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IPHIGÉNIE,

TRAGÉDIE.

1674.

Sebrany
H & Theme

1-28-41

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PRÉFACE.

Il n'y a rien de plus célèbre dans les poëtes que le sacrifice d'Iphigénie : mais ils ne s'accordent pas tous ensemble sur les plus importantes particularités de ce sacrifice. Les uns, comme Eschyle dans AGAMEMNON, Sophocle dans ÉLECTRE, et, après eux, Lucrèce, Horace, et beaucoup d'autres, veulent qu'on ait en effet répandu le sang d'Iphigénie, fille d'Agamemnon, et qu'elle soit morte en Aulide. Il ne faut que lire Lucrèce, au commencement de son premier livre :

Aulide quo pacto Triviaï virginis aram
Iphianassaï turpârunt sanguine fœdè
Ductores Danaûm, etc.

Et Clytemnestre dit dans Eschyle qu'Agamemnon son mari, qui vient d'expirer, rencontra dans les enfers Iphigénie sa fille, qu'il a autrefois immolée.

D'autres ont feint que Diane ayant eu pitié de cette jeune princesse l'avoit enlevée et portée dans la Tauride au moment qu'on l'alloit sacrifier, et que la déesse avoit fait trouver en sa place

ou une biche ou une autre victime de cette nature. Euripide a suivi cette fable, et Ovide l'a mise au nombre des métamorphoses.

Il y a une troisième opinion, qui n'est pas moins ancienne que les deux autres, sur Iphigénie. Plusieurs auteurs, et entre autres Stésichorus, l'un des plus fameux et des plus anciens poëtes lyriques, ont écrit qu'il étoit bien vrai qu'une princesse de ce nom avoit été sacrifiée, mais que cette Iphigénie étoit une fille qu'Hélène avoit eue de Thésée. Hélène, disent ces auteurs, ne l'avoit osé avouer pour sa fille, parcequ'elle n'osoit déclarer à Ménélas qu'elle eût été mariée en secret avec Thésée. Pausanias (Corinth. pag. 125) rapporte et le témoignage et les noms des poëtes qui ont été de ce sentiment; et il ajoute que c'étoit la créance commune de tout le pays d'Argos.

Homère enfin, le père des poëtes, a si peu prétendu qu'Iphigénie, fille d'Agamemnon, eût été, ou sacrifiée en Aulide, ou transportée dans la Scythie, que, dans le neuvième livre de l'Iliade, c'est-à-dire près de dix ans depuis l'arrivée des Grecs devant Troie, Agamemnon fait offrir en mariage à Achille sa fille Iphigénie, qu'il a, ditil, laissée à Mycènes, dans sa maison.

J'ai rapporté tous ces avis si différents, et sur-tout le passage de Pausanias, parceque c'est à cet auteur que je dois l'heureux personnage d'Ériphile, sans lequel je n'aurois jamais osé entreprendre cette tragédie. Quelle apparence que j'eusse souillé la scène par le meurtre horrible d'une personne aussi vertueuse et aussi aimable qu'il falloit représenter Iphigénie? Et quelle apparence encore de dénouer ma tragédie par le secours d'une déesse et d'une machine, et par une métamorphose, qui pouvoit bien trouver quelque créance du temps d'Euripide, mais qui seroit trop absurde et trop incroyable parmi nous?

Je puis dire donc que j'ai été très heureux de trouver dans les anciens cette autre Iphigénie, que j'ai pu représenter telle qu'il m'a plu, et qui, tombant dans le malheur où cette amante jalouse vouloit précipiter sa rivale, mérite en quelque façon d'être punie, sans être pourtant tout-à-fait indigne de compassion. Ainsi le dénouement de la pièce est tiré du fond même de la pièce. Et il ne faut que l'avoir vu représenter pour comprendre quel plaisir j'ai fait au spectateur, et en sauvant à la fin une princesse vertueuse pour qui il s'est si fort intéressé dans le cours de la tragédie, et

a.

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