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cette unité, cette identité, il l'exprima par la formule mathématique de l'équation parfaite: A=A. Fichte, déjà, leur en avait donné l'exemple. Il tapisse de l'identité le fond de la connaissance humaine, il en fait la base et le fondement de la philosophie. Le moi est moi, ou mieux encore, moi-moi, voilà la proposition qui exprime le mieux cette identité, où l'objet du moi, les actes du moi, les limites mêmes du moi, tout est moi. C'est là le premier principe de toute connaissance. Ici, on peut dire, moi seul est existant, ni Brahmâ ni rien de ce qui est à Brahmâ n'existe 2.

En remontant la chaîne des tems, de Spinosa à Jordan-Bruno, Amaury de Chartres, Scot-Erigène, jusqu'aux Néo-platoniciens, Proclus, Plotin, etc., jusqu'aux Eléates métaphysiciens, partout vous trouverez le même principe constitutif de la science. En examinant même les œuvres de Platon, d'Aristote, d'un grand nombre de scholastiques du moyen-âge, de Descartes, de Malebranche et même de Bossuet et de Fénelon, vous l'y distinguerez d'une manière plus voilée peut-être, mais vous l'y distinguerez.

Mais c'est dans l'Inde qu'il faut remonter pour le trouver dans son haut et puissant domaine. C'est là qu'il trône, illâ se jactat in aula. «L'objet, dit le traducteur lui-même de l'Oupnek hat, l'acte » et l'organe de la pensée sont identifiés dans l'homme comme le >> sujet et l'objet sont identifiés, unifiés dans la nature. » D'après ce principe «celui qui comprend Dieu, devient Dieu ".» « Il n'y a » pas de grandeur supérieure à la science de Dieu, car celui qui sait >> Dieu devient Dieu, et ce qu'il comprend devient sa propre forme : » Deus sciens, Deus est, et ille quem intelligit, forma ejus factus est 3.» C'est par ce principe que les trois célèbres Gounas ou qualités, Satwa, Radja, Tama, ne sont d'abord que de simples qualités ou modes des êtres, puis ces qualités sont des idées, les idées deviennent des actes, les actes se changent en facultés, les facultés se mé

Barchou, t. 11, p. 28.

2 Íbid., t. 11, p. 340 à 345.

Anquetil-Duperron. Oupnek hat, Annotationes, t. 1, p. 468.

4 Oupnek hat-mandek. Brahmen, LXXXIII.

5 Oupnek hat-brehdarang. Brahmen, XLIV.

tamorphosent en substances, en personnes, et même en personnes divines; c'est le fameux Trimourti, Brahma, Vichnou, Siva; puis enfin Brahma, Vichnou, Siva se fondent et s'anéantissent dans le sein de Brahm'. Il faut voir cette fécondité, cette germination infinie de Brahmes, ce luxe tout oriental de combinaisons, d'applications diverses des trois qualités. L'unification, l'identification absolue de tous les êtres, en religion comme en philosophie; voilà le but suprême de la science et même de la vie humaine. Le principe d'identité en est le moyen.

Il faut le dire à la louange des Indous, s'ils ont eu le mérite d'inventer le principe d'identité, eux seuls aussi ont eu le mérite d'y demeurer fidèles et d'y être conséquents. L'absorption pleine et entière, l'annihilation complète dans le sein de Brahm, ou de la substance panthée, voilà la conséquence nécessaire de ce principe, eux seuls l'ont tirée; voilà le terme inévitable, eux seuls l'ont atteint. Les Grecs, les Alexandrins, les Allemands, les Français n'ont admis l'identité, si j'ose dire, qu'avec la réticence mentale de l'inconséquence. Ce sont des faibles qui reculent ou des peureux qui fuient. S'ils sont asssez fous, dit Montaigne, ils ne sont pas assez forts. Ils disent, a dit la suprême vérité descendue sur la terre, ils disent, mais ils ne font pas 2. On dirait que le Rationalisme est l'art de dissimuler sa pensée, de poser des principes et d'en voiler les conséquences.

Pour être conséquent en effet, le philosophe qui admet le principe d'identité doit réaliser tous les objets de sa pensée et même de son imagination, semblable à ces hommes livrés à l'action de l'opium, qui, réalisant des fantômes, sont tout-à-coup transportés au milieu de la cour des sultans, voient les princes se prosterner à leurs pieds, les armées obéir à leurs ordres, les peuples se ranger sur leur passage. Tantôt ils se promènent sur des rives enchantées ou dans des bosquets parfumés au doux bruit des cascades et

1 Colebrooke, Essai sur la philosophie des Védas, p. 17, 18, 19, 30, 31, etc. Oupnek❜hat-mitri. Brahmen, LXVI, LXVII, et passim. Annotationes (Anquetil-Duperron), 590, passim.

2 Dicunt enim et non faciunt. Matth., XXIII, 3.

des doux chants des oiseaux; tantôt couchés mollement sur des sophas, dans les divans dorés, ils savourent avec délices dans des festins splendides les mets les plus délicats.

