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l'état présent de ceux de ses membres qui peuvent se rencontrer parmi nous, semble contraire aux lois du royaume. C'est pour jeter quelque lumière sur toute cette matière, que je viens examiner devant vos Seigneuries les trois questions suivantes :

» Que faut-il penser des éloges que peut avoir reçus depuis son origine jusqu'à sa destruction la société des jésuites? Que faut-il penser des accusations qui lui ont été intentées ? Que faut-il penser de son rétablissement par Pie VII, de l'introduction de ses membres dans notre France ?

>> Je puis dire que dans cette discussion, nobles pairs, je n'aurai d'autre règle que la justice, ni d'autre politique que la vérité.

» Amis et ennemis s'accordent sur trois points, et sur le talent des jésuites pour l'éducation de la jeunesse, et sur leurs succès prodigieux dans les missions étrangères, et sur l'austérité de leurs mœurs.

» Jamais instituteurs n'ont mieux connu l'art de gagner la confiance de leurs élèves, de diriger leur esprit et leur cœur, et de les animer d'une noble émulation, Le plus célèbre écrivain de nos jours, et qui siége dans cette Chambre, a remarqué qu'ils étoient singulièrement agréables à la jeunesse, et l'illustre chancelier Bâcon leur avoit rendu ce témoignage qu'il n'étoit rien de mieux pour l'instruction de la jeunesse, que ce qui se pratiquoit dans les classes des jésuites.

» Au lieu de les suivre dans leurs courses apostoliques au sein des nations les plus superstitieuses, les plus incultes, les plus sauvages, je me borne à dire qu'il existe un monument irrécusable des prodiges opérés par eux en ce genre, dans le recueil des Lettres édifiantes et curieuses, dont Fontenelle a dit que jamais livre n'avoit mieux rempli son titre. Robertson s'est joint à Montesquieu et à Buffon pour célébrer le zèle et les travaux de la société.

» Quant à la sainteté de leur vie, je n'invoque qu'un témoignage, celui d'un prélat qui n'étoit pas leur ami, et qui, à l'époque de leur destruction en France, publia une lettre pastorale dans laquelle il disoit : «On leur rend volon» tiers cette justice, qu'il n'y a peut-être pas d'ordre dans l'Eglise dont les religieux soient plus réguliers et plus » austères dans leurs mœurs. »

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Tome 11.

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Je passe aux accusations qui leur furent intentées. On les accusa de professer universellement une morale fort relâchée, ou bien d'avoir à dessein des casuistes exacts et des casuistes complaisans, afin de se servir des uns et des autres, suivant les goûts de chacun, et de dominer par là tous les esprits.

> Oui, Messieurs, la société eut des casuistes commodes qui auroient voulu applanir les routes de la vertu, en conciliant, s'il étoit possible, avec la sainte pureté de l'Evangile, les foiblesses et les penchans déréglés de l'humanité; ils furent condamnés par le Saint-Siége et le clergé de France; mais, pour être juste, il faut dire que cette molle condescendance ne leur étoit pas particulière; que pour un théologien condamnable dans une décision, on en trouveroit vingt de la même société qui ne l'étoient pas; qu'un des plus grands adversaires du relâchement fut son général Thyrse Gonzalès, loué, à ce sujet, par Bossuet dans l'assemblée du clergé de 1700, et je crois devoir faire remarquer que la plupart des jésuites immolés au ridicule dans les Provinciales, n'étoient pas Français. Fut-il jamais moraliste plus exact que Bourdaloue ? et combien d'autres prédicateurs de la même compagnie ont marché sur ses traces ?

