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TABLETTES

DU CLERGÉ

ET

DES AMIS DE LA RELIGION.

LA PRIERE.

La roi brillant du jour, se couchant dans sa gloire,

Descend avec lenteur de son char de victoire.
Le nuage éclatant qui le cache à nos yeux
Conserve en sillons d'or sa trace dans les cieux,
Et d'un reflet de pourpre inonde l'étendue.
Comme une lampe d'or, dans l'azur suspendue,
La lune se balance aux bords de l'horizon;
Ses rayons affoiblis dorment sur le gazon,
Et le voile des nuits sur les monts se déplie:
C'est l'heure où la nature, un moment recueillie,
Entre la nuit qui tombe et le jour qui s'enfuit,
S'élève au créateur du jour et de la nuit,
Et semble offrir à Dieu, dans son brillant langage,
De la création le magnifique hommage."

Voilà le sacrifice immense, universel.
L'univers est le temple, et la terre est l'autel;
Les cieux en sont le dôme; et ces astres sans nombre,
Ces feux demi voilés, pâle ornement de l'ombre,
Dans la voûte d'azur avec ordre semés,

Sont de sacrés flambeaux pour ce temple allumés.

Tome 11.

I

1

Et ces nuages purs qu'un jour mourant colore,
Et qu'un souffle léger, du couchant à l'aurore,
Dans les plaines de l'air repliant mollement,
Roule en flocons de pourpre aux bords du firmament,
Sont les flots de l'encens qui monte et s'évapore
Jusqu'au trône du Dieu que la nature adore.

Mais ce temple est sans voix. Où sont les saints concerts ?
D'où s'élèvera l'hymne au Roi de l'univers ?
Tout se tait mon cœur seul parle dans ce silence.
La voix de l'univers, c'est mon intelligence:
Sur les rayons du soir, sur les ailes du vent,
Elle s'élève à Dieu comme un parfum vivant;
Et, donnant un langage à toute créature,
Prête pour
l'adorer mon âme à la nature.
Seul, invoquant ici son regard paternel,
Je remplis le désert du nom de l'Eternel;
Et celui qui, du sein de sa gloire infinie,
Des sphères qu'il ordonne écoute l'harmonie,
Ecoute aussi la voix de mon humble raison,
Qui contemple sa gloire et murmure son nom.

Salut, principe et fin de teismême et du monde, Toi qui rends d'un regard l'immensité féconde; Ame de l'univers, Dieu, père, créateur,

1

Sous tous ces noms divers, je crois en toi, Seigneur;
Et sans avoir besoin d'entendre ta parole,
Je lis au front des cieux mon glorieux symbole.
L'étendue à mes yeux révèle ta grandeur,
La terre ta bonté, les astres ta splendeur;)
Tu t'es produit toi-même en ton brillant ouvrage,
L'univers tout entier réfléchit ton image,
Et mon âme, à son tour, réfléchit l'univers.
Ma pensée, embrassant tes attributs divers,
Partout autour de toi te découvre et t'adore,
Se contemple soi-même et t'y découvre encore.
Ainsi l'astre du jour éclate dans les cieux,
Se réfléchit dans l'onde et se peint à mes yeux.

C'est peu de croire en toi, bonté, beauté suprême;
Je te cherche partout, j'aspire à toi, je t'aime,
Mon âme est un rayon de lumière et d'amour
Qui, du foyer divih, détachée pour un jour,

De désirs dévorans loin de toi consumée,
Brûle de remonter à sa source enflammée.
Je respire, je sens, je pense, j'aime en toi..
Ce monde qui te cache est transparent pour moi ;
C'est toi que je découvre au fond de la nature,
C'est toi que je bénis dans toute créature.
Pour m'approcher de toi j'ai fui dans ces déserts;
Là, quand l'aube, agitant son voile dans les airs,
Entr'ouvre l'horizon qu'un jour naissant colore,
Et sème sur les monts les perles de l'aurore,
Pour moi, c'est ton regard qui, du divin séjour,
S'entr'ouvre sur le monde et lui répand le jour.
Quand l'astre, à son midi, suspendant sa carrière,
M'inonde de chaleur, de vie et de lumière,
Dans tes puissans rayons, qui raniment mes sens,
Seigneur, c'est ta vertu, ton souffle que je sens ;
Et, quand la nuit, guidant son cortège d'étoiles,
Sur le monde endormi jette ses sombres voiles,
Seul, au sein du désert ét de l'obscurité,
Méditant de la nuit la douce majesté,

Enveloppé de calme, et d'ombre, et de silence,
• Mon âme de plus près adore tá présence;
D'un jour intérieur je me sens éclairer,
Et j'entends une voix qui me dit d'espérer.

