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de verges et mis fréquemment à la question. Ensuite Mousa-Pacha les amena avec lui jusqu'à Amadia, où il les jeta en prison. Un jour ils auraient été lapidés par ses serviteurs, sans l'intervention d'un paysan catholique des environs qui vint prier pour leur délivrance, s'engageant à fournir la somme exigée dans l'espace d'une semaine.

Pendant ce tems, le patriarche faisait fouiller toutes les maisons des habitans d'Alqouche, et les livres, provisions ou effets qu'on supposait appartenir au couvent, étaient confisqués à son profit. Ces visites domiciliaires exaspérèrent les esprits; on frappa l'un des membres de sa famille, et il fut blessé grièvement. Alors le patriarche va devant le pacha de Mossoul et se plaint qu'on refuse la restitution d'effets qui sont sa propriété. Le pacha, à qui les procès et les disputes assurent une bonne aubaine, dépêche des gens d'armes; le village est cerné, et Mar-Youssouf est saisi avec les religieux qui n'avaient pas pris la fuite. Mar-Youssouf est emmené à Mussoul, incarcéré et flagellé chaque jour : il avait été accusé de recéler les vases sacrés et les ornemens de l'église. Si des cadeaux, des prières et son air vénérable n'avaient adouci la sévérité du geôlier, il n'aurait pu résister aux tourmens de la

détention.

Depuis quatre mois, le P. Hanna languissait dans le cachot d'Amadia lorsque le geôlier, gagné par sa patience et sa douceur, et devenu son ami, accourt tout joyeux et lui annonce que le patriarche, sans doute satisfait des peines qu'on lui a infligées, demande sa délivrance dans une lettre qu'on vient de recevoir. Le religieux, qui avait ses raisons de douter de la clémence du patriarche, le pria de s'introduire dans l'assemblée et d'écouter le contenu de la dépêche. Le lendemain, il revint vers le P. Hanna avec un air morne et abattu. « Pourquoi ce mauvais visage, de» manda le prisonnier? ai-je commis quelque faute? Non, » reprit le musulman ; mais je viens t'annoncer que tu n'as plus » qu'un jour à vivre », et les sanglots entrecoupaient sa voix. «Le » patriarche a écrit à mon maître que ton obstination à ne pas lui » livrer le trésor du couvent était un grief irrémissible, et qu'on » te jetterait à la rivière, toi et ton compagnon. - Le pacha veut

» exécuter demain cet ordre. » Le P. Hanna l'écouta avec calme, et bénissant la volonté du ciel, il s'adressa au frère convers; et lui dit: Préparons-nous à bien mourir, et ils commencèrent à prier.

Par hasard, un catholique de Manguèche en eut connaissance. Indigné de la duplicité du patriarche, il va devant le pacha et lui expose qu'il sacrifie deux innocens au vrai coupable, que ce spoliateur du couvent a donné une portion des dépouilles au pacha de Mossoul, et que, se croyant assez fort pour garder le reste, il ne lui enverra point la part promise. Ces paroles irritent Mousa, qui jure de se venger du patriarche, et, dans cette intention, il ordonne de traiter avec ménagement les prisonniers. Étant venu quelques jours après à Manguèche, il consentit à les délivrer, moyennant une rançon de 50 francs que lui paya un catholique du village.

Pendant que le P. Hanna sortait de prison, le pacha de Mossoul périssait dans une des séditions qui agitaient alors fréquemment la ville, et imposaient au peuple de nouveaux maîtres. Mar-Youssouf, par suite de cet événement, était élargi, et les habitans d'Alqouche, fidèles à sa cause, le ramenaient en triomphe dans leur village. Le P. Hanna songeait à venir le rejoindre, lorsqu'il en fut empêché par un triste accident. La maison du patriarche, qui avait perdu l'appui du pacha de Mossoul, feignit de se réconcilier avec le parti défenseur du monastère. Elle fit répandre le bruit que le P. Hanna avait été libéré par ordre du patriarche, qu'on le verrait avec plaisir retourner à Alqouche, et pour mieux cacher ce jeu, on engageait à une entrevue Mar-Youssouf, avec les prêtres et les principaux attachés à sa personne. Le café fut servi avec la pipe suivant l'étiquette. Le prêtre Gueverguis, vicaire délégué de la propagande, et connu par son double attachement pour le Saint-Siège et le monastère, vida avec répugnance la tasse qui lui était présentée. Aussitôt il se sentit très-altéré, ce qui ne l'empêcha pas d'aller à l'église prêcher, suivant sa coutume, parce que ce jour était un dimanche. Mais, au milieu du sermon, il perd tout à coup la voix, ses yeux se contractent, il chancelle et tombe sur les marches de l'autel, où le soir même il rendit

l'âme en présence du Dieu dont il était le digne ministre. Un autre prêtre était attaqué à la même heure des mêmes convulsions auxquelles son jeune âge et sa force lui permirent de résister. Mar-Youssouf, effrayé, se retira à Télescope, et l'on conçoit que le P. Hanna s'abstint prudemment de revenir à Alqouche.