» Quelle apparence que vingt mille religieux répandus. dans les diverses contrées du royaume fussent les complices d'un effroyable complot, celui de corrompre à dessein le dépôt de la morale sacrée pour s'accommoder aux désirs de tous? Ainsi donc ces Religieux qui étoient des hommes irréprochables dans leur vie privée, savans, lettrés, dévoués à leurs devoirs, à toutes les œuvres les plus pénibles du zèle et de la charité, n'auroient été qu'un amas de fourbes et de scélérats, corrupteurs de la morale par système, et se jouant de ce qu'il y a de plus sacré aux yeux du chrétien. En vérité, si quelque chose peut faire voir ici l'innocence des accusés, c'est bien la monstruosité de l'accusation. »>

M. le Ministre des affaires ecclésiastiques a terminé son discours, en discutant la partie légale du rapport de M. le comte Portalis.

Nous ne saurions trop accumuler les apologies dans ce grand procès des jésuites, qui occupe aujourd'hui tant d'esprits. Aussi, aux discours précédens, nous ajouterons

quelques fragmens de celui qu'a prononcé M. le vicomte de Bonald.

Dans le volume qu'il a mis en vente sous le titre de Pétition à la Chambre des Pairs, dit M. de Bonald, le comte de Montlosier apprend que la cour royale a déclaré, par arrêt du mois d'août dernier, qu'il n'y avoit ni crime, ni délit, ni contravention dans les quatre chefs de la Dénonciation que le pétitionnaire avoit déférée à cette cour. Il ajoute qu'il y a lieu de présumer que toutes les cours royales de France auroient jugé de même : et c'est dans cet état de la cause qu'il vient dénoncer les mêmes chefs d'accusation à la Chambre des pairs. Sans s'occuper des trois premiers, sur lequel le comité avoit proposé l'ordre du jour, M. de Bonald a cru devoir s'attacher uniquement au dernier, dont on a demandé le renvoi au président du conseil des ministres. Il est loin de la pensée du noble pair de faire ici l'apologie de la compagnie de Jésus : cette compagnie n'a besoin d'autre apologie que son histoire. A la même époque où un moine allemand prêchoit, sous le nom de réforme, une doctrine d'indépendance ou plutôt de licence d'abord religieuse, puis politique, un soldat espagnol fondoit une doctrine d'obéissance sous le nom d'Institut des Jésuites. Une fois lancés dans le monde, la Réforme et l'Institut des Jésuites allèrent se partageant les esprits et les Etats. On a reproché aux jésuites un esprit d'envahissement et d'agrandissement; mais a-t-on oublié que, dans la nature morale comme dans la nature physique, tout ce qui a vie doit, sous peine de périr, croître, s'éten ́dre, s'agrandir; depuis les corps de magistrature jusqu'aux corporations d'artisans, tout tend à sortir de sa sphère, tout gravite contre le gouvernement, et romproit l'équilibre de la société, si le gouvernement ne gravitoit seul contre toutes ces ambitions, pour maintenir l'harmonie dans le monde moral par une loi semblable au système d'attraction et de répulsion du monde physique. Plus fortement constituée que toute autre, parce qu'il y avoit plus d'obéissance, la société des jésuites devoit s'agrandir et s'étendre: elle s'étendit en effet. Trois pauvres étudians jurent aux pieds des autels de convertir le monde, et vingt ans après ils catéchisent les enfaus en Europe et baptisent les rois dans les Indes. Ici ils combattent l'erreur, là ils instruisent l'ignorance ou civilisent la barbarie. En Europe, ils sont controversistes, philosophes, littérateurs, historiens; en

Asie, ils sont mathématiciens, astronomes, médecins, ar tistes; en Amérique, fondateurs de sociétés; partout missionnaires de la religion, partout confesseurs de la foi et souvent ses martyrs. Ils envahissent la société pour la régler, et le monde pour le convertir,

