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V

ÉPISCOPAT D'HOEL (1082-1097).

Vacance du siége épiscopal. Guillaume le Conquérant désigne Hoël pour le remplir. Premières années de cet évêque. Il est sacré à Belles qualités d'Hoël. Travaux exécutés à l'église cathéLa famine désole le Maine.

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- Robert,

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Hélie de la Flèche

Rouen. drale. La guerre y exerce ses ravages. Siége de Sainte-Suzanne par le roi d'Angleterre. Dons de Guillaume le Conquérant en faveur de l'Église du Mans. duc de Normandie, reconnu comte du Maine. se rend maître de la province. ment du peuple; l'évêque est d'Azzon, reprend le Maine. l'Église sont mis au pillage.

Il met Hoël en prison; mécontenterendu à la liberté.

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Hugues, fils Hoël s'enfuit du Mans; les biens de Troubles dans notre Église pour l'élec

tion d'un doyen; le chanoine Hilgot, chef de la faction opposée à l'évêque. Hoël invite Guillaume le Roux, roi d'Angleterre, à conquérir le Maine. Tyrannie d'Hilgot et du comte Hugues. Émeute au Mans contre Hilgot et son parti. Hoël retiré au prieuré de Solesmes. Misère des habitants du Mans. Hoël y est rappelé. —

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Le comte Hugues est contraint d'abdiquer. Hélie de la Flèche est mis en possession du comté. — La paix est rendue à la province.

Après la mort de l'évêque Arnaud, le siége du Mans resta vacant pendant un an, quatre mois et vingt-trois jours (1). Les partis qui s'étaient si longtemps disputé la souveraineté du Maine n'étaient point apaisés, et, au milieu de divisions si vives, il était impossible que l'on tombât d'accord sur un choix aussi important. Enfin, au bout de cette longue vacance, Guillaume le Conquérant désigna un candidat qui satisfit aux désirs du plus grand nombre. Le prince normand songea d'abord à donner l'évêché du Mans en récompense à l'un de ses plus fidèles serviteurs, nommé Samson, natif de Bayeux, et qui était son aumônier. Il le fit appeler, et lui dit : « Vous connaissez le caractère des Manceaux; vous savez qu'ils sont naturellement volages,

(1) D. Mabillon, Vetera analecta, t. III, p. 48.

curieux de nouveautés et portés à la révolte; ils ne peuvent demeurer en repos; vous n'ignorez pas combien ils m'ont donné de peine. Or, maintenant que leur évêque est mort, j'ai résolu de vous substituer à sa place; je crois que telle est la volonté de Dieu; vous m'avez été attaché depuis votre enfance; j'ai pour vous de l'affection, et je veux vous le témoigner en vous élevant à l'une des dignités les plus importantes de mes états. En cela je me propose un double but, d'abord de récompenser votre fidélité depuis longtemps éprouvée; en outre, de vous mettre dans une position où, présidant à tout le vaste diocèse du Mans, vous puissiez surveiller de près les actions de ses habitants, observer les complots, et m'avertir des projets qu'ils pourraient former contre mon autorité. Mon choix est arrêté; vous serez évêque du Mans, ou vous me désignerez quelqu'un capable de vous remplacer sur ce siége (1). » Ces dernières paroles réjouirent Samson; car, après s'être excusé sur son indignité, il proposa au roi une personne qu'il croyait plus digne que lui des honneurs de l'épiscopat. Guillaume lui ayant demandé quelle était cette personne : « C'est, répondit Samson, un clerc de votre chapelle, nommé Hoël (2). Il est vrai qu'il est pauvre; mais il est de noble race, et d'une conduite irréprochable. Il est Breton d'origine, mais plein d'humilité et de toutes sortes de bonnes qualités; je crois en vérité qu'il doit être mis au-dessus de moi et de ceux qui me ressemblent. Ce qui achève de le rendre digne de l'épiscopat, c'est qu'il est rempli de douceur et de bonté. » Le roi fit aussitôt appeler Hoël, et la vue de cet homme de petite taille, et d'un extérieur médiocre, fit sur lui une fàcheuse impression. Il ne voulait plus entendre parler de ce choix, et insistait auprès de Samson pour qu'il acceptât l'évêché. D'ailleurs, l'origine bretonne d'Hoël pouvait

(1) Orderic Vital, Historia ecclesiastica, lib. IV, p. 531.

(2) Hoellus, Hoclus, Ouvellus, Gohellus, Goellus, Oweldus, Ivellus, Huellus.

déplaire au conquérant de l'Angleterre. Mais bientôt le prince, réfléchissant aux qualités dont lui avait parlé son aumônier, et les reconnaissant dans Hoël, finit par triompher de ses premières répugnances, et il n'eut pas lieu de s'en repentir dans la suite: car Hoël lui fut toujours d'une fidélité à toute épreuve. Le roi lui donna l'investiture du domaine féodal (1). Tout le clergé de la cour d'Angleterre applaudit au choix du prince; personne n'y trouva à reprendre; il n'y eut que Hoël lui-même qui fut aussi surpris, dit Orderic Vital, que le jeune David, lorsque Samuel lui déclara que Dieu avait rejeté la famille de Saül, et l'avait choisi pour roi de son peuple (2).

