Obrazy na stronie
PDF
ePub

IV

ÉPISCOPAT DE GERVAIS (1035-1055).

[ocr errors]

Naissance de l'évêque Gervais, son portrait. Rivalité entre l'évêque Gervais et le comte Herbert Baccon. Guerre entreprise par Gervais contre Geoffroy Martel. - Gervais fait restituer des biens à la cathédrale. L'abbaye de Saint-Vincent; fondation de prieurés dépendant de Saint-Vincent et de la Trinité de Vendôme. Prieuré de Villedieu; saint Eutrope. L'abbaye de Saint-Georges-des-Bois. Collégiale de Saint-Martin de Troo. - Prieurés de Lavardin, Cohémon, Notre-Dame d'Avesnières, Saint-Martin de Laval, NotreDame de Priz, Auvers-le-Hamon. Multiplication des établissements religieux dans le Bas-Maine. - Prieuré de Rouessé. — Pèlerinage de Notre-Dame à Pont-Aubray.

Aussitôt après la mort de l'évêque Avesgaud, les compagnons de son pèlerinage s'empressèrent d'en apporter la triste nouvelle au Mans. Le prélat défunt avait un neveu nommé Gervais, destiné par sa famille à occuper le siége de saint Julien, selon un abus trop universel à cette époque (1). Gervais était dans la maturité de l'âge, étant né le 2 février 1007, au château de Cohémon, paroisse de Vouvray-sur-Loir. Il avait pour père Haimon (2), seigneur de Château-du-Loir, et pour mère Hildeburge, fille d'Yves [er,

(1) L'histoire de l'évêque Gervais est rapportée d'une manière succincte dans les Gestes des Évêques du Mans, de Gervasio Cinomanensi episcopo. D. Mabillon, Vetera analecta, t. III, p. 304. D. Bouquet, t. XI, p. 135. Un grand nombre de chartes émanées de cet évêque ou de ses contemporains ajoutent beaucoup de traits à sa vie. La plupart des chroniqueurs de son temps fournissent des détails sur ce personnage. Nous avons été grandement aidé par les historiens de la ville de Reims, surtout par D. Marlot, le Gallia christiana, t. IX, et la Patrologie, édit. Migne, t. CXLIII, col. 1397; mais principalement par l'Histoire litté– raire de la France, t. VII, p. 572 et suivantes. Les savants auteurs de cette histoire citent à plusieurs reprises des mémoires manuscrits, qu'ils ont malheureusement négligé d'indiquer plus clairement.

(2) Haimon, Aimon, Hamelin, Amelin. Ce personnage portait plusieurs noms, comme beaucoup de ses contemporains. Cfr. Nouveau traité de Diplomatique, t. IV, p. 565.

seigneur de Bellême, et sœur de l'évêque Avesgaud. Sa bisaïeule paternelle, qui se nommait Roranse, avait eu pour dot la terre d'Argentré, près de Laval, et elle y faisait son séjour habituel, comme on le verra par la suite. Gervais avait trois frères, Bouchard, Robert et Ursio. Bouchard fut aïeul de Mathilde, qui épousa Hélie, comte du Maine. De leur mariage sortit Eremburge, femme de Foulques le Jeune, roi de Jérusalem et comte du Maine et de l'Anjou. Robert épousa Élisabeth, qui lui donna au moins un fils nommé Gervais comme son oncle, et dont nous aurons bientôt à parler. L'évêque Gervais eut encore une sœur nommé Rotrude, qui devint la seconde femme de Guy II, baron de Laval, et donna le jour à Guy, Gervais, Hildelingue, Hildeburge et Agnès, que l'on verra bientôt prieure de Notre-Dame d'Avesnières (1).