» Qu'on y prenne garde, continue le noble pair, on veut entraîner la France dans les mêines voies de persécution contre la religion de l'Etat funeste carrière que les Anglais ont ouverte, et qu'après trois siècles ils n'ont pu encore fermer. Qu'on parcoure les pages sanglantes de leurs annales! on verra la proscription des mêmes hommes commencer ce terrible drame; douloureux rapprochement qui contient pour la France une grande leçon ! Après la proscription d'un institut religieux, viendra la torture des consciences, viendront les sermens de test ou d'allégeance, auxquels le pétitionnaire invite déjà dans son article II; viendront enfin les expulsions et les violences; et plaise à Dieu que nos enfans ne soient pas réduits à solliciter un jour cette émancipation que sept millions de catholiques réclament en vain en Irlande ! » Le noble pair a terminé en rejetant le renvoi au ministre, qui, pour satisfaire de coupables espérances et d'implacables ressentimens, tiendroit en alarmes tant de familles,

De la situation du clergé, de la magistrature et du ministère, à l'ouverture de la session de 1827, et du moyen de consolider en France le gouvernement constitutionnel; par M. Cottu, conseiller à la Cour royale de Paris, chevalier de la Legion-d'Honneur.

LA brochure de M. le conseiller Cottu se présente au public avec tout l'attirail obligé des noirs pressentimens du libéralisme, et l'illustre magistrat ne peut pas se reprocher d'y avoir rien omis, M. Cottu est en proie à de grandes terreurs. En voici le sujet : Ce sont des institutions aristocratiques les plus fortement repoussées par les nouvelles mœurs; c'est une cour fastueuse dont la pompe, au lieu d'éblouir, importune un peuple devenu économe parce qu'il est devenu calculateur; c'est une no¬

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blesse qui s'est toujours tenue séparée du reste de la nation par l'origine hostile qu'elle s'attribue, et dont les mépris et les prétentions ne sont compensés, aux yeux du peuple, par aucun zèle pour ses intérêts, ni par aucun soin pour ses souffrances; c'est une chambre des pairs dont les priviléges irritent toutes les autres classes de la société ; c'est l'influence politique de la religion romaine, influence qui doit nécessairement alarmer les partisans sincères de la liberté; c'est une nouvelle milice sacerdotale que le ministère envoie dans les provinces, non pour prêcher l'Evangile, mais la monarchie; c'est surtout ce malheureux clergé dont la domination inspire une aversion insurmontable, et qui, loin de chercher à calmer l'agitation des esprits, a cru voir, dans la protection dont il devenoit l'objet, l'occasion favorable pour revendiquer hautement la plénitude de l'autorité spirituelle et temporelle; c'est la plus grande partie du clergé qui adopte la doctrine ultramontaine de M. de la Mennais; c'est la congrégation dont les œuvres pieuses ne sont que des prétextes destinés à couvrir des vues toutes mondaines; ce sont les trois points auxquels le clergé paroît borner, aujourd'hui, ses désirs, en attendant qu'il déroule la longue série de ses prétentions (il demande, ce clergé si redoutable, l'instruction exclusive de la jeunesse, un traitement indépendant et le mariage religieux); ce sont surtout les ultramontains qui se trouvent en dehors de la religion de l'Etat; ce sont les projets criminels de cette maudite congrégation qui demande, pour la répression de la licence de la presse, ou une haute magistrature, ou une loi qui autorise le gouvernement à en poursuivre les délits, ou un jury pour décider le fait de la criminalité en cette matière; ce sont les cours royales elles-mêmes qui, un jour animées par les jésuites de toute la fureur du fanatisme ultramontain, n'auront plus d'autre ambition que celle d'allumer le bûcher des victimes que les tribunaux ecclésiastiques, dans leur feinte horreur du sang, leur enverront à immoler (témoin le fait bien constaté de ce malheureux juiť brûlé le 31 juillet dernier, à Valence en Espagne, comine hérétique); ce sont les ministres soumis au joug de la congrégation, qui craignent d'exécuter les lois du royaume contre les jésuites, qui souffrent dans les séminaires les doctrines ultramontaines; qui, ne voulant pas d'abord la guerre d'Espagne, ni la loi contre le sacrilege, ont eu la

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