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faits de l'éducation étaient offerts aux enfans. Les chrétiens étaient alors sous la direction d'un vartabed appelé Balquapan, constantinopolitain d'origine, qui nous reçut avec affabilité. Il avait l'instruction et une douceur de caractère propres à l'amener à une conciliation de doctrine, si, dès le lendemain, nous ne l'avions quitté.

Nous eûmes la visite, non moins agréable, d'un autre Arménien. C'était un catholique de Tiflis, d'une quarantaine d'années, et investi, à Kars, de la dignité d'agent consulaire russe. Il portait à sa boutonnière la médaille de l'empereur, et il était coiffé de la casquette européenne, symbole d'honneur et de liberté chez les nations musulmanes de l'Asie. Il nous salua avec la cordialité et l'ouverture d'âme que les Orientaux, sous l'oppression mahométane, ne peuvent même simuler. Il nous fit voir, dans le bazar, les produits que quelques marchands russes, placés sous sa protection, tirent de la Turquie. Ce sont des pelleteries, du suif et surtout du bois de construction que le gouvernement russe achète et fait amener, à haut prix, du mont Soghanlu, pour l'achèvement de la forteresse d'Alexandropole, l'ancienne Gumru. Les Turcs sont ainsi assez complaisans pour fournir les matériaux d'un ouvrage militaire qui commande et menace leur frontière.

La chaleur était forte, et le thermomètre marquait, à l'ombre, dixneuf degrés Réaumur. Le lendemain, 13 août, nous partîmes après midi, marchant vers l'est, à travers des plaines couvertes d'herbes et se perdant dans le vague d'un horizon sans limites. Nous foulions l'ancien plateau de Chirag, célèbre par la fécondité de ses pâturages. Actuellement, il est en partie inculte et vide de toute habitation. Avec la nuit, nous arrivions au village de Sou-Batan, qui compte plusieurs familles arméniennes Le 14, levés avec le soleil, nous descendions précipitamment la plaine inclinée vers le sud, et, à deux heures de distance, nous traversions un village appelé Djola, tout peuplé d'Arméniens. De là, nous galopions avec empressement vers les ruines d'Ani, qui, une lieue plus loin, dans la même direction, se montrait comme une ville de guerre, armée et vivante, avec ses remparts, ses tours crénelées, ses dômes de chapelles et d'églises. Mais cette vie n'était qu'apparente, et après avoir franchi la grande porte d'entrée, nous avions seulement sous les yeux la désolation, la mort et le silence.

Eug. BORÉ

Djoulfa, près Ispahan, 20 décembre 1840.

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DOMINICAINS, ou frères Précheurs. L'orde des frères Prêcheurs prit son origine en France, mais ce fut un Espagnol qui le fonda. Né dans la ville de Colervoga, dans le diocèse d'Osma, province de la vieille Castille, Dominique, issu d'une famille noble, se distingua dans sa jeunesse par une rare piété et un grand amour pour l'étude; entré daus la carrière ecclésiastique, il fut remarqué de son évêque, qui le nomma, à l'âge de 24 ans, chanoine de son église, et l'attacha en quelque sorte à sa personne; aussi l'emmena-t-il avec lui, dans les voyages qu'il fit dans le nord de l'Europe et à Rome. C'était alors l'époque où un composé de croyances moitié musulmanes, moitié chrétiennes s'était formé dans le midi de la France; ses partisans avaient séduit une grande partie de la population, et étaient parvenus à implanter et à populariser au sein de la France et du Catholicisme, une sorte de Manichéisme, et tous les désordres de morale pratique qui en découlent. Justement alarmés d'un pareil état de choses, les autorités spirituelles et temporelles cherchèrent à s'y opposer, mais en vain; le mal prévalait, une épouvantable anarchie désolait les populations, des excès intolérables se commettaient de part et d'autre. Les ordres religieux existant et le clergé, avaient en grande partie perdu de vue la morale et l'exemple de l'évangile; ils vivaient dans le faste et souvent dans une scandaleuse mondanité ; le peuple

Voir le précèdent article, au n. 32,t. vi, p. 146.

végétait dans une ignorance profonde de la vraie doctrine évangélique ; les plus grossières superstitions, les croyances les plus impies et les plus absurdes avaient gagné les esprits des habitans des campagnes et des villes. C'est dans cet état que Dominique trouva la religion et la société dans le midi de la France.

Alors il forma le projet d'appliquer à ce mal invétéré deux remèdes uouveaux: L'exemple d'une vie vraiment chrétienne et l'enseignement de la doctrine evangélique par le moyen de la prédication.

C'est ce qu'il exécuta avec une constance et une fermeté de volonté que l'on peut à peine concevoir en notre tems. Nous ne suivrons pas minutieusement les débuts de cette grande œuvre, nous la prenons toute formée, et nous allons dire quels étaient les ouvriers qu'elle façonna.

Celui qui voulait entrer dans l'Ordre devait subir un noviciat d'un an, ce n'est qu'au bout de ce tems qu'il obtenait la faveur d'être reçu. Or voici quelques-unes des choses qu'on exigeait de lui '.

Le prieur chargé de l'instruction des novices devait surtout leur apprendre l'hmilité du cœur et celle du corps, à abandonner leur propre volonté ; comment ils devaient demander et obtenir pardon de leurs fautes; se prosterner devant ceux qu'ils auraient scandalisés et ne se relever qu'après en avoir obtenu pardon; comment ils ne devaient disputer avec personne, ni juger personne, interprêter toutes les actions en bien.