Gervais avait reçu de la nature les qualités les plus brillantes et les plus solides, et il les avait heureusement développées par une culture assidue dans l'école de l'église cathédrale, sous la conduite des maitres habiles dont nous avons parlé, et la haute direction de son oncle Avesgaud. Il parut dès sa jeunesse doué d'un esprit subtil, élevé et capable des plus grands desseins; orné de savoir, d'éloquence, de goût pour les beaux-arts, il cultiva même quelquefois la poésie. Lorsqu'il fut élevé aux dignités ecclésiastiques, et il y a apparence que son oncle lui en

(1) Cette généalogie est dressée sur des écrits laissés par l'êvêque Gervais et le premier de ses neveux du même nom. Il ne faut donc pas s'en rapporter à une autre généalogie décrite par D. Mabillon, Annales O. S. B., lib. LVII, num. 2, et reproduite par D. Bouquet, t. X, p. 359, et t. XI, p. 135, 136, 443. Suivant ces auteurs, Gervais aurait eu pour père le vénérable Bouchard le Vieux, comte de Paris, Corbeil, Melun et Vendôme, et mort en odeur de sainteté sous le froc monastique dans l'abbaye de Saint-Maur-des-Fossés, l'an 1012. Bouchard le Jeune, vicomte de Melun, et Renaud, évêque de Paris, auraient été ses frères, et il aurait eu pour sœur Grécie, Élisabeth ou Adèle : car on donne ces trois noms à cette princesse, femme de Foulques Nerra, comte d'Anjou. D. Rivet, loc. cit. --L'Art de vérifier les dates. - De Pétigny, Histoire du Vendomois. -Cartularium Beatæ Mariæ Caritatis Andegavensis, no 258, 393, 394.

ouvrit l'entrée de bonne heure, on vit briller en lui le zèle, la vigilance, et la vigueur qui conviennent à un évêque. Du reste, de mœurs irréprochables, issu d'une famille puissante, destiné à jouir d'une fortune très-considérable, et sachant en user avec une magnificence bien entendue; telles sont les qualités qui brillaient dans l'évêque Gervais de Château-du-Loir (1). Elles auraient fait de notre évêque le prélat le plus accompli de son siècle, s'il n'avait conservé, sous son habit clérical, toute la rudesse des mœurs paternelles. Comme la plupart des barons de son temps, il aimait avec passion les exercices de la chasse et revêtait volontiers la cuirasse et le casque. Ces goûts peu convenables au caractère ecclésiastique dont Gervais était revêtu, n'étaient pas regardés, au xr° siècle, comme incompatibles avec les dignités les plus élevées du sanctuaire. Notre évêque rencontra dans sa carrière des ennemis qui l'attaquèrent avec violence, qui le déchirèrent de leurs calomnies, et le donnèrent pour le type du tyran revêtu des insignes de l'épiscopat; mais jamais ils ne lui reprochèrent comme un crime d'avoir déposé par moments la mitre et la crosse pour se revêtir de l'armure du soldat. Au reste, dans leurs invectives les plus amères, les adversaires de Gervais reconnurent les lumières dont il était doué, et les grandes qualités de son caractère (2).

Gervais ayant été élu par le clergé et le peuple, aussitôt après qu'on eut connu la mort de l'évêque Avesgaud, fut sacré à Tours, par l'archevêque Arnoul, allié à sa famille, le 18 décembre de la même année 1035, quarante-deux

(1) On nomme ordinairement notre évêque Gervais de Château-duLoir, parce que le château de Cohémon est très-voisin de Château-duLoir, que son père était seigneur de l'un et de l'autre, et qu'il les posséda lui-même à son tour. Cependant Claude Robert le nomme Gervais Barbet ou de la Roche-Guyon; Du Boulay le nomme aussi Gervais Barbet. Historia Universitatis Parisiensis, t. I, p. 424.

(2) D. Mabillon, Acta Sanctorum O. S. B., t. IX, p. 572. Idem, Vetera analecta, t. I, p. 256. D. Bouquet, t. XI, p. 443, et passim.

jours seulement après le trépas de son prédécesseur. Il accepta, dit-on, cette redoutable charge avec un sensible plaisir, qu'il ne chercha pas même à dissimuler (1); mais il ne tarda pas à éprouver combien de peines y étaient attachées.

