesquelles nous établissons l'existence de Dieu, ses infinies perfections, la spiritualité de l'âme, etc., etc. Nous vous attendons là.

Hé! mon Dieu, ruiner toutes ces démonstrations, cela ne nous est pas difficile, nous n'avons qu'à continuer à citer votre ami M. l'abbé Maret. Vous venez de nous dire, que ces grandes vérités vous les avez reçues du dehors, que c'est la société qui les transmet, que vous en avez la connaissance PRÉALABLE par la tradition, etc., et que vous vous bornez à les démontrer. C'est notre système que votre cher ami M. l'abbé Maret pulvérise en ces termes, même page :

« Je sais bien, et je le répète à dessein, je sais bien que si nous » n'avions pas ANTERIEUREMENT et par une communication » divine (directe, intérieure) l'idée de Dieu, toutes ces démonstra» tions ne nous la donneraient pas (ibid.). »

Vous le voyez, Monsieur; vous, vous établissez la connaissance préalable de Dieu par la tradition, ― M. Maret établit la possession antérieure de Dieu, par la communication divine.

Répondez-moi directement: êtes-vous pour M. Maret ou pour la tradition?

9. Réponse aux demandes de M. Freppel, dans quel sens nous ne voulons pas que la philosophie soit séparée de la théologie. -`

Vous voyez done, Monsieur, dans quel sens nous séparons la philosophie de la théologie; voudriez-vous nous dire aussi clairement dans quel sens vous entendez mettre la théologie dans la philosophie? Est-ce la logique que vous songez à établir par la révélation, les règles d'Aristote par les textes de l'Écriture? Serait-ce l'analyse des facultés de l'âme que vous chercheriez dans les livres de l'Ancien et du Nouveau-Testament, ou bien les notions abstraites de la métaphysique générale? Essaieriezvous peut-être de prouver aux athées l'existence de Dieu par la parole de Dieu ? Voulez-vous vous engager dans ce cercle vicieux? Je vous y attends. Croyez-moi, Monsieur, laissez la philosophie séparée de la théo

logie; suivez avec nous la tradition, écoutez la voix des pères, des docteurs, de tous les théologiens catholiques qui ont toujours enseigné que la raison conduit l'homme à la foi, que la philosophie est une introduction à la théologie, et ne confondez pas l'une avec l'autre; gardez-vous bien de ruiner la raison, vous ruineriez du même coup la révélation. Or, c'est là, Monsieur, précisément ce que vous faites; c'est mon dernier point. Notre réponse aux questions de M. l'abbé Freppel sera claire et courte. Il opère encore un volte-face complet, pour faire une promenade hors de la question. Jusqu'à ce moment, en parlant de philosophie, lui-même n'a parlé que des grandes vérités, Dieu, l'homme, le devoir, la société (voir page 338, lig. 9, ci-dessus); nousmêmes nous avons répété à satiété, que lorsque nous refusions à l'homme l'invention des vérités, nous entendions seulement et expressément le dogme et la morale, ce qu'il faut croire et ce qu'il faut faire. Et maintenant M. Freppel fait consister la philosophie, dans la logique, la dialectique, le syllogisme, tous ces petits amusemens inventés par les hommes. Nous répondons donc nettement : oui, l'homme a pu inventer tout cela; oui, la philosophie a pu inventer cela; oui, tout cela peut être séparé de la théologie. — Mais vous, revenez à la question, revenez au dogme, et à la morale. Je le sais, vous, vous êtes de notre opinion, vous avez dit : notre morale, nous la tenons du Christianisme; en cela vous êtes de notre avis, point de discussion entre nous. Mais M. l'abbé Maret dit: « je sais bien que si nous n'avions pas antérieurement, et par une » communication divine, l'idée de Dieu, la démonstration ne nous » la donnerait pas. >> « Et le P. Chastel dit: la loi mo» rale, gravée dans le cœur de chacun de nous, est promulguée par » la voix de la raison et de la conscience (ci-des. p. 338). »Je vous le demande, est-il permis à ces messieurs de séparer ainsi ce dogme et cette morale de la théologie? Répondez à cette question que je mets devant vous, répondez-y directement; vous avez pris la défense de ces messieurs, c'est à vous à répondre à leurs paroles, au lieu de parler de vos opinions personnelles. — Au reste vous ne voyez pas vous-mêmes que vous vous coupez dans vos paroles: vous nous dites: « laissez la philosophie séparée de la théologie, suivez avec nous la tradition. » Une philosophie qui suit la tradition n'est

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