II. - Le commandement de l'amour de Dieu et du prochain (Matth., xx11, 37-39), ayant évidemment pour but d'enraciner en nous, au lieu de notre première vie de péché, le principe d'une vie nouvelle, sainte et agréable à Dieu (Jean, XIII, 34), de mettre en nous le lien de la perfection morale (Col., III, 14), et de nous amener, réellement purs et renouvelés, à n'être qu'un avec Dieu. (Jean, xvII, 21.) En traçant les caractères de l'amour de Dieu, Jésus enseignait qu'il doit: 1o être sincère, entier et parfait (Luc, x, 27); 2o se manifester par la soumission à la volonté divine et l'observation des commandements (Jean, xiv, 15, 21); 2o se proposér constamment la gloire de de Dieu (Matth., v, 16); et 4o être si fort en nous que nous soyons prèts, pour le nom de Dieu, à nous « perdre nousmêmes. (Marc, VIII, 35.) De même, en traçant les caractères de l'amour du prochain, il enseignait que nous devons: 1o aimer tous les hommes, non-seulement nos amis, mais encore nos ennemis (Matth., v, 44-48); 2° n'offenser notre prochain ni en action, ni en parole, ni même en pensée (v, 22; vII, 1, 2, 12); 3o supporter avec grandeur d'ame toutes les offenses et pardonner tous les outrages, non-seulement sept fois, mais jusqu'à septante fois sept fois (v, 38, 39; v1, 14; xvIII, 22); 4o user toujours de miséricorde envers le prochain, l'aider dans ses besoins (v, 36, 42; Luc, ví, 35); et 5o être prèts, s'il le faut, à « donner notre vie pour nos amis. » (Jean, xv, 13.) Et, pour exciter les hommes à recevoir et à remplir l'une et l'autre de ces lois, la loi de la foi et la loi des œuvres, le Seigneur Jésus leur montrait : 1o d'un côté ces affreux malheurs et ces tourments éternels dont Dieu, dans son infinie bonté, décréta de sauver le genre humain par son Fils unique, et auxquels seront inévitablement livrés tous les pécheurs s'ils ne suivent pas sa doctrine (Matth., xxv, 41; Luc, xIII, 28); et 2o, d'un autre côté, ces biens immenses et éternels que le Père céleste prépara, également en considération des mérites de son Fils bien-aimé, pour tous les justes qui suivent sa doctrine (Matth., xxx, 28, 29; xxv, 34) (1); 3o enfin cet amour infini (1) « Quoique Jésus-Christ dépeigne différemment les récompenses, Il les et porté au plus haut point, ce touchant amour de Dieu pour l'homme pécheur, qui s'est manifesté dans l'œuvre de notre affranchissement des peines éternelles et du don qui nous est fait de la félicité éternelle. (Jean, III, 16, 17; xv, 9, 13-15.) § 146. Jésus-Christ donna une loi nouvelle, plus parfaite, en échange de celle de Moïse. Cette loi de la foi et des œuvres, donnée par notre Sauveur Jésus-Christ, et tendant toute au salut de l'homme, est une loi nouvelle, plus parfaite que celle de Moïse ou de l'Ancien Testament, et l'a remplacée. C'est une loi nouvelle. Nous avons pour preuves de I. cette vérité : 1o Cette prédiction de Jérémie : « Le temps vient, dit le Seigneur, où je ferai une nouvelle alliance avec la maison d'Israël et avec la maison de Juda, non selon l'alliance que je fis avec leurs pères au jour où je les pris par la main pour les faire sortir de l'Égypte » (Jér., xxxx, 31, 32), c'est-à-dire non selon la loi de Sinaï, de l'Ancien Testament. Qu'il soit ici question de la nouvelle loi, que Dieu donna par Jésus-Christ, l'Apôtre saint Paul l'atteste (Hébr., vin, 6-13), et les Docteurs de l'Église le confirmèrent unanimement (1). 