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nous voir user à la science nos jours et nos nuits? Pensez-vous que la société elle-même ne s'inclinerait pas alors respectueusement devant nous, touchée de tant de dévouement et d'héroïsme? Les philosophes de la Constituante eux-mêmes n'hésitèrent-ils pas devant la proscription de certains ordres religieux, par respect pour leur science et leurs travaux?

Autrefois, pour se rassurer contre les périls de la route, le voyageur se disait : « Il est minuit; soyons sans crainte : nos frères de » Cîteaux prient pour nous! » Ah! pourquoi de nos jours, le chrétien, au milieu des perplexités et des doutes qui l'assiégent sur le chemin de la vie, ne peut-il pas se dire aussi : « Soyons sans crainte, » même au sein de la nuit, même lorsque des ténèbres envahis>> sent mon âme ! les ministres de la vérité travaillent pour moi, » jusqu'aux dernières lueurs de leur lampe épuisée ! ils travaillent » à dissiper mes doutes, et à fortifier ma foi; soyons sans crainte!» L'abbé C.-M. André.

IV° SÉRIE. TOME I. N° 4; 1850. (40 vol. de la coll.)

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Traditions anciennes.

RÉCITS BIBLIQUES TRAVESTIS PAR LA FABLE,

Deuxième Article 1.

OEDIPE ET SES FILS (Suite).

IV.

Repas préparé par Jacob et Esau à leur père Isaac.

Repas préparé par Polynice et Étéocle à leur père OEdipe. Nous avons déjà vu les deux fils d'Isaac, ainsi que les deux fils d'OEdipe, irrités l'un contre l'autre, pour ainsi dire, dès le sein de leur mère. Nous avons vu Jacob le plus jeune, se dérober par la fuite à la fureur de son frère Esau, qui fait entendre des menaces de mort; et Polynice le plus jeune, se dérober également par la fuite à la colère de son frère Etéocle. Esaü l'aîné, se plaint à son père Isaac de se qu'il a donné sa bénédiction à son frère cadet, et de ce que celui-ci par surprise, l'a privé de son droit d'aînesse 2. Etéocle l'aîné, se plaint également de voir ses droits méconnus, et il refuse de céder à Polynice son frère cadet, la couronne qu'il prétend n'être due qu'à lui seul 3.

Il est facile de comprendre que les mythologues n'ont imaginé cette prétendue haine entre les deux fils d'OEdipe, que d'après ce qu'ils ont lu ou entendu dire au sujet de la division entre les deux ́fils d'Isaac, sur leurs droits respectifs. Poursuivons le parallèle, et nous aurons sous les yeux de nouvelles ressemblances véritablement frappantes entre l'histoire et la fable. A travers les altérations et les fictions des poètes, nous découvrirons des vestiges précieux de la vérité défigurée par l'imagination ou l'ignorance. Revenons sur nos pas, ct racontons la manière insidieuse dont Jacob, aidé de sa mère Rebecca, surprit la bénédiction de son père Isaac; 1 Voir le 1 article au n° 120, tome xx, p. 405.

1 Gen., ch. xxvii, 36.

'Euripid., Phénicien., v. 74-77.

nous trouverons dans le récit de la Bible, la véritable source des imprécations d'OEdipe contre ses fils, l'origine du repas qu'ils lui préparent et jusqu'à la coupe remplie de vin, que présente Polynice à son vieux père. Que le lecteur nous permette de placer sous ses yeux les textes sacrés et les textes des poètes, auxquels nous ajouterons quelques observations, il pourra ainsi juger en parfaite connaissance de cause.

Textes de l'Écriture.

Isaac vieux et aveugle, dit à son fils Esau :

« Prenez (je vous prie), vos armes, votre carquois et votre arc, >> allez dans les champs, et prenez-moi quelque gibier. Faites m'en >> un ragoût comme (vous savez) que je l'aime, et apportez-le moi, » afin que j'en mange et que je vous bénisse avant que je meu>> re1. >>>

Rebecca entendant ce qu'Isaac disait à Esau, ordonne à Jacob d'aller choisir dans le troupeau deux chevreaux bien gras. Celui-ci les apporte à sa mère, qui en prépare des ragoûts pour son mari. Elle prend les beaux habits de son fils aîné, qu'elle gardait au logis, en revêt Jacob. Elle couvre avec les peaux des chevreaux, ses mains et son cou qui était sans poil, et lui ordonne de présenter les ragoûts préparés à Isaac qui, trompé par la ruse de Rebecca, bénit Jacob, croyant bénir Esau.

<< Isaac avait à peine achevé de bénir Jacob... qu'Esaü son frère » vint de la chasse. Il apprêta aussi un ragoût, le porta à son père, » et lui dit : levez-vous, mon père, et mangez de la chasse de vo> tre fils, afin que vous me donniez votre bénédiction. Isaac son » père lui dit : Qui êtes-vous donc? Esaü lui répondit: Je suis vo> tre fils, votre fils aîné Esau. Isaac frappé du plus profond éton» nement, lui dit : Qui est donc celui qui m'a (déjà) apporté de ce » qu'il avait pris à la chasse? J'ai mangé de tout avant que vous » vinssiez, et je lui ai donné ma bénédiction, et il sera béni. Esaü » à ces paroles jeta un cri très grand et très amer, et il dit à son 1 Sume arma tua, pharetram et arcum, et egredere foras: cumque venatu aliquid apprehenderis, - fac mihi indè pulmentum sicut velle me nosti, et affer ut coinedam : et benedicat tibi anima mea antequam moriar (Gen., XXVII, 3, 4).