On m'élit roi, mon peuple m'aime;

Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant;

Mais le bon sens fait-il que je rentre en moi-même ?-Et le reste. Ce n'est pas assez de réaliser l'objet de la pensée, il faut encore s'identifier avec lui. Le philosophe qui admet le principe d'identité doit être tout ou n'être rien, ce qui revient à peu-près au même. Tantôt avec Fichte il absorbera Dieu, la Nature, l'Humanité, et le Moi seul restera debout sur les débris des mondes et des cieux. Tantôt avec le Sanyâssi il se perdra, il s'absorbera dans la Nature pour s'absorber ensuite avec elle dans le sein de la Divinité.

C'est ainsi que la science humaine, en se plaçant au point de vue de l'homme, obtient les mêmes résultats qu'en se plaçant au point de vue de Dieu. Le Rationalisme part des mêmes principes que le Panthéisme et aboutit aux mêmes conséquences. Le rationalisme n'est qu'un panthéisme déguisé. La Raison pour lui n'est plus Dieu face à face et à découvert, c'est Dieu sous l'enveloppe, Dieu constitué bizarrement dans le mécanisme de l'âme, mais c'est toujours Dieu. J'oserai dire même qu'elle est triplement Dieu, puisque composée avec l'infini, l'indéfini et le fini, Dieu est tout entier dans l'infini, tout entier dans l'indéfini et tout entier dans le fini, dont il est l'unique réalité.

Voilà les conséquences nécessaires de l'identité; si tous n'en arrivent pas là, c'est qu'ils se sont échappés par la porte dérobée de l'inconséquence. « Celui, dit le célèbre Anquetil Duperron dans » ses Annotationes sur l'Oupnek' hat, celui qui examinera attentive» ment la méthode, les principes, les conséquences d'Emmanuel » Kant, trouvera peut-être qu'il ne s'éloigne pas beaucoup de la > doctrine des Brahmanes 1. » Et après avoir constaté la ressemblance parfaite des deux doctrines sur un grand nombre de points, il ajoute : « Pour moi j'invite les philosophes allemands, partisans » de Kant, tels que Fichte, Rainhold, Bardili, etc. (Il eût ajouté » M. Cousin, s'il eût été sur la scène alors), à sonder, à approfon

1 Oupnek❜hat, Annotationes, p. 711.

» dir, avec toute la force du génie, dont ils sont capables, les secrets >> de l'Oupnek'hat. Ils y puiseront une exposition plus claire peut>> être et plus profonde de leurs opinions..., si toutefois ils ne re» culent pas devant de dures conséquences 1. » — Ils ont reculé.

Pour nous, nous ne reculerons pas ; nous tâcherons de tirer les principales conséquences de ce système; et nous recueillerons à travers les tems celles qu'en ont tirées les différens auteurs.

Que dire maintenant des philosophes catholiques qui ont pu admettre parfois ce principe d'identité, comme paraissent l'avoir fait Bossuet, Fénelon et plusieurs autres ? C'est que ce n'était de leur part qu'une distraction. Au simple avertissement donné par un ami ou insinué par une conséquence un peu louche, ils eussent jeté loin d'eux ce principe en souriant de la surprise ou en gémissant des faiblesses de l'esprit humain. Un moment de sommeil du génie n'est pas imputable. Je ne l'incrimine pas, mais je le noterai comme funeste. Il ya tant d''intéressés à soutenir qu'il était éveillé! Quant aux philosophes catholiquss de notre époque, après l'application de ces funestes principes, après la ruine de la foi, produite dans les âmes, ils sont coupables et inexcusables de persévérer dans ces aberrements.

L'abbé GONSAGUE,
Professeur de Philosophie.

* Oupnek hat, Annotationes, p. 722.

Archéologie.

DICTIONNAIRE DE DIPLOMATIQUE,

OU

COURS PHILOLOGIQUE ET HISTORIQUE
D'ANTIQUITÉS CIVILES ET ECCLÉSIASTIQUES1.

LÉRINS (Les Religieux de). - Les Iles de Lérins sont deux îles sur la côte de Provence vis-à-vis de Cannes, vers Antibes. On ne doute presque pas que Lero, dont il est parlé dans les anciens géographes, ne soit la grande de ces deux îles, nommée aujourd'hui Ste-Marguerite, et que Planasia, ou Lérina, ne soit la petite, dite île Saint-Honorat, parce que ce saint y fonda le monastère, qui y subsistait encore en 1789.

Saint Honorat était fils, selon le sentiment de quelques-uns, d'un roi de Nicomédie, et selon d'autres, d'un souverain de Hongrie, ce qui paraît peu vraisemblable. Plusieurs le croient natif de Bourgogne, et les autres enfin d'Arles, ce qui semble plus sûr. Après avoir été élevé dans le paganisme jusques à la fleur de son âge, il se convertit et reçut le baptême malgré l'opposition de son père et de toute sa famille. Dès-lors il entra dans la voie étroite de l'Evangile, et pratiqua de rigoureuses mortifications. Un de ses frères, nommé Venantius, imita son exemple. Après avoir distribué leurs biens aux pauvres, ils se mirent sous la conduite d'un homme nommé Capraise, qui demeurait dans les Iles de Marseille. Ils entreprirent avec lui un voyage, et demeurèrent quelque tems en Achaïe. Venantius mourut à Méthone, et Honorat revint en Provence. Par le conseil de saint Léonce, évêque de Fréjus, il se retira dans l'Ile de Lérins, d'où il chassa les serpents qui la rendaient inhabitable. Il y fit couler une fontaine d'eau douce

1 Voir le dernier article au no précédent, tome xx, p. 428.

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