Presque en même temps que l'évêque Gervais recevait le gouvernement spirituel du diocèse du Mans, Hugues II, fils d'Herbert Éveille-Chien, jeune prince que notre prélat avait tenu sur les fonts du baptême, succédait à son père dans le comté du Maine. Hugues II n'était encore qu'un enfant, incapable de tenir lui-même les rênes du gouvernement de la province; Herbert, surnommé Baccon, son grand-oncle paternel, exerçait l'autorité à sa place (2). Herbert ne vit pas sans un cruel déplaisir l'élévation du nouveau prélat : les anciennes rivalités menaçaient dès lors de se réveiller; d'ailleurs Gervais était plus riche et plus puissant que le tuteur du jeune comte; et il jouissait, dit-on, d'un ascendant plus grand que lui sur l'esprit de la population. Les partisans de l'évêque ont accusé Herbert Baccon d'avoir voulu dépouiller son neveu au profit de son ambition personnelle; ils ont même prétendu qu'il avait porté des vues sacriléges sur le trésor de l'Église (3): mais ces accusations semblent dénuées de fondement et contredites par la conduite entière du comte Herbert, dont la vie et les mœurs étaient sans tache. D'ailleurs, s'il avait formé les vœux criminels qu'on lui attribue, comment n'essayat-il pas de les réaliser pendant le temps qu'il tenait Gervais éloigné du diocèse, et que lui-même était maître absolu dans le Mans? Mais Herbert succomba dans sa lutte contre Gervais; et il a dû, comme tout chef d'un parti vaincu, subir les calomnies des vainqueurs. Telle est la justice de tous les temps! Il est d'ailleurs certain que le comte Herbert

...

(1) Sedem Avesgaudi avunculi sui gaudenter suscepit. Vetera analecta, t. III, p. 304.

(2) D. Bouquet, t. XI, p. 631, 632.

(3) D. Mabillon, Vetera analecta, t. III, p. 135.

p. 304.

D. Bouquet, t. XI,

voyait avec peine l'évêque Gervais prêt à s'emparer de l'autorité la plus absolue sur l'esprit des habitants de la province et du jeune comte Hugues. Déjà les créatures et les partisans du prélat semaient des bruits propres à redoubler les alarmes du comte. Pour faire l'éloge de leur chef et lui assurer de nouvelles sympathies, ils répandaient la nouvelle que l'évêque était plus riche et bien autrement brave que le comte Herbert (1): trait de mœurs qui fait comprendre quelle idée les masses se formaient des chefs de la hiérarchie sacerdotale en ce temps-là.

La rivalité qui devait régner entre l'évêque et le comte Herbert Baccon, pendant tout le temps que dura le gouvernement de celui-ci, se manifesta donc aussitôt. On ne nous a pas transmis le détail des circonstances qui la firent éclater; mais il résulte du récit des annalistes que ce fut à propos de quelques-uns de ces droits si multipliés à l'époque féodale. Quoi qu'il en soit, pendant deux années Herbert Baccon interdit à l'évêque Gervais l'entrée de la ville épiscopale. Le prélat, avec l'activité d'esprit et les facultés brillantes que tous les contemporains lui reconnaissent, ne passa pas un temps aussi long dans l'oisiveté et dans l'attente d'un dénoûment à cette affaire. Il employa ses moyens pour faire reconnaître ses droits, et visita à cet effet les cours de plusieurs puissants suzerains du voisinage. Il se rendit d'abord à la cour du roi de France Henri Ier; mais les rivalités d'un grand nombre de hauts feudataires divisaient l'attention et les forces du monarque, déchiraient le royaume dans tous les sens, et ne permettaient pas au prince d'intervenir d'une manière assez efficace en faveur du prélat qui implorait son secours. Cependant, fidèle à la marche politique qui fut si avantageuse à sa race, le prince laissa espérer à Gervais une aide qu'il n'était guère en son pouvoir de lui donner. Pendant son séjour au palais du roi de France, notre évêque signa avec d'autres

(1) ... Eo quod rebus ditior, vel melior illo diceretur a multis... Vetera analecta, t. III, p. 304.

« PoprzedniaDalej »