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embrasser les qualités qui constituent un mot, une idée, une chose. Voilà le sens à la fois le plus naturel et le plus général du mot conception. Lorsque donc nous disons que nous concevons Dieu ou l'idée de Dieu, car c'est tout un, nous voulons faire entendre que nous embrassons, que nous réunissons en une seule et même notion toutes les propriétés essentielles de I'Ère souverain. Ce sens est tellement naturel et commun, que l'on appelle, , par exemple: un triangle carré, une chose inconcevable, parce qu'il est impossible de comprendre, de réunir, dans une seule et même notion, la qualité d'ètre une figure carrée et celle d'être en même tems une figure triangulaire.

1° Nous signalons aux philosophes et aux théologiens cette expression de M. Freppel, Dieu ou l'idée de Dieu, c'est tout un. Notez qu'il s'agit ici de l'idée humaine de Dieu. Idée, jusqu'à ce jour a voulu dire image (tidɛx), en sorte que Dieu ou son image, c'est tout un. Nous le répétons, nous signalons cette doctrine aux théologiens, nous en demandons pardon à M. Freppel, mais nous croyons qu'il fait en cela de la philosophie quelque peu allemande et panthéiste, et non de la théologie chrétienne. Quant à l'étymologie de cum-capere, c'est nous même qui l'avons indiquée à nos lecteurs'; mais nous avons ajouté que l'on en faisait un mauvais usage, que les philosophes nous donnaient de mauvaises conceptions de Dieu; qu'un professeur de la faculté de théologie de Paris nous avait donné sur Dieu des conceptions qu'il avait été obligé de biffer, et nous ajoutions qu'il fallait donc abandonner cette méthode. Que M. Freppel réponde à cela, au lieu de redire ce que nous avions dit à nos lecteurs.

Et vous voudriez nous faire bannir du langage philosophique cette expression si juste et si claire, sous le frivole prétexte que M. de Lamennais, M. Cousin et M. Saisset, y attachent une signification dangereuse et erronée? Mais ne voyez-vous pas qu'en y allant de la sorte, vous nous mettrez dans l'impossibilité absolue d'énoncer nos idées; car je vous défie de vous servir d'un terme de philosophie dont on ait plus ou moins, de nos jours, dénaturé le sens; et tout d'abord, Monsieur, je vous engage à bien vous garder d'employer le mot philosophie, car vous conviendrez avec moi, qu'on en fait journellement un abus étrange. Espérons, Monsieur, que vous ne reviendrez plus là-dessus et que vous nous passerez désormais le mot de concept, conception, concevoir, comme expriVoir notre tome xx, p. 380.

mant clairement notre idée et ne renfermant nullement en soi l'erreur d'autrui.

Nous n'avons qu'à répondre une chose: M. l'abbé Freppel dit que le mot conception est une expression juste et claire, qu'elle exprime clairement l'idée chrétienne; eh bien ! qu'il nous réponde clairement: oui ou non, la conception que M. l'abbé Maret a eue de Dieu, est-elle légitime? si elle ne l'est pas, qu'est-ce qui lui a manqué? quand il l'a réformée, est-ce par une conception nouvelle, ou est-ce par un retour aux enseignemens de la tradition? Si la première conception de M. Maret est légitime, pourquoi celles de MM. Cousin, Saisset ne le sont-elles pas ? Il n'y a pas moyen d'échapper à ces conclusions. Au reste, les difficultés que suscite ici M. Freppel sont imaginaires; oui, il est des termes, des mots, des expressions qui ne donnent lieu à aucun danger, et qu'il faut pure. ment et simplement conserver et ne jamais changer. Ce sont les termes consacrés par l'Eglise. «Employez la forme des saines paroles que vous avez apprises de moi dans la foi1, vous dit saint Paul, et ne bataillez pas, M. l'abbé, pour introduire des expressions nouvelles, apprises dans la philosophie.

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Voilà la voie, la règle infaillible, et je m'étonne d'avoir à défendre cette doctrine contre des théologiens.

2. M. Freppel soutient que l'esprit humain est une participation de la raison divine. — Entorse donnée au texte de saint Thomas; dans quel sens il s'est servi du mot participation.