Guillaume le Conquérant fit ensuite conduire Hoël au Mans, pour être proposé au choix du clergé et du peuple. Cette élection était encore regardée comme une formalité indispensable; les Souverains Pontifes ne cessaient de réclamer en faveur de la liberté du choix des pasteurs; mais l'abus de recevoir de la main des souverains du pays des candidats qui étaient infailliblement élus, subsistait presque partout. Dans cette circonstance, Guillaume le Conquérant respecta, extérieurement du moins, les prescriptions canoniques. Les votes des clercs et du peuple du Maine ne firent que confirmer le choix du prince normand. Il est cependant difficile de croire que l'élection se soit faite d'une voix unanime, comme le prétend un contemporain (3), à moins que les partisans de la puissance angevine ne se soient abstenus d'y concourir. Hoël était d'ailleurs digne de l'épiscopat, et les Manceaux étaient depuis longtemps en état d'apprécier ses hautes qualités. Il était parent de l'évêque Arnaud, qui l'avait appelé auprès de lui dès les commencements de son épiscopat. Hoël n'avait alors que dix-sept ans. Arnaud avait pris soin de le former lui-même, et le jeune clerc avait fait de rapides

(1) Orderic Vital, Historia ecclesiastica, lib. IV, p. 531.

(2) Idem, loc. cit.

(3) D. Mabillon, Vetera analecta, t. III, p. 288.

progrès sous un maitre aussi habile. Quoiqu'il n'eût pas un extérieur imposant, il avait une de ces physionomies qui s'illuminent parfois. Il était d'ailleurs doué d'une vivacité de conception et d'une facilité d'élocution par lesquelles il éclipsait tous ses rivaux. Ses qualités brillantes, la solidité de sa doctrine, ses mœurs irréprochables lui avaient mérité une distinction aussi flatteuse que singulière; quoique dans un àge peu avancé, les chanoines l'élurent pour leur doyen. Dès cette époque reculée, le chapitre du Mans se maintenait dans ce privilége incontesté de choisir lui-même parmi ses membres celui qui devait remplir la dignité de doyen (1). Les chanoines nommaient le dignitaire, et l'évêque l'instituait. Cette coutume s'est conservée dans le chapitre du Mans jusqu'à notre temps (2). Mis en possession du rang auquel l'estime des chanoines l'avait élevé, Hoël sut s'attirer l'affection et la considération de tout le monde, au point qu'on ne lui témoignait pas moins de respect qu'à l'évêque luimême. Il ne s'enorgueillissait pas des avantages qu'il pouvait avoir, et quoique occupant le second rang dans l'Église du Mans, et un poste très-puissant dans la cité, il s'estimait le moindre de tous. Il poussa même l'humilité à ce point, qu'il souffrit avec patience les injures et les mauvais traitements que des hommes grossiers, ses inférieurs, lui firent assez souvent endurer.

Hoël, probablement par suite des déchirements de la province, et afin de goûter plus de tranquillité, accepta des fonctions dans la chapelle du roi d'Angleterre. Beaucoup de clercs de notre province trouvaient dans ce service une voie aux dignités les plus élevées du sanctuaire. Il est probable que le doyen Hoël n'abandonna pas ses fonctions

(1) Favore totius cleri ejusdem Ecclesiæ decanum (Arnaldus) statuerat. Vetera analecta, t. III, p. 288. Huellus sancti Juliani decanus. Cartularium beatæ Mariæ Caritatis, p. 222.

(2) Selon les plus fortes probabilités, le privilége dont jouissaient les chanoines.de choisir le doyen remontait jusqu'à la restauration de l'Église du Mans par Charlemagne et Louis le Débonnaire.

III.

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dans l'Église du Mans, tout en s'attachant à la suite du prince; ces cumuls étaient très-communs à l'époque. Quoi qu'il en soit, les Manceaux l'accueillirent avec bienveillance, lorsque Guillaume le Conquérant parvint à l'établir sur le siége épiscopal, malgré l'opposition de Foulques le Réchin et des amis de la maison des comtes d'Anjou (1).

Toutefois un puissant obstacle retarda longtemps l'accomplissement des vœux du roi d'Angleterre. Le comte Foulques avait entre les mains un moyen d'empêcher Hoël de prendre possession de son siége, et il ne négligea pas de l'employer. Depuis l'an 1068 la Touraine était sous son autorité; il s'en était rendu le maitre sur son frère Geoffroy le Barbu, qu'il retenait en prison (2). Dans cette province, comme dans ses autres états, tout pliait sous son joug de fer. L'archevêque Raoul [er, qui, d'accord avec les légats du Siége Apostolique, enlevait au roi Philippe Ier les investitures ecclésiastiques, fut chassé de sa métropole en 1081, par le comte d'Anjou obéissant aux instigations du monarque français (3). Cet acte de violence et un mariage illicite que Foulques avait contracté, lui attirèrent de la part du prélat une excommunication, qui fut confirmée par le Pape saint Grégoire VII. Le clergé de Lyon adressa l'année suivante une lettre à celui du Mans pour l'engager à se réunir à lui, et à obliger par les censures ecclésiastiques l'évêque d'Angers, Geoffroy Ier, et les moines de Marmoutier de ne pas favoriser davantage le comte Foulques, qui méprisait les foudres dont il avait été frappé. Il le prie en même temps de contraindre, selon

(1) La plupart des historiens manceaux ont réclamé contre les circonstances assez étranges qui auraient améné l'élection d'Hoël selon Orderic Vital. Elles peuvent cependant se concilier avec le récit des Gestes des évéques du Mans.

(2) D. Luc d'Achery, Spicilegium, t. X, p, 484-488. Chroniques de Touraine, p. 125, et passim.

Salmon,

(3) Gallia christiana (vetus), t. I, p. 761. - D. Bouquet, t. XII, p. 450-461. Salmon, Chroniques de Touraine, p. 127, et passim.

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