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et ses organisateurs le considèrent comme l'ouverture « d'une série de congrès internationaux consacrés aux problèmes de l'éducation morale »; ils espèrent même compléter leur œuvre par la création d'un journal international d'éducation morale, destiné principalement aux écoles normales, et par la fondation d'un bureau international de la morale.

Pour ces diverses raisons, le premier Congrès international d'éducation morale et sociale a reçu l'approbation et se trouve placé sous le patronage des ministères de l'Instruction publique de l'Angleterre, de la Belgique, de l'Espagne, de la France, de l'Italie, du Japon, de la Roumanie et de la Russie.

Les initiateurs du Congrès ne dissimulent pas, pourtant, qu'ils conçoivent la morale « comme une discipline, indépendante de la théologie, autonome, toute sociale et toute humaine »>, et que leur ambition est d'aboutir à une morale universelle; ils se sont ralliés aux vues que M. d'Estournelles de Constans a exposées, dans une réunion des vice-présidents du Congrès, tenue chez sir John Lubbock, et dont les passages suivants sont particulièrement significatifs :

« En dehors de l'infinie variété des morales religieuses qui règnent et parfois se combattent dans le monde, est-il impossible aux représentants de tous les peuples de trouver les éléments communs d'une seule et même morale universelle qui s'impose à tous, sans distinction de races ni de confessions, et n'est-il pas légitime et bien digne des préoccupations de notre xxe siècle de chercher s'il n'existe pas à côté des morales religieuses et nationales une morale humaine?

«En France, l'élément essentiel de cette morale apparaît à tous les yeux non prévenus: c'est le sentiment du devoir, le dévouement à des idées, à des sentiments, à des intérêts généraux. N'en est-il pas de même dans tous

les pays? Est-il impossible d'arriver à rédiger, après la déclaration nationale des droits de l'homme, une déclaration internationale et universelle des devoirs de l'homme, déclaration qui rapprocherait les peuples au lieu de les opposer les uns aux autres, en les soumettant à une même loi supérieure à tous ? »

Toutes ces tentatives de laïcisation complète, définitive et planétaire, de la morale, latérales au Positivisme, sont extrêmement intéressantes pour tous ceux qui sont ralliés à cette doctrine et qui professent qu'elle représente la solution cherchée par tant d'hommes distingués; elles méritent d'être suivies par nous avec une profonde sympathie; il est même très regrettable que notre indisponibilité et nos faibles ressources ne nous permettent pas, généralement, de prendre une part active à toutes ces réunions et d'y faire entendre notre voix. Car on ne peut méconnaître que cette agitation universelle est un signe des temps : elle révèle un besoin spontané, devenu pressant, et on peut, sans hésitation, la considérer comme un acheminement des populations émancipées vers la religion de l'Humanité, à laquelle elle prépare des adeptes futurs de plus en plus.nombreux.

Il ne faut pas, en effet, se faire d'illusions sur les résultats immédiats de toutes les entreprises que nous venons de signaler.

Car, en supposant même que les gouvernements soient unanimes à introduire l'enseignement d'une morale, strictement humaine, dans tous les établissements universitaires, et que les pédagogues se mettent d'accord pour l'adoption d'un bréviaire de morale sociale, le problème de l'institution de la morale positive serait encore loin d'être résolu; il n'y aurait, de la sorte, qu'un cours de plus dans des programmes déjà surchargés.

Or, les règles de morale ne sont pas assimilables aux règles de grammaire; on ne saurait les condenser dans

des manuels scolaires, et leur enseignement ne peut même pas être considéré comme une branche indépendante de l'ensemble de l'instruction théorique.