Il s'enfonça dans la montagne, vers le pays des Nestoriens. Quelques familles d'un village, nommé Bersabé, récemment converties à la foi, le prièrent de choisir son asile au milieu d'elles. Il accepta leur invitation, et après avoir échappé miraculeusement à l'attaque d'un chef de voleurs qui l'attendait sur la route, il parvint chez ces pauvres paysans dont l'ignorance spirituelle était extrême. Le voisinage et les rapports fréquens des Curdes sont nuisibles aux chrétiens, quand ils n'ont point de pasteur éclairé pour les diriger. Les mœurs se corrompent, les notions de justice et de probité s'effacent, les faux sermens abondent dans le langage, et l'on ne pense point à s'instruire des vérités nécessaires au salut. Le P. Hanna leur enseigna le catéchisme, et bientôt les désordres cessèrent dans les ménages, les enfans apprirent à respecter leurs père et mère, les restitutions remplacèrent le vol. Les Nestoriens, changés par l'exemple des Catholiques, s'unirent à eux, et les Curdes, touchés de ces changemens, devinrent euxmêmes meilleurs.

EUGÈNE BORÉ,

Membre correspondant de l'Institut.

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Voyages de M. Cousin en Allemagne.

Ses rapports avec Eichorn, de Wette, Schleiermacher, Schelling et Hegel. Conséquences. Cours de 1818 et 1819. Introduction au cours de 1820, et premiers volumes de la traduction de Platon. Erreurs sur la théodicée, la psychologie, la morale, la révélation, l'histoire religieuse.

M. Cousin se lassa promptement de l'école écossaise, et crut bientôt avoir épuisé l'enseignement de ses premiers maîtres. La philosophie germanique était une mine encore inconnue; il résolut de l'exploiter. Durant deux années, il vécut, s'il faut l'en croire, comme enseveli dans les souterrains de la psychologie kantienne, et uniquement occupé du passage de la psychologie à l'ontologic. — « Je traversai la philosophie de Kant; celle de » Fichte ne pouvait m'arrêter longtems, et à la fin de l'année » 1817 j'avais laissé derrière moi la première école allemande. » C'est alors que je fis une course en Allemagne. Je puis dire » qu'à cette époque de ma vie, j'étais précisément dans l'état où » s'était trouvée l'Allemagne elle-même au commencement du

Voir le précédent article au no 38, t. vii, p. 85.

» 19e siècle, après Kant et Fichte, et à l'apparition de la philoso»phie de la nature. Ma méthode, ma direction, ma psychologie, » mes vues générales étaient arrêtées, et elles me conduisaient à » la philosophie de la nature. Je ne vis qu'elle en Allemagne'.>> Cependant, M. Cousin ne put cette fois rencontrer l'auteur de ce système, le célèbre Schelling. En revanche, il eut à Berlin plusieurs entretiens avec Schleiermacher, qui professait au fond les mêmes doctrines. En bon spinosiste, ce philosophe niait la création et les miracles; il n'admettait ni peines, ni récompenses dans une autre vie; vouloir conserver sa personnalité était, à l'en croire, un égoïsme coupable, et l'on devait être content de se perdre dans l'infini; il traitait la Bible et l'Évangile tout au plus comme le Ramayana et l'Iliade, et saint Paul lui paraissait bien inférieur au juif d'Amsterdam. Cela ne l'empêchait pas d'être professeur de théologie luthérienne, prédicateur de S. M. le roi de Prusse, etc.; et il disait ironiquement à M. Cousin : « Je ne fais « que des sermons religieux et même très chrétiens. » Cette impiété hypocrite n'indigna aucunement notre jeune voyageur; une seule chose l'avait frappé, c'est la tactique astucieuse du théologien panthéiste et son habileté dans la discussion. Après une première entrevue, il écrivait dans le journal de son voyage: « Je soupçonne qu'avec Hégel, Schleiermacher est le plus grand » dialecticien du siècle. On ne peut pas être plus habile, plus délié, et pousser plus loin une idée. Il ne voulait dire pas » pensée; mais sans cesse il me poussait sur des pentes glissantes » qui me conduisaient doucement et inévitablement » Toutefois, au sortir d'une dernière conversation, M. Cousin laissa échapper de sa plume ces paroles pleines de découragement: «Nous avons de nouveau agité de tristes problèmes : rien de » net! Rien de net! hélas, tel fut trop souvent le dernier résultat des méditations philosophiques.

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M. Cousin n'était pas exclusivement préoccupé d'idéologie;

Frag. philos., préface de la 2o édition, p. 24, 25.

• Une visite en Allemagne, en 1817, Revue franç., mars, 1838.

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