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gner. «Depuis un mois, repartit le supérieur, il est sorti et retourné » à Mossoul. Mais du moins, reprit le bey, je veux son trésor >> que Zourika alteste avoir été déposé entre vos mains. » L'invention du traître était bien trouvée pour la circonstance, nous qui, par notre entrée subite en Turquie, et privé, pendant l'hiver, de toute communication avec nos amis de Tauris et de Constantinople, avons été dans l'heureuse nécessité de pratiquer avec les moines la pauvreté évangélique. C'est ce que lui fit entendre la réponse du P. Hanna, qui dit que nous mangions avec eux les mets de leur frugale cuisine. « Tu mens, s'écria Ismael, » et à son ordre, le Père supérieur est garotté et enfermé avec tous les religieux dans une mème cellule ; un des soldats lui brise avec le poing une dent. Ils étaient entassés les uns sur les autres, et on leur refusait l'eau et le pain, afin de les contraindre à révéler le lieu du dépôt. Des soldats leur appliquaient sur le cou, sur les pieds et sur les jambes, des fers chauds, ou ils les battaient violemment, torture qui a duré, pour plusieurs, plus de cinq mois.

Pendant ce tems, avec l'instinct du vol qui distingue les Curdes, une partie des cavaliers rôdait dans le cloître, cherchant les effets qu'on avait cachés. De la sorte, ils trouvèrent les vases sacrés et les ornemens de l'église, tous offerts par la Propagande romaine aux PP. Gabriel et Hanna. L'église fut dévastée avec une impiété dont on n'avait jamais eu d'exemple. Les croix furent brisées, les statues et les images des saints mises en pièces. Des coups de lances étaient portés à celles que leur bras ne pouvait atteindre.

Comment s'étonner ensuite que les œuvres de tant d'auteurs chaldéens, grecs et arméniens, connus par leur mérite littéraire,

italien Bailo, et a la signification de Consul. Les musulmans de la Perse et de la Turquie donnent volontiers ce titre à certains voyageurs. Ils leur supposent gratuitement aussi de grandes sommes d'argent, soit à cause de la haute idée qu'ils ont de la richesse des Européens, soit aussi à raison de leur opinion que nous possédons le secret de la pierre philoso phale,

aient été anéanties, et qu'il n'en reste plus que le nom? La barbarie avec laquelle se font ici les guerres explique ces pertes, et nous devons, au contraire, admirer la conservation de plusieurs ouvrages, comme un prodige. Ainsi les Curdes ayant découvert la bibliothèque, ont brûlé une partie des livres et ont déchiré l'autre à coups de sabre. Le plaisir du mal et du désordre pouvait seul les pousser à cet acte, dont ils ne retirèrent aucun profit.

Durant la nuit, les novices et les jeunes frères, qu'on n'avait pas liés, s'échappèrent et s'enfuirent à Telescope, distant de deux lieues. Nous les avons vu venir ensuite successivement à Mossoul, avec les signes sanglans de la barbarie des infidèles. Le P. Supérieur et les douze religieux compagnons de sa captivité étaient réservés à d'autres tourmens. Le Bey, après les avoir enchaînés comme des malfaiteurs, les a traînés à la suite de sa petite armée. Plusieurs villages, appartenant aux chrétiens, ont été pillés avec la même inhumanité que le couvent.

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Le pacha de Mossoul, en apprenant l'incursion d'Ismaël Bey, a envoye sur le champ des troupes à sa poursuite. Mais pour les pauvres Chrétiens les deux armées sont des ennemis impitoyables. L'une et l'autre les spolient également. Le secours des soldats turcs leur est aussi fatal que l'hostilité des Curdes.

Plus d'un mois, le P. Hanna, malgré ses 70 ans, marcha nupieds, la chaîne au cou, à peine couvert de quelques haillons, en tête des cavaliers curdes, qui le frappaient brutalement. Zourika était l'instigateur, et de cette manière, dit-il, nous le contraindrons de livrer les trésors du couvent. Le Bey, qui espère de lui et de ses frères une grosse rançon, le retiendra tant qu'il pourra tenir tête aux troupes du pacha. Sa fuite ou sa défaite sera leur délivrance. Il en a congédié trois pour les envoyer quêter la somme qu'il exige; elle est si considérable que les Chaldéens, dans l'état de pauvreté où ils languissent actuellement, ne pourraient l'acquitter.