Vos concessions méticuleuses, à l'endroit des rationalistes, vous portent également à jeter l'anathème sur d'autres expressions non moins innocentes. Vous ne voulez pas qu'on attribue à l'esprit humain une participation de la raison divine, car d'après vous, ce serait s'établir dans un état surnaturel. Pensez-vous que saint Thomas nous établissait dans un état surnaturel, quand il disait que la lumière naturelle de la raison est une participation de la lumière divine (Pars prima, qu. XII, art. XI, ad tertium)? Pourquoi préférez-vous rejeter cette expression parce qu'elle est employée par M. Saisset, que de l'admettre parce que saint Thomas et les théologiens s'en servent? Vous qui êtes si fidèle à la tradition, tenezvous en donc aux termes qu'elle consacre.

Nous l'avouons, en présence d'une société où règne cette grande 1 Formam habe sanorum verborum, quæ à me audisti in fide et dilectione. 1 Tim., 1, 13.

hérésie que l'esprit humain est une part, une participation, une émanation (au sens propre) de la raison de Dieu, expressions qui expriment le Panthéisme, contre lequel se sont élevés tous les conciles qui viennent de se tenir dans l'Eglise, et les Bulles du chef de la chrétienté, nous croyions qu'il suffisait d'indiquer ces corrections à faire dans les expressions de nos livres classiques pour que des chrétiens, des théologiens en reconnussent la nécessité. Quant aux scholastiques qui ont pu s'en servir, nous avions dit avec Merchior-Canus que « ces théologiens, s'ils vivaient de notre tems, ne » s'en serviraient plus1. » C'est donc avec un étonnement profond que nous voyons M. l'abbé Freppel, sans répondre à aucune de nos observations, soutenir que l'on peut continuer à se servir, dans les écoles catholiques, d'expressions qui sont les formes de l'erreur et de l'hérésie. Pour toute réponse, il nous indique saint Thomas. Nous répondons d'abord que saint Thomas n'est pas l'Eglise, que l'Eglise a défini que l'esprit humain est créé, qu'une création n'est pas une participation, une émanation, et qu'ainsi il faut abandonner les expressions de saint Thomas pour suivre l'Eglise qui, seule, a la forme des saines paroles. — Voilà notre réponse.

Mais est-il bien vrai que saint Thomas se soit servi des expressions absolues que lui attribue M. l'abbé Freppel? Eh bien ! non. Nous le disons avec peine, nous sommes attristés de nous voir dans notre polémique avec M. l'abbé Maret, avec le P. Chastel, avec M. Freppel, obligé de signaler de fausses citutions dans les autorités qu'ils alléguent. Nous avons déjà eu la douleur de les indiquer pour M. l'abbé Maret et pour le P. Chastel; nous le faisions remarquer dans la page même citée ici par M. l'abbé Freppel (p. 132), et le voilà, lui-même, tronquant saint Thomas à son avantage. Saint Thomas, en effet, ne dit point que « la lumière naturelle de la raison est une participation de la lumière divine; mais une espèce de participation, une certaine (quædam) participation 2. Dans une discussion semblable où il s'agit de la rigueur des termes, sup→ primer celui qui âte à un mot son sens absolu, c'est le tronquer

Voir ce texte dans notre tome xII, p. 48 (3o série).

2 Nam et ipsum lumen naturale rationis participatio quædam est divini luminis. Dans l'édition de Migne, t. 1, p. 553.

et tromper son lecteur. Saint Thomas a très-bien établi ailleurs quelle était cette sorte de participation: c'était une participation de ressemblance, ce qu'il répète je ne sais combien de fois. Et voyez comme c'est un parti pris que de faire de saint Thomas un rationaliste panthéiste, c'est que M. l'abbé Maret, citant ces dernières expressions de saint Thomas, a grand soin de les tronquer; ainsi saint Thomas dit : Rien n'est bon ou désirable, si ce n'est » en tant qu'il participe à la ressemblance de Dieu. » Ce que M. Ma»ret traduit par ces paroles: «Tout être en jouissant du bonheur, >> auquel il est appelé, participe à Dieu1; » et pourtant le mot ressemblance est ici le mot propre, l'expression exacte : car toute ressemblance exclut la réalité ; c'est le mot de la Bible: faits à l'image et à la ressemblance de Dieu. Pourquoi M. l'abbé Freppel supprime-t-il le mot quædam, pourquoi M. Maret supprime-t-il similitudo? notre raison s'y perd. Si quelqu'un le sait, qu'il nous le dise.

