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Discipline Catholique.

DE LA VIE RELIGIEUSE

CHEZ LES CHALDÉENS.

S XVIII'.

Le nombre des frères augmente; plusieurs sont ordonnés prêtres; institution d'un cours régulier d'études et construction de l'église.-Persécution de la part du patriarche.

Il faut assigner à l'année 1814 la formation de la communauté et le commencement de la vie régulière des Religieux. Auparavant leur petit nombre, les troubles de la persécution, le manque d'un local convenable avaient empêché le P. Gabriel de suivre ponctuellement, avec ses disciples, la règle de saint Antoine.

De retour dans la montagne de Rahban Ormuzd, il divisa avec soin les exercices de la journée, et fixa les heures de la prière, du travail et du repos. Au milieu de la nuit, tous les frères devaient descendre au chœur et y chanter matines; au lever de l'aurore, ils revenaient psalmodier prime, tierce et laudes, entendre la messe et faire la méditation. Après le premier repas, vers le milieu du jour, ils récitaient sexte et none et attendaient ensuite que le soleil penchat vers le couchant, pour terminer les prières, par vepres et complies. Le souper qui suivait était plutôt une collation légère. L'extrême pauvreté de la maison rendait nécessaire la frugalité qu'ils s'étaient prescrite.

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Aux grandes solennités, comme Noël et Pâques, ils se permettaient l'usage exceptionnel de la viande. Les vendredis et mercredis, ainsi que tous les autres jours de jeûne et d'abstinence qui, dans le calendrier chaldéen, comprennent plus de la moitié de l'année, ils ne mangeaient ni œufs, ni laitage.

L'huile est rare, chère et de mauvaise qualité, bien que le sol soit favorable à la culture de l'olivier. Le défaut d'industrie, la négligence et la crainte des incursions des Curdes empêchent que l'on ne profite des qualités libérales du sol. Du pain, quelque légume bouilli, ou des fruits secs, étaient les mets habituels de leur régime austère. Ils substituaient au riz une autre espèce analogue, nommé Bourgour, d'une qualité inférieure et d'un prix si modique qu'il est la nourriture ordinaire des pauvres. Il se cuit à la façon du pilau persan ', préparation qu'ils font subira égalément au grain de froment, après l'avoir passé sous une meule qui lui enlève sa pellicule jaunâtre. L'eau pluviale de la citerne était la boisson unique de tous, le peu de vin qu'ils recueillent étant réservé pour le sacrifice de la messe et pour les hôtes de distinction.

La vue inaccoutumée de ces hommes vivant sous une sainte discipline engageait chaque année de nouveaux disciples à entrer dans leur société. Les volontaires devinrent même si nombreux que le P. Gabriel dut être exigeant et difficile dans le choix. L'élan de ferveur qui avait été communiqué à tous les villages catholiques des alentours, créa au sein de la nation chaldéenne une sorte de parti déclaré en faveur du monastère et faisant opposition à la maison puissante et toujours hostile du Patriarche. A la tête, étaient les prêtres instruits et exemplaires ; ils aimaient naturellement une institution qui leur donnerait des collègues ou des successeurs capables. A eux se ralliaient les âmes

Le pilau est le nom que l'on donne en Perse au riz crevé dans l'eau bouillante, et auquel on ajoute du sel, du beurre, et beaucoup d'autres assaisonnemens. Il est le mets national, et les Persans l'apprêtent avec un talent particulier.

craignant Dieu et vivant dans la douceur de la charité, parce qu'on ne peut, en effet, participer aux bienfaits de la vie mystique de l'Eglise, sans s'intéresser à ce qui contribue surtout à son affermissement et à sa gloire. Les musulmans eux-mêmes étaient gagnés, et l'on cite avec reconnaissance le nom d'un certain Younous (Jonas), Aga ou chef d'un village voisin, qui disait un jour naïvement au supérieur: « Je vous aime vous et vos disciples » parce que vous êtes vertueux et qu'on ne saurait vous donner » le nom de Giaours ou infidèles. Le culte que vous rendez » à Dieu vous disculpe de ce reproche, et de bonne foi, c'est plutôt nous qui le méritons. J'ai confiance en vos prières » et je vous en demande une petite part quotidienne. De mon côté, moi, je vous promets de vous protéger activement contre » des ennemis que je connais aussi bien que vous et qui ne rougissent point de travailler à la ruine de leurs frères. » Il faisait allusion à la famille Patriarchale, et celle-ci, tant que l'Aga vécut, n'osa rien entreprendre contre le monastère.