2o Ces paroles du Seigneur Jésus lui-même : « Je vous fais un commandement nouveau, que vous vous aimiez les uns les autres... comme je vous ai aimés » (Jean, XIII, 34); nouveau par l'élévation et la surabondance de cet amour qui est annoncé (comme je vous ai aimés), bien que l'amour du prochain fût déjà connu dans l'Ancien Testament. (Lév., xix, 18.) assigne tous dans le royaume, et quand Il dit que ceux qui pleurent seront consolés, que les miséricordieux obtiendront miséricorde, que les purs de cœur verront Dieu, que les pacifiques seront appelés enfants de Dieu, à tous ceux-là Il ne désigne que le royaume des cieux. Celui qui a reçu ces biens, celui-là recevra sans doute aussi à la fin le royaume des cieux. Ne croyez donc pas que cette récompense ne sera que pour les pauvres d'esprit; elle sera également, par lagrace de Dieu, le partage de ceux qui sont altérés de justice, de ceux qui sont doux et de tous les autres. Il mentionne à chaque commandement la béatitude, afin que vous n'attendiez rien de sensuel. On ne peut être bien heureux étant récompensé par ce qui en cette vie se détruit et disparait plus vite qu'une ombre. » (Chrys., sur Matth., serm. xv, n. 3, t. I, p. 278.) (1) Ambros. Epist. XLIV ad Horentian. n. 15; Chrysostom. De Pænit. homil. VI, n. 4; Lactant. Divin. Instit., iv, cap. 20. 3o Enfin les lois nouvelles que renferme la doctrine de Christ et qui ne se trouvaient pas dans l'Ancien Testament. Ainsi (c'est l'article fondamental de la foi!) Jésus-Christ nous enseigne qu'll est nommément le Messie promis de toute antiquité (Jean, v, 39; Luc, xxiv, 27), le Fils unique de Dieu, qui s'incarna pour notre salut (Jean, III, 16); et en conséquence Il nous impose à tous: l'obligation de croire en Lui: «L'œuvre de Dieu est que vous croyiez en Celui qu'il a envoyé » (Jean, VI, 29); Vous croyez Dieu, croyez aussi en moi » (XIV, 1); « Celui qui croit en moi a la vie éternelle VI, 47); - l'obligation de l'aimer et de garder ses commandements: « Demeurez dans mon amour » (xv, 9); « Si vous m'aimez, gardez mes commandements » (XIV, 15); - l'obligation de lui rendre les honneurs divins : « Que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui n'honore point le Fils n'honore point le Père. » (v, 23.) Telles sont aussi ses lois : sur l'accomplissement et la nécessité pour tous du sacrement du Baptême (Marc, xvi, 16; Jean, I, 5), qu'Il institua pour remplacer la circoncision de l'Ancien Testament (Col., 1, 11, 12); - sur l'accomplissement et la nécessité pour tous du sacrement de l'Eucharistie (Jean, ví, 53-58), qu'Il institua en remplacement des sacrifices et des oblations de l'Ancien Testament (Matth., xvI, 28; I Cor., xı, 25); - sur l'indissolubilité du mariage « pour quelque chose que ce soit, »> sauf certains cas extraordinaires, tandis que dans l'Ancien Testament le divorce était permis aux Juifs, « à cause de la dureté de leur cœur » (Matth., xix, 3-9; Marc, x, 2-9); — sur l'institution de la hiérarchie du Nouveau Testament (Luc, ví, 13; Éph., Iv, 11), substituée aux prêtres de l'Ancien Testament, qui étaient de la tribu de Lévi, selon l'ordre d'Aaron. « Or, le sacerdoce étant changé, >> comme l'assure l'Apôtre, « il faut nécessairement ⚫ que la loi soit aussi changée. » (Hébr., vII, 12.) II. - C'est une loi plus parfaite que celle de Moïse ou de l'Ancien Testament. En effet : 1o La loi de Moïse n'était qu'une prép ration à la loi de l'Évangile; « elle a servi de conducteur pour nous mener comme des enfants à Jésus-Christ. » (Gal., 1, 24.) Là il n'y avait que « l'ombre des biens à venir, » tandis que la loi évangélique offre « l'image même des choses. » (Hébr., x, 1.) Là il n'y avait que des promesses sur le Messie, des prédictions, des figures; ici se montre l'accomplissement mème des promesses, des prédictions et des figures (1). 2o Dans la loi évangélique sont exposées, avec bien plus de clarté et de plénitude, les principales vérités de la foi sur les mystères de la très-sainte Trinité, de l'Incarnation, de la Rédemption, de la régénération, de la sanctification par la grâce du Saint-Esprit, et sur la vie à venir, sujets sur lesquels l'Ancien Testament ne présentait que des allusions. 