Et puis, voyez, quand le même M. Maret voudra exposer l'erreur des panthéistes, il leur reprochera de se servir de quel terme? du mot même de participation; ceci est éminemment curieux pour prouver la confusion qui règne dans nos écoles catholiques; écoutez: «Passons sur toutes ces contradictions des panthéistes, qui >> infligent au sens humain et à la logique le plus grand outrage; » il faut aller plus loin encore; il faut dire que le monde est de » soi, qu'il est par soi, qu'il est sa cause à lui-même. Participant à » la substance divine, il possède nécessairement ce dernier attri>> but.» Et ailleurs : « Le dogme chrétien repousse..... toute parti»cipation à la substance divine 2.» Ainsi, le mot participation est blåmable dans les panthéistes, et cependant c'est celui qu'enseignent à la jeunesse chrétienne, des professeurs tels que M. l'abbé Maret et M. l'abbé Freppel. Si ce n'est pas là la confusion et le chaos, l'on nous dise où ils sont.

que

1 Quia nihil habet rationem boni aut appetibilis, nisi secundùm quod participat Dei similitudinem. Summa theol. M. Maret citant ces paroles, ne donne pas d'autre indication. Nous sommes forcés de les prendre sans les vérifier.

2 Théodicée chrétienne, p. 332 et 335, 1" édition.

Voilà pour un premier passage de saint Thomas. Venons à un

autre passage,

3. Si saint Thomas a bien fait de se servir du mot émanation pour exprimer la création, et si c'est une définition qu'il faut admettre.

Si vous vous contentiez de dire que ces démonstrations sont quelque peu hardies et ne laissent pas que d'avoir besoin d'interprétation, vous diriez une chose très-raisonnable, sur laquelle tous les théologiens seraient d'accord; car enfin, Monsieur, vous devez savoir aussi bien que moi qu'il n'y a pas en philosophie une seule proposition qui puisse se passer de toute explication quelconque. Mais de vous transformer en rationaliste, en panthéiste, par cela seul qu'on avance une expression sujette à divers sens, c'est procéder, à mon avis, d'une manière fort légère dans une matière très-grave. Je m'étonne, Monsieur, qu'en vous piquant d'une attention si scrupuleuse à suivre en tout point la tradition, vous n'ayez pas vu que votre accusation retombe sur les auteurs les plus estimés de l'antiquité catholique. Ainsi, trouvez-vous une expression assez forte pour blâmer le grand docteur, auquel je me plais toujours à vous ramener, puisque vous faites si bon marché des docteurs catholiques qui ont brillé dans nos écoles depuis 400 ans? Saint Thomas ose répéter, jusqu'à satiété, que la création est une émanation de la cause universelle (Pars prima, qu. XLV, art. 1). En ferez-vous un panthéiste? Il serait possible, en effet, que Spinoza eût puisé son panthéisme dans saint Thomas comme le Rationalisme moderne a puisé ses erreurs dans les cours de philosophie du clergé de France. Monsieur, y avez-vous pensé?

Nous laissons d'abord à nos lecteurs le soin de juger si l'on doit appeler seulement hardie le mot participation de la raison divine, que MM. les professeurs blâment dans les rationalistes, et nous en arrivons de suite au mot émanation, pour exprimer la création. Nous croyions jusqu'à ce jour qu'il y avait des mots qui emportaient leur signification propre; parmi ces mots, nous rangions celui d'émanation, qui exprime et par sa force naturelle et par la convention de tous les auteurs la grave erreur orientale, et maintenant occidentale et contemporaine, du panthéisme; tous les professeurs que nous avons connus jusqu'à ce jour, plus de vingt évêques, tous les hommes de sens, ont pensé qu'il fallait bannir cet enseignement des écoles catholiques. Nous espérons les voir nommément proscrits par quelques uns de nos conciles, dont les actes vont être publiés. Sur notre observation, un vénérable prélat,

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