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des matières de foi ont plus de force sur les esprits que les vérités réelles et effectives des choses de physique ou de métaphysique, desquelles on se met fort peu en peine. M. Descartes a écrit de l'existence de Dieu. C'en est assez à ce calomniateur pour exercer son faux zèle et pour opprimer toutes les vérités que défend son ennemi. Il l'accuse d'être un athée, et même d'enseigner finement et secrètement l'athéisme, ainsi que cet infâme athée nommé Vanini, qui fut brûlé à Toulouse, lequel couvrait sa malice et son impiété en écrivant pour l'existence d'un Dieu; car une des raisons qu'il apporte que son ennemi est un athée, c'est qu'il écrivait contre les athées, comme faisait Vanini, qui pour couvrir son impiété écrivait contre les athées.

C'est ainsi qu'on opprime la vérité lorsqu'on est soutenu par les apparences de la vérité, et que l'on s'est acquis beaucoup d'autorité sur les esprits faibles. La vérité aime la douceur et la paix,. et, toute forte qu'elle est, elle cède quelquefois à l'orgueil et à la fierté du mensonge qui se pare et qui s'arme de ses appa rences. Elle sait bien que l'erreur ne peut rien contre elle; et si elle demeure quelque temps comme proscrite et dans l'obscurité, ce n'est que pour attendre des occasions plus favorables de se montrer au jour; car enfin elle paraît presque toujours plus forte et plus éclatante que jamais dans le lieu même de son oppression.

On n'est pas surpris qu'un ennemi de M. Descartes, qu'un homme d'une religion différente de la sienne, qu'un ambitieux qui ne songe qu'à s'élever sur les ruines des personnes qui sont au-dessus de lui, qu'un déclamateur sans jugement, que Voët parle avec mépris de ce qu'il n'entend pas et qu'il ne veut pas entendre. Mais on a raison de s'étonner que des gens qui ne sont ennemis ni de M. Descartes ni de sa religion aient

pris des sentiments d'aversion et de mépris contre lui, à cause des injures qu'ils ont lues dans des livres composés par l'ennemi de sa personne et de sa religion.

Le livre de cet hérétique, qui a pour titre Desperata causa papatus, fait assez voir son impudence, son ignorance, son emportement et le désir qu'il a de paraître zélé pour acquérir par ce moyen quelque réputation parmi les siens. Ainsi ce n'est pas un homme qu'on doive croire sur sa parole. Car de même qu'on ne doit pas croire toutes les fables qu'il a ramassées dans ce livre contre notre religion, l'on ne doit pas aussi croire sur sa parole les accusations atroces et injurieuses qu'il a inventées contre son ennemi.

Il ne faut donc pas que des hommes raisonnables se laissent persuader que M. Descartes est un homme dangereux, parce qu'ils l'ont lu dans quelque livre, ou bien parce qu'ils l'ont ouï dire à quelques personnes dont ils respectent la piété. Il n'est pas permis de croire les hommes sur leur parole lorsqu'ils accusent les autres des plus grands crimes. Ce n'est pas une preuve suffisante pour croire une chose que de l'entendre dire par un homme qui parle avec zèle et avec gravité; car enfin ne peut-on jamais dire des faussetés et des sottises de la même manière qu'on dit de bonnes choses, principalement si on s'en est laissé persuader par simplicité et par faiblesse?

Il est facile de s'instruire de la vérité ou de la fausseté des accusations que l'on forme contre M. Descartes; ses écrits sont faciles à trouver et fort aisés à comprendre lorsqu'on est capable d'attention. Qu'on lise donc ses ouvrages, afin que l'on puisse avoir d'autres preuves contre lui qu'un simple ouï-dire; et j'espère qu'après qu'on les aura lus et qu'on les aura bien médités, on ne l'accusera plus d'athéisme, et que l'on aura au

contraire tout le respect qu'on doit avoir pour un homme qui a démontré d'une manière très-simple et très-évidente, non-seulement l'existence d'un Dieu et l'immortalité de l'âme, mais aussi une infinité d'autres vérités qui avaient été inconnues jusqu'à son temps.

CHAPITRE VII

Du désir de la science, et des jugements des faux savants,

L'esprit de l'homme a sans doute fort peu de capacité et d'étendue, et cependant il n'y a rien qu'il ne souhaite de savoir; toutes les sciences humaines ne peuvent contenter ses désirs, et sa capacité est si étroite qu'il ne peut comprendre parfaitement une seule science particulière. Il est continuellement agité, et il désire toujours de savoir, soit parce qu'il espère trouver ce qu'il cherche, comme nous avons dit dans les chapitres précédents, soit parce qu'il se persuade que son âme et son esprit s'agrandissent par la vaine possession de quelques connaissances extraordinaires. Le désir déréglé de son bonheur et de sa grandeur fait qu'il étudie toutes les sciences, espérant trouver son bonheur dans les sciences de morale, et cherchant cette fausse grandeur dans les sciences spéculatives.

D'où vient qu'il y a des personnes qui passent toute leur vie à lire des rabbins et d'autres livres écrits dans des langues étrangères, obscures et corrompues, et par des auteurs sans goût et sans intelligence; si ce n'est parce qu'ils se persuadent que, lorsqu'ils savent les langues orientales, ils sont plus grands et plus élevés que ceux qui les ignorent? Et qui peut les soutenir dans leur travail ingrat, désagréable, pénible et inutile, si ce n'est l'espérance de quelque élévation et la vue de

quelque vaine grandeur? En effet, on les regarde comme des hommes rares; on leur fait des compliments sur leur profonde érudition; on les écoute plus volontiers que les autres et quoiqu'on puisse dire que ce sont ordinairement les moins judicieux, quand ce ne serait qu'à cause qu'ils ont employé toute leur vie à une chose fort inuutile, et qui ne peut les rendre ni plus sages ni plus heureux; néanmoins on s'imagine qu'ils ont beaucoup plus d'esprit et de jugement que les autres. Étant plus savants dans l'origine des mots, on se laisse persuader qu'ils sont savants dans la nature des choses.

C'est pour la même raison que les astronomes emploient leur temps et leur bien pour savoir au juste ce qu'il est non-seulement inutile, mais impossible de savoir. Ils veulent trouver dans le cours des planètes une exacte régularité qui ne s'y rencontre jamais, et dresser des tables astronomiques pour prédire des effets dont ils ne connaissent pas les causes. Ils ont fait la sélénographie ou la géographie de la lune, comme si l'on avait quelque dessein d'y voyager. Ils l'ont déjà donnée en partage à tous ceux qui sont illustres dans l'astronomie; il y en a peu qui n'aient quelque province en ce pays, comme une récompense de leurs grands travaux; et je ne sais s'ils ne tirent point quelque gloire d'avoir été dans les bonnes grâces de celui qui leur a distribué si magnifiquement ces royaumes.

D'où vient que des hommes raisonnables s'appliquent si fort à cette science et demeurent dans des erreurs très-grossières à l'égard des vérités qu'il leur est trèsutile de savoir, si ce n'est qu'il leur semble que c'est quelque chose de grand que de connaître ce qui se passe dans le ciel? La connaissance de la moindre chose qui se passe là-haut leur semble plus noble, plus relevée et plus digne de la grandeur de leur esprit que la connaissance des choses viles, abjectes et corrupti

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