Les frères ne devaient ni rire d'une manière désordonnée, ni jeter leurs regards sur toutes choses, ni dire des paroles inutiles; ne point traiter ses livres ou ses habits avec négligence; ce qui était une faute légère.

Etre en discussion avec quelqu'un d'une manière déshonnête en présence des séculiers; avoir coutume de rompre le silence; garder quelque rancune ou quelque injure à celui qui a proclamé ou découvert ses manquemens au chapitre; aller à cheval, manger de la chair, porter de l'argent en voyage, regarder une femme ou parler

1 Voir Constitutiones fratrum ordinis prædicatorum, édit. in-32, Paris, Débécourt, 1841. Ces constitutions furent rédigées ou coordonnées en 1238 par le trésorier général Raymond de Pennaforte.

seul avec elle; écrire une lettre ou en recevoir sans permission; c'étaient des fautes graves, pour lesquelles on infligeait des prières et des jeûnes au pain et à l'eau.

Résister à son supérieur, frapper quelqu'un, cacher quelque chose qu'on a reçue commettre quelque action digne de mort dans le siècle; c'était une faute très-grave. Qu'il soit flagellé, dit la règle, dans le chapitre; qu'il mange à terre dans le réfectoire un pain grossier; que personne ne lui parle, si ce n'est les anciens pour l'exhorter au repentir.

Commettre le péché de la chair; accuser faussement quelqu'un d'une faute grave; jouer aux jeux de hasard; intriguer contre ses supérieurs, tout cela était puni de la prison et d'autres peines dont la dernière était d'être renvoyé de l'Ordre.

Tous les jours, une cérémonie lugubre, extraordinaire venait encore dompter ces volontés rebelles; la communauté s'assemblait, et là tous ceux qui avaient commis quelque faute, se prosternaient tout de leur long contre terre, sur le côté, afin que la honte parût sur le visage, et le prieur ordonnait une punition, souvent une flagellation qui était exécutée séance tenante. Bien plus, ceux qui avaient vu quelque fautes à la règle étaient obligés de les révéler, pourvu qu'ils pussent prouver leur dire par quelqu'un de présent. L'accusé s'humiliait, remerciait celui qui l'avait proclamé, subissait la pénitence, et tous ensemble ils chantaient ce cantique : « Toutes les nations, louez >> le Seigneur; notre aide est le nom du Seigneur. »>

On voit ce que devaient être, dans la société, de tels hommes, trempés, durcis, purifiés de la sorte et maîtres jusqu'à ce point d'euxmêmes. D'ailleurs il était enjoint de laisser parfaitement libres les novices qui voulaient quitter le couvent, de leur rendre tout ce qu'ils avaient apporté, et de ne pas même les molester par des paroles.

Les études étaient toutes dirigées pour faire non des payens ou des rhéteurs, mais des hommes connaissant parfaitement la foi évangélique, et capables de l'enseigner et de la faire goûter aux autres.

Voici ce que dit à ce sujet un historien : « Dominique exhortait >> constamment ses frères à être toujours occupés de la lecture du » Nouveau et de l'Ancien Testament; lui-même portait toujours sur » lui l'évangile de saint Matthieu et les épitres de saint Paul, et les lisait

>> si souvent, qu'il les savait à peu près par cœur. Car aimant et imitant » l'évangile et la vie et la doctrine des apôtres, il faisait fort peu de

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cas des inventions philosophiques. » Dans une lettre qu'on a conservée de lui il insiste encore sur la nécessité de la lecture des écritures et le soin de ne s'occuper que de l'étude des choses utiles et d'éviter toute dépense de curiosité.

Les novices ne devaient donc pas étudier dans les livres des payens et des philosophes, mais seulement en prendre connaissance en passant. -Ils ne devaient point, communément, apprendre les sciences séculières, ni les arts libéraux, mais seulement les livres de théologie; mais qu'ils y soient tellement attentifs, dit la règle, que le jour, la nuit, dans le couvent, en voyage, ils lisent ou méditent quelque chose qui y ait rapport, et, autant que possible, l'apprennent par cœur.

Ceux qui paraissaient aptes aux études devaient être envoyés aux universités; toutes les provinces devaient en envoyer deux à celle de Paris, et, outre cela, chaque province, excepté celle de Grèce, de l'Asie et de la Terre - Sainte, devait avoir, dans un de ses couvens, une université ou étude générale.

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Chaque province devait fournir à ceux qu'elle envoyait sa bibliothèque, des livres d'histoire et des sentences. - Tous les jours, conférence et discussion. Permission d'écrire, de lire, de prier, et même de veiller à la lumière, pour étudier dans les cellules.

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Les bacheliers étaient obligés de subir un nouvel examen en en, trant dans l'ordre. On ne pouvait être maître ou docteur, si l'on n'avait étudié, pour ce grade, au moins quatre ans dans une université. Aucune personne ne devait lire dans la Bible un autre sens littéral que celui qui était approuvé par les saints pères.

Le prix de tout livre vendu devait être appliqué à acheter de nouveaux livres ou manuscrits; aucun livre ne pouvait être publié sans la permission du supérieur.

Personne ne devait être promu aux ordres, s'il ne savait la grammaire, et parler et écrire en latin, sans fausse latinité.

Chaque couvent devait avoir au moins douze frères, dont dix de

Theod. de Appoldia in Vit. Dom., 1. tv, c. 4, apud Nat. Alex, Hist. ecel, tome vi, p. 239.

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