Tout au plus, par de pareils procédés, parviendra-t-on à former d'honnêtes gens qui ne feront ni tort, ni mal à autrui, à moins qu'on ne produise des casuistes qui s'interrogeront continuellement ou analyseront perpétuellement les autres, sans parvenir à distinguer le bien du mal, ni trouver une ligne de conduite correctement tracée. Mais, incontestablement, on ne pénètrera pas jusqu'à la source vive et éternelle de la morale; on ne développera pas les sentiments généreux, l'abnégation de soi-même, le dévouement à autrui; on n'attendrira pas le cœur ; on ne donnera pas aux actions une origine désintéressée, spontanée, et on fera vraisemblablement œuvre vaine; car, selon l'observation de Thomas A'Kempis, éternellement vraie, «< il vaut mieux sentir la componction que de savoir comment on la définit. >>

Ce qu'il faut à la jeunesse et à l'ensemble des hommes, ce sont des exemples, bien plus que des conseils. A défaut d'exemples vivants, il faut, du moins, sans cesse remettre sous leurs yeux, les grandes natures morales, poétiques, scientifiques, philosophiques, sociales ou religieuses, qui sont l'enseignement et la gloire de notre espèce.

La morale positive est une morale rationnelle ; mais ce n'est pas une morale raisonnante. Il lui faut, comme à ses devancières, une inspiration générale, un propulseur, un idéal, une synthèse; cette synthèse, c'est le sentiment social.

C'est ce sentiment qu'il faut soumettre à une culture intensive et développer tout d'abord, non seulement par l'étude propre de la philosophie et de la morale, mais encore, en régénérant l'étude des sciences, celle des lettres, de la géographie, de l'histoire, qui représentent

toutes un patrimoine collectif à la formation duquel toutes les générations et tous les peuples ont collaboré, et surtout en modifiant les habitudes, les mœurs, les actes et les pensées de tous les instants, dans la famille, et dans l'ambiance, aussi bien qu'à l'école.

Tout cela, le Positivisme, seul, le comprend, l'enseigne et peut le mettre en pratique, en humanisant toutes les études théoriques, en régénérant le culte des ancêtres, en fondant celui des institutions sociales permanentes, en organisant, à l'aide de consécrations philosophiques, la réaction de la vie publique, sur chacune des grandes phases de la vie privée, en un mot, en organisant la religion de l'Humanité.

Hors de cette religion, tous les apôtres d'une morale universelle, purement humaine, quelles que soient la générosité de leurs intentions et la noblesse de leurs systèmes, au premier rang desquels les sociétés éthiques américaines me paraissent dignes d'être placées, sont condamnés à s'agiter plutôt qu'à progresser ; ils n'apporteront jamais, au mal qui dévore les sociétés modernes, que des soulagements superficiels et momentanés.

Toutefois, les efforts de ces hardis novateurs auront, en outre, pour résultat de démontrer, de plus en plus, la maturité du Positivisme, et, qu'ils le veuillent ou non, de favoriser son avènement définitif à la direction des sociétés humaines.

C'est pourquoi nous saluons en eux, avec sympathie, des confrères et des collaborateurs inconscients, qui trouveront, quelque jour, leur chemin de Damas.

ÉMILE CORRA.

LA RÉVOLUTION TURQUE

Les évènements politiques considérables, qui se déroulent, à l'heure actuelle, dans l'empire Ottoman, méritent, à plus d'un titre, l'attention sympathique des positivistes.

Non seulement, en effet, ces évènements attestent la profonde pénétration des idées occidentales en Orient ; non seulement ils constituent un fait très gros de conséquences, parce qu'ils auront, inévitablement, une répercussion rapide, dans tous les pays où l'Islam est prépondérant, et contribueront à accélérer l'avènement de l'unité planétaire; mais encore la pensée positiviste n'est pas étrangère à leur préparation, à leur explosion et au cours méthodique qu'ils ont suivi.

C'est surtout ce dernier point de vue que je voudrais signaler plus particulièrement, aujourd'hui, aux lecteurs de cette revue.

Aucun d'eux, sans doute, n'ignore qu'Ahmed Riza, l'un des protagonistes du mouvement Jeune-Turc, est au nombre de nos confrères les plus distingués et les plus ardents; ce qu'ils savent peut-être moins, c'est que cet intrépide patriote s'est toujours montré positiviste avisé dans l'apre lutte qu'il soutient, depuis vingt ans bientôt, sur la terre d'exil, pour la régénération de sa patrie, au milieu de difficultés, d'embûches, de menaces, d'alternatives incessantes de déboires et d'espérances, que ceux-là seuls qui ont vécu dans sa familiarité peuvent convenablement apprécier; c'est que, dans

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