3o Dans la loi évangélique, et particulièrement dans le discours du Sauveur sur la montagne, sont décrites, avec bien plus de plénitude et d'élévation que dans l'ancienne loi, les vérités morales et les vertus, comme le généreux support et le pardon des offenses, l'amour des ennemis, le renoncement à soi-même et l'humilité, l'attachement filial à Dieu comme Père infiniment bon, la pureté, non-seulement du corps, mais aussi de l'ame (Matth., V-VII; XI, 29), l'amour des chrétiens les uns pour les autres, suivant le grand amour du Sauveur lui-même pour eux (Jean, XIII, 34), etc. « La loi défend,» écrit saint Grégoire le Théologien, « de commettre le péché, et nous inculpe même les causes presque comme les actions. La loi dit : Vous ne commettrez point d'adultère (Matth., v, 27); mais vous, gardez-vous même du désir; n'allez pas allumer en vous la passion par un regard curieux et attentif. Il est dit dans la loi : Vous ne tuerez point (Ibid., 21); mais vous, non-seulement ne vous vengez point, mais livrez-vous à celui qui vous a frappé. Combien le second n'est-il pas plus sage que le premier!... La loi dit: Ne joignez point maison à maison et terres à terres (1) Ces idées sont développées par : Irénée (adv. Hæres., III, 12, n. 12; IV, 34, n. 2); Tertullien (Adv. Marcion., IV, 1, 11, 21; v, 2); particulièrement par Eusebe (Demonstr. evang., 1, 5, 6, 7), et d'autres. (Is., v, 8), affligeant le faible et le pauvre (Éz., xx1, 29); mais vous, soyez prèt à donner même ce que vous avez acquis avec justice, et vous dépouillez en faveur des pauvres, pour vous charger aisément de la croix et vous enrichir de l'invisible (1). » 4o Enfin dans la loi évangélique sont aussi proposés à l'homme des motifs bien plus élevés et bien plus purs, pour le porter à remplir la volonté divine, que dans la loi de Moïse. La dernière, du moins prise à la lettre, se bornait, sous ce rapport, à la promesse des biens temporels (Ex., xx, 12; Lév., XXVI, 3; Deut., XXVIII, 2), tandis que la première fait regarder surtout, et même exclusivement, aux biens éternels, spirituels, à la vie au delà de la tombe. (Matth., v, 5, 12, 19, 20; xIx, 28, 29; xxv, 34.) « Ici on promet, » dit saint Jean Chrysostome, « non une terre découlant de lait et de miel, ni une grande vieillesse, ni beaucoup d'enfants, ni le pain et le vin, ni des troupeaux de brebis et de taureaux, mais le ciel et les biens célestes, l'adoption et la fraternité avec l'Unique, la participation à l'héritage, à la gloire et au royaume, et d'autres récompenses infinies (2). » D'un autre côté, la loi morale de Moïse, comme inséparablement unie avec la loi civile, en menaçant de la mort ou d'un autre supplice l'infraction de presque chacun des dix commandements, excitait l'homme au bien plutôt par la crainte, en sorte que les Juifs, selon l'expres (1) Serm. de Páques; Œuvr. des saints Pères, iv, 170-171. La même remarque se trouve aussi dans saint Jean Chrysostome: « La doctrine (de JésusChrist) n'a point abrogé l'ancienne loi, elle l'a augmentée et accomplie. Ainsi le commandement: Vous ne tuerez pas, n'est pas aboli par celui-ci: Ne vous irritez pas; au contraire le second sert de complément et de confirmation au premier. On doit en dire autant de tous les autres. Ainsi, par exemple, il est ordonné non-seulement d'être bienfaisant, mais encore de donner jusqu'à sa chemise; non-seulement d'ètre doux, mais encore, si l'on est frappé sur une joue, de présenter aussi l'autre. » (Sur Matth., hom. xvi, n. 3, t. I, p. 309-311.) Théodoret dit de même : « L'ancienne loi condamne l'adultère (Ex., xx, 14), mais la loi évangélique nomme ainsi même le coupable désir qui provient d'un regard voluptueux. (Matth., v, 28.) L'ancienne loi défend le parjure (Matth., v, 33), mais la nouvelle interdit jusqu'au serment. (Ibid., 34.) L'ancienne ordonne au mari de renvoyer sa femme s'il a de l'aversion pour elle (Deut., xxiv, 1); mais, selon la nouvelle, le renvoi d'une femme, sauf pour cause d'adultère, cela même est un adultère. » (Somm. des Dogm. div., chap. 16; Lect. chr., 1844, IV, 332.) (2) Sur Matth., hom. xvi, n. 5, t. 1, p. 317. |