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» père donnez-moi aussi votre bénédiction, mon père. Isaac ré>>pondit : votre frère m'est venu surprendre, et il a reçu la béné» diction que je vous destinais. C'est avec raison, dit Esaü, qu'il a » été appelé Jacob, car voici la seconde fois qu'il m'a supplanté. » Il m'a enlevé mon droit d'aînesse, et présentement il vient en» core d'enlever la bénédiction qui m'était destinée. Ne m'avez» vous point, ajouta-t-il, réservé de bénédiction? Isaac lui répon» dit: Je l'ai établi votre seigneur... Vous vivrez de l'épée, vous » servirez votre frère, et le tems viendra que vous secouerez son » joug, et que vous vous en délivrerez. Esaü fut donc toujours en» nemi de Jacob à cause de cette bénédiction qu'il avait reçue de >> son père, et il disait en lui-même : le tems de la mort de mon » père viendra, et alors je tuerai mon frère Jacob 1 (traduct. de » Le Gros!. »

Textes des poètes.

1

Le fragment que nous citons, est tiré d'un poëme grec intitulé : Thébaïde ou Expédition d'Amphiaraüs.

» Le noble héros Polynice à la blonde chevelure, commence par >> dresser, pour OEdipe, la magnifique table d'argent du sage Cad>> mus; ensuite il remplit une riche coupe d'or d'un vin généreux. » Mais dès qu'OEdipe s'aperçut qu'on avait placé devant lui les dons » précieux et vénérés de son père, il entra tout à coup dans les » transports d'une colère violente, et prononça contre ses deux fils >> les plus terribles imprécations: que loin de se partager paisi>> blement l'héritage paternel, s'écrie-t-il, ils se déchirent dans de » sanglans combats 2.»>

1 Gen., xxvii, 30, 40. Pour ne pas rendre cet article trop long, nous omettons le texte latin de la Vulgate que chacun peut aisément consulter.

2

Αὐτὰρ ὁ διογενὴς ἥρως ξανθὸς Πολυνείκης

πρῶτα μὲν Οἰδίποδι καλὴν παρέθηκε τράπεζαν,
ἀργυρέην, Κάδμοιο θεόφρονος. αὐτὰρ ἔπειτα
χρύσεον ἔμπλησεν καλὸν δέπας ἡδέος οἴνου.
Αὐτὰρ όγ' ώς φράσθη παρακείμενα πατρὸς ἑοῖο
τιμήεντα γέρα, μέγα οἱ κακὸν ἔμπεσε θυμῷ
αἶψα δὲ παισὶν ἑοῖσι μετ' ἀμφοτέροισιν ἐπαρά;

Le scholiaste de Sophocle cite encore un fragment du même poème (la Thébaïde), et nous apprend qu'Étéocle et Polynice avaient coutume d'envoyer à leur père un morceau de l'épaule de chaque victime qu'ils immolaient; qu'un jour par négligence, ou pour tout autre motif, ayant dérogé à cet usage, ils lui envoyèrent une partie de la cuisse. Alors celui-ci, croyant que ses enfans le méprisaient, ayant l'esprit affaibli par l'âge et ne comprenant pas la portée de ses paroles, prononça contre eux d'affreuses imprécations. C'est ce que raconte en ces termes l'auteur de la Thébaïde :

« Dès qu'il (OEdipe) vit la cuisse, il la jeta par terre, et prononça >> ces paroles: Malheur à moi! mes fils m'ont envoyé cette partie » de la victime en signe de mépris. Et il demanda à Jupiter, roi » des Dieux et aux autres immortels, de les faire descendre dans » le Tartare, après s'être mutuellement donné la mort 2. >>

Ajoutons maintenant quelques observations.

1° Ces paroles d'Isaac à Esaü : «le tems viendra que vous secoue» rez son joug et que vous vous en délivrerez, » donnent clairement à entendre que la domination de Jacob ne devait pas durer toujours. N'est-il pas probable qu'elles ont fait inventer aux poètes la prétendue convention, d'après laquelle les deux fils d'OEdipe devaient alternativement occuper le trône une année chacun ?

2o Nous voyons dans la Bible les deux frères Jacob et Esau, préparer le repas de leur père Isaac, et dans la mythologie, les deux frères Polynice et Etéocle préparer le repas de leur père OEdipe.

3o Jacob, le cadet, présente la coupe pleine de vin à Isaac 3.

ἀργαλέας ἠρᾶτο· θεὸν δ ̓ οὐ λάνθαν' ἐρινῦν,

ὡς οὐ οἱ πατρώϊ' ἐνηείη φιλότητος

δάσσαιντ', ἀμφοτέροισι δ' ἔοι πόλεμοί τε μάχαι τε.

Cycli fragmenta, dans l'Homère de Didot, p. 587.

Schol., Sophocl., Edip.-Col., 1377.

2

Ἰσχίον ὡς ἐνόησε, χαμαὶ βάλεν, εἶπε δὲ μῦθον·

ὤ μοι ἐγὼ, παῖδες μὲν ὀνείδειον τόδ' ἔπεμψαν.

Εὗκτο δὲ Δὶ βασιλῆν καὶ ἄλλοις ἀθανάτοισιν,
χερσὶν ὑπ' ἀλλήλων κατασήμεναι είδος εἴσω.

(Ibid.)

* (Jacob) obtulit ei etiam vinum, quo hausto, etc. (Gen., xxvII, 25).

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