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et qui aspirent à la qualité d'esprit fort. Ces sortes de gens ne comprennent pas les vérités les plus simples, ou, s'il les comprennent, ils les contestent toujours par esprit de contradiction et pour conserver leur réputation d'esprits forts.

Quelques-uns de ces principes de morale les plus généraux sont que Dieu ayant fait toutes choses pour lui, il a fait notre esprit pour le connaître et notre cœur pour l'aimer; qu'étant aussi juste et aussi puissant qu'il est, on ne peut être heureux si l'on ne suit ses ordres, ni malheureux si on les suit; que notre nature est corrompue, que notre esprit dépend de notre corps, notre raison de nos sens, notre volonté de nos passions; que nous sommes dans l'impuissance de faire ce que nous voyons clairement être de notre devoir, et que nous avons besoin d'un libérateur. Il y a encore plusieurs autres principes de morale, comme : que la retraite et apénitence sont nécessaires pour diminuer notre union avec les objets sensibles, et pour augmenter celle que nous avons avec les biens intelligibles, les vrais biens, les biens de l'esprit; qu'on ne peut goûter de plaisir violent sans en devenir esclave; qu'il ne faut jamais rien entreprendre par passion; qu'il ne faut point chercher d'établissement en cette vie, etc. Mais parce que ces derniers principes dépendent des précédents et de la connaissance de l'homme, ils ne doivent point passer d'abord pour incontestables. Si l'on médite sur ces principes avec ordre et avec autant de soin et d'application que la grandeur du sujet le mérite, et si l'on ne reçoit pour vrai que les conclusions tirées conséquemment de ces principes, on aura une morale certaine et qui s'accordera parfaitement avec celle de l'Évangile, quoiqu'elle ne soit pas si achevée ni si étendue. J'ai tâché de démontrer par ordre les fondements de la morale dans un traité particulier, mais je souhaite, et pour

moi et pour les autres, qu'on donne un ouvrage et plus exact et plus achevé.

Il est vrai que, dans les raisonnements de morale, il n'est pas si facile de conserver l'évidence et l'exactitude que dans quelques autres sciences, et que la connaissance de l'homme est absolument nécessaire à ceux qui veulent pousser un peu loin cette science, et c'est pour cela que la plupart des hommes n'y réussissent pas. Ils ne veulent pas se consulter eux-mêmes pour reconnaître les faiblesses de leur nature. Ils se lassent d'interroger le Maître qui nous enseigne intérieurement ses propres volontés, lesquelles sont les lois immuables et éternelles et les vrais principes de la morale. Ils n'écoutent point avec plaisir celui qui ne parle point à leurs sens, qui ne répond point selon leurs désirs, qui ne flatte point leur orgueil secret; ils n'ont aucun respect pour des paroles qui ne frappent point l'imagination par leur éclat, qui se prononcent sans bruit, et que l'on n'entend jamais clairement que dans le silence des créatures. Mais ils consultent avec plaisir et avec respect Aristote, Sénèque, ou quelques nouveaux philosophes qui les séduisent ou par l'obscurité de leurs paroles, ou par le tour de leurs expressions, ou par la vraisemblance de leurs raisons.

Depuis le péché du premier homme nous n'estimons que ce qui a rapport à la conservation du corps et à la commodité de la vie, et parce que nous découvrons ces sortes de biens par le moyen des sens, nous en voulons faire usage en toutes rencontres. La sagesse éternelle qui est notre véritable vie, et la seule lumière qui puisse nous éclairer, ne luit souvent qu'à des aveugles et ne parle souvent qu'à des sourds lorsqu'elle ne parle que dans le secret de la raison, car nous sommes presque toujours répandus au dehors. Comme nous interrogeons sans cesse toutes les créatures pour apprendre quelque nou

velle du bien que nous cherchons, il fallait, comme j'ai déjà dit ailleurs, que cette sagesse se présentât devant nous, sans toutefois sortir hors de nous, afin de nous apprendre, par des paroles sensibles et par des exemples convaincants, le chemin pour arriver à la vraie félicité. Dieu imprime sans cesse en nous un amour naturel pour lui, afin que nous l'aimions sans cesse; et, par ce même mouvement d'amour, nous nous éloignons sans cesse de lui en courant de toutes les forces qu'il nous donne vers les biens sensibles qu'il nous défend. Ainsi, voulant être aimé de nous, il fallait qu'il se rendit sensible et se présentât devant nous, pour arrêter, par la douceur de sa grâce, toutes nos vaines agitations, et pour commencer notre guérison par des sentiments ou des délectations semblables aux plaisirs prévenants qui avaient commencé notre maladie.

Ainsi, je ne prétends pas que les hommes puissent facilement découvrir par la force de leur esprit toutes les règles de la morale qui sont nécessaires au salut, et encore moins qu'ils puissent agir selon leur lumière, car leur cœur est encore plus corrompu que leur esprit. Je dis seulement que, s'ils n'admettent que des principes évidents, et que s'ils raisonnent conséquemment sur ces principes, ils découvriront les mêmes vérités que nous apprenons dans l'Évangile; parce que c'est la même sagesse qui parle immédiatement par elle-même à ceux qui découvrent la vérité dans l'évidence des raisonnements, et qui parle par les saintes écritures à ceux qui en prennent bien le sens.

Il faut donc étudier la morale dans l'Evangile pour s'épargner le travail de la méditation, et pour apprendre avec certitude les lois selon lesquelles nous devons régler nos mœurs. Pour ceux qui ne se contentent point de la certitude, à cause qu'elle ne fait que convaincre. l'esprit sans l'éclairer, ils doivent méditer avec soin sur

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ces lois, et les déduire de leurs principes naturels, afin de connaître par la raison avec évidence ce qu'ils savaient déjà par la foi avec une entière certitude. C'est ainsi qu'ils se convaincront que l'Évangile est le plus solide de tous les livres, que Jésus-Christ connaissait parfaitement la maladie et le désordre de la nature, qu'il y a remédié de la manière la plus utile pour nous, et la plus digne de lui qui se puisse concevoir; mais que les lumières des philosophes ne sont que d'épaisses ténèbres; que leurs vertus les plus éclatantes ne sont qu'un orgueil insupportable; en un mot, qu'Aristote, Sénèque et les autres ne sont que des hommes, pour ne rien dire davantage.

CHAPITRE VII

De l'usage de la première règle, qui regarde les questions particulières.

Nous nous sommes suffisamment arrêtés à expliquer la règle générale de la méthode, et à faire voir que M. Descartes l'a suivie assez exactement dans son système du monde, et qu'Aristote et ses sectateurs ne l'ont point du tout observée. Il est maintenant à propos de descendre aux règles particulières qui sont nécessaires pour résoudre toutes sortes de questions.

Les questions que l'on peut former sur toute sorte de sujets, sont de plusieurs espèces dont il n'est pas facile de faire le dénombrement; mais voici les principales: quelquefois on cherche les causes inconnues de quelques effets connus; quelquefois on cherche les effets inconnus par leurs causes connues. Le feu brûle et dissipe le bois; on en cherche la cause. Le feu consiste dans un très-grand mouvement des parties du bois; on veut savoir quels effets ce mouvement est capable de produire, s'il peut durcir la boue, fondre le fer, etc.

Quelquefois on cherche la nature d'une chose par ses propriétés; quelquefois on cherche les propriétés d'une chose dont on connaît la nature. On sait ou l'on suppose que la lumière se transmet en un instant, que cependant elle se réfléchit et se réunit par le moyen d'un miroir concave, en sorte qu'elle dissipe ou qu'elle fond les

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