Un de ces frères quêteurs nous a raconté avec quelle force d'âme le P. Hanna supporte les coups, les fatigues et les humiliations. Lui, le plus vieux, donne l'exemple de la constance aux

jeunes, et le ciel lui conserve une force corporelle qui les étonne. Le jour de Pâques, étant parvenus à un village chaldéen, nommé Mézé, au district d'Amadia, ils furent reçus avec une charité compatissante de la part de ces Chrétiens, sectaires de Nestorius. Les prêtres et les principaux leur apportèrent des vivres, des vêtemens et des chaussures. Ils prièrent Ismaël Bey de les laisser chez eux, lui jurant qu'ils répondaient de leurs personnes. Zourika l'empêcha de consentir à la proposition. Cette sympathie des Nestoriens pour les Catholiques est d'un heureux augure; les préjugés haineux de ceux-là sont à peu près éteints et la réunion devient chaque jour moins difficile.

Le patriarche Nestorien, Mar Chímon, a néanmoins fait une démarche qui la retardera. Après avoir exprimé dans plusieurs lettres le désir de revenir à l'unité, il a imprudemment associé sa fortune à celle d'Ismaël Bey. Il est venu avec 5,000 montagnards jusque sur les frontières du territoire de Mossoul, sans doute dans l'intention de protester contre le gouvernement inique du pacha, qui, par ses exactions et son avarice, a soulevé contre lui la province. Mais Ismaël a prouvé par ses brigandages qu'il était un gouverneur plus intolérable, et il s'est mis en état de rébellion ouverte. Bien que Mar Chimon, à la nouvelle du pillage du monastère, ait rompu soudain toute alliance avec le chef curde et se soit retiré dans ses montagnes, il ne pourra se disculper devant la Porte, qui n'attend que l'occasion favorable pour le réduire lui et ses tribus. La dectruction de leur indépendance politique entre probablement dans le plan de la Providence qui prépare à ce peuple les moyens d'un rapprochement.

Les Nestoriens le désirent ; seulement, comme le défaut de garanties leur fait redouter le régime musulman, ils attendent l'intervention d'une puissance Chrétienne. Si celle qui a le privilège de défendre l'orthodoxie en Orient leur prêtait l'appui d'une protection ferme, ils se réuniraient sans aucun doute, d'abord à la Porte et ensuite à l'Eglise d'Occident.

Ismaël Bey avait enfermé les religieux dans la forteresse d'Amadia. La poignée de Curdes qui la défendait contre les troupes du pacha leur a résisté tout l'été. Quelles n'étaient pas

les horreurs de la détention parmi des Musulmans aussi fanatiques et au milieu de toutes les privations d'une place réduite à la famine! Les consolations spirituelles propres à adoucir les souffrances du corps, manquaient à nos prisonniers; et ils ne pouvaient réciter ensemble les heures canoniques, ni célébrer les saints mystères. La résignation absolue à la volonté divine était le sentiment qui les soutenait.

Le Père Hanna et le prêtre son compagnon étaient torturés avec une cruauté particulière. On eût dit que les infidèles prissent plaisir à se venger sur les deux ministres de Dieu de la guerre active que leur livrait le pacha. Souvent ils leur enfonçaient dans les chairs des broches ardentes pour les contraindre à livrer les prétendus trésors qu'on supposait enfouis dans les cellules du couvent. Ces blessures et celles causées par les chaînes firent bientôt de leur corps une seule plaie. La fièvre, que les chaleurs rendent commune dans ces lieux et très-maligne, les acheva, et vers le milieu de septembre, leur holocauste était consommé. Ils méritent le nom de martyrs, car souvent les Curdes les pressaient de renoncer à la foi Chrétienne et de devenir Musulmans. La liberté, l'argent et des honneurs auraient été la récompense de leur apostasie. Ces offres étaient rejetées avec indignation; et ils ont appris aux infidèles que les enfans de la véritable Église savaient toujours souffrir pour elle, et, au besoin, mourir.

Le P. Hanna était un vieillard plus que septuagénaire. Sa taille était élevée; sa figure, pâle et amaigrie par les austérités, avait une expression mêlée de noblesse et de douceur; l'un des premiers disciples du P. Gabriel, le restaurateur du monastère, il avait traversé, calme et persévérant, le tems difficile de sa formation. Sa patience défiait toutes les épreuves et changeait en mérite chacune d'elles.

Que les Catholiques, nos lecteurs, se souviennent à l'autel du P. Hanna et de son compagnon! Leurs prières, outre le mérite de la charité, auront peut-être encore les avantages spirituels de l'invocation.

Depuis nous avons su que les autres Religieux captifs sont rentrés dans le monastère et qu'ils y vivent avec une obéissance

présignée sous la irection des Pères Emmanuel et Elisée, qui nous ont transmis la majeure partie de ces renseignemens. Ils espèrent que le cœur des Catholiques d'Occident s'apitoyera sur leur malheureux sort et qu'ils les aideront à soutenir l'existence d'une institution de laquelle dépendent, en Chaldée, le triomphe et la conservation de la foi Catholique.

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