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L'an 1819, le supérieur choisit les quatre religieux que recommandaient leur piété et leur amour de l'étude et de la règle, afin de les élever aux saints ordres. La conduite équivoque du Patriarche avait obligé Rome de le suspendre momentanément; en conséquence, pour recevoir l'imposition des mains, il fallait aller à Merdin, siége de l'évêque suffragant. Le voyage, long de huit journées, était périlleux dans ces jours, où les tribus insoumises des Curdes et des Yezidis se livraient des guerres continuelles. Gabriel, en père tendre, ne voulut point se séparer d'enfans que le sacerdoce allait lui rendre plus chers en achevant de les vouer au Seigneur. Il partit avec eux, et quand ils eurent passé Djézireh, ils tombè. rent dans un parti de Gurdes révoltés contre le gouverneur de Merdin. Celui-ci avait jeté en prison quelques-uns de leurs chefs, et la tribu pensa que le moyen d'obtenir leur liberté était de retenir les cinq voyageurs pour otages. On les chargea de négocier l'échange, et ce ne fut pas sans fatigues, et surtout sans rançon qu'ils parvinrent à sortir de captivité. Trois frères furent promus à la prêtrise, le quatrième ne reçut que le diaconat. Leur retour au couvent ne manqua pas d'aventures. A Djézireh, ils montè

rent sur une des embarcations dites Keleks espèces de radeaux construits sur des outres gonflées et qu'on abandonne au fil du courant. Un des prêtres nouvellement ordonnés tomba par mégarde dans le fleuve et disparut sous le Kelek qui passa au-dessus de sa tête. Il ne savait point nager, et ses compagnons le croyaient enseveli dans les profondeurs du Tigre. Quelle fut leur surprise de le voir revenir sur l'eau, s'y soutenir par ses mouvemens, et avoir la présence d'esprit de s'attacher à un aviron que lui tendait le supérieur ! Tous les passagers, chrétiens et musulmans, regardèrent sa délivrance comme miraculeuse, et se prosternèrent spontanément pour remercier le suprême libérateur. Nous remarquons ce fait d'autant plus volontiers, que le religieux sauvé a été, depuis la mort du P. Gabriel, le chef et le conservateur du monastère. C'est lui que nous avons trouvé à sa tête, vieux et blanchi autant par les fatigues de la pénitence que par les années. Il se nomme Hanna, et nous louerons sa ferveur, sa modestie, sa simplicité, sa persévérante confiance en Dieu, vertus que vient de couronner une mort précieuse digne du nom de martyre.

Outre le supérieur et les trois religieux récemment élevés à la dignité sacerdotale, la communauté possédait l'autre prêtre qui, après avoir abjuré le Nestorianisme, était venu, dès le commencement, habiter les cavernes de Rahban Ormuzd. La réunion de cinq ministres permettait de donner aux offices plus de solennité, d'apporter plus de soin à la direction des consciences et d'exercer une mission parmi les chrétiens du voisinage au inoyen de la prédication et de l'enseignement du catéchisme. En répandant au dehors l'instruction, le P. Gabriel songeait à la développer à l'intérieur. Jusqu'alors l'enseignement avait été limité aux connaissances élémentaires et indispensables. Ceux qui les avaient acquises avec facilité et diligence furent choisis pour se livrer spécialement à l'étude. Ils formèrent une classe supérieure pour laquelle le P. Gabriel fit venir les maîtres les plus instruits de la nation. Il voulait qu'on leur donnât des leçons de logique et de métaphysique, innovation heureuse dans ces pays dénués de toute instruction. Le jour de l'ouverture du cours, il les as

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sembla et leur dit : « En vous donnant à Dieu, vous n'avez pas « renoncé à être utiles aux hommes. Le service de vos frères doit « au contraire être la conséquence du service parfait de Dieu. Or, pour les instruire et les éclairer, la science humaine est né» cessaire; elle prête aux vérités de la foi des formes propor«tionnées au goût et aux besoins de notre commune nature. Apprenez donc ce qu'ont dit et pensé les sages; mais n'oubliez jamais que leur sagesse est vaine en soi et n'acquiert de valeur » qu'autant qu'elle nous ramène à la sagesse divine, son principe, sa règle et sa fin. »

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Aux heures de récréation, les disciples de la classe supérieure aidaient les autres frères livrés aux travaux de la vie active. Une tâche longue et pénible occupait alors leurs bras et plusieurs années elle fit couler leurs sueurs. Ils bâtissaient l'Eglise, réunion de six chapelles agglomérées autour de la plus grande, qui est consacrée à saint Ormuzd. Les autres sont placées sous l'invocation de la Sainte Vierge, de saint Antoine, des anges Michel et Raphaël. Leur ensemble forme un édifice vaste et imposant, tourné de l'orient à l'ouest et dominant la vallée du monastère. Les pierres, taillées et régulièrement polies, ont été transportées à cette hauteur sur le dos des religieux, trop pauvres pour avoir des bêtes de charge, Le supérieur donnait l'exemple à ses manœuvres, en choisissant les blocs les plus lourds, et pour soutenir leur ardeur, il disait : « La construction de l'édifice est » le symbole de la vie religieuse, il faut journellement l'édifier » en soi, avec des fatigues nouvelles; du reste, espérez que le » monument achevé, vous serez aussi des moines accomplis '. L'an 1822 l'œuvre était terminée; mais l'opposition des ennemis. du monastère ne finissait jamais.

Le Patriarche qui, en recevant la foi orthodoxe, aurait dû se rappeler qu'elle a la charité pour compagne indispensable, se

La chaux et le plâtre étaient apportés par les paysans d'Alqouche et de Telescope, qui s'imposaient cette corvée méritoire les dimanches et les fêtes.

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