Oui, j'espère, Seigneur, en ta magnificence: Partout, à pleines mains, prodiguant l'existence, Tu n'aurais pas borné le nombre de mes jours A ces jours d'ici-bas, si troublés et si courts. Je te võis en tous lieux conserver ét produire; Celui qui peut créer dédaigne de détruire. Témoin de ta puissance et sûr de ta bonté, J'attends le jour sans fin de l'immortalité. La mort m'entoure en vain de ses ombres funèbres, Ma raison voit le jour à travers ces ténèbres. C'est le dernier degré qui n'approche de toi; C'est le voile qui tombe entre ta face et moi. Hate pour moi, Seigneur, ce moment que j'implore, si dans tes secrets tu le retiens encore, Entends du haut du ciel le cri de mes besoins : L'atome et l'univers sont l'objet de tes soins. Des dons de ta bonté soutiens mon indigence; Nourris mon corps de pain, mon âme d'espérance;

Ou ;

Réchauffe d'un regard de tes yeux tout-puissans
Mon esprit éclipsé par l'ombre de mes sens;
Et, comme le soleil aspire la rosée,

Dans ton sein à jamais absorbe ma pensée."

Par M. Alph. DE LAMARTINE,

De la position des écrivains ecclésiastiques au commencement de l'année 1827:

Si l'Eglise de Jésus-Christ, fondée sur la pierre ferme, étoit toujours honorée par ses enfans et respectée par ses ennemis, les fonctions que remplissent aujourd'hui les écrivains ecclésiastiques seroient superflues, parce que cette même Eglise, qui doit survivre à tout, est riche en doctrine, et féconde en beaux modèles. Elle possède tous les monumens nécessaires au maintien de la foi et de la discipline, et tous les exemples qui doivent former et encourager les âmes vertueuses. Elle peut se passer de nouvelles leçons et de nouveaux exemples.

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Mais, dans un siècle d'argile et d'égoïsme, cette épouse pure et sans tache est méconnue par ceux qui se disent nés dans son sein. Sa foi et ses croyances ne sont plus, aux yeux même des hommes qui pensent les honorer encore, qu'une sorte de fictions sublimes, un monde imaginaire, dans lequel l'âme se jette comme à son gré pour s'élever au-dessus du néant de ce monde terrestre et périssable; tandis que, d'un autre côté, de froids sceptiques, analysant la foi, comme on, analyse une suite de théorèmes mathématiques, confondent la religion avec la religiosité, et n'y voient rien de positif qu'une morale sans dogmes, et des préceptes qu'ils façonnent à leur manière. Parmi les défenseurs même de cette religion si nécessaire au monde, parmi les appuis de cette Eglise, dépositaire de la foi et de la vraie religion, trouvons-nous toujours ce zèle impartial qui doit être le premier attribut de celui qui en veut être l'apôtre? On écrit aujourd'hui pour soi; peu importe que la foi s'affoiblisse de jour en jour, que l'impiété remporte de nouvelles victoires; l'essentiel est de se faire lire et d'occuper les feuilles publiques et les cercles brillans du bruit de są

renommée. On consacrera son temps et ses veilles à la défense de ses opinions et de ses systèmes, parce qu'aujourd'hui on s'envisage soi-même avant toutes choses; on est en quelque sorte la voie et la vérité, et tout ce qui n'est pas nous, tout ce qui ne confond pas nos opinions et nos idées avec la vérité par essence, est dans l'erreur, et n'a plus pour partage que la mort, le néant, les ruines, les tombeaux, les spectres, l'enfer et tout l'attirail obligé de certaines productions dont on a beaucoup vanté le mé

rite.

Au milieu d'une société placée entre les triomphes d'une philosophie audacieuse et les entreprises inconsidérées de novateurs qui semblent dédaigner l'Eglise telle que Dieu l'a faite; dans un siècle où rien ne flatte que ce qui est neuf et hardi, où les hommes semblent n'avoir plus d'autre parti à prendre que de s'endormir sur la foi et l'éternité, avec les sceptiques, ou bien de se battre sans cesse pour des opinions et pour des subtilités; lorsque l'homme calme et réfléchi, qui aime son Dieu, son roi, sa patrie, qui donneroit pour ces biens si chers, sa fortune et sa vie, ne peut› plus les envisager que comine un dépôt confié en quelque sorte à la garde du sommeil ou du somnambulisme; quelles résolutions, quelles pensées doivent entrer dans l'âme de celui qui ne veut que la religion et la royauté, et qui, parmi ces hommes toujours armés pour eux-mêmes, n'en' trouve point qui soient disposés à s'armer uniquement pour notre sûreté et pour notre avenir ?

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Sans doute le repos et l'obscurité sont le plus beau partage de celui qui songe encore aux années éternelles, et qui veut s'occuper de lui-même devant Dieu, et non devant les hommes. Mais, si l'obscurité convient à celui qui médite encore et qui se place au-delà des bornes du temps, le repos absolu n'est-il pas, pour tous les fidèles, une cou◄ pable indifférence, lorsque la foi est attaquée de toutes parts, et trouve si peu de véritables défenseurs? Sans doute les beaux génies qui ont illustré l'Eglise, ont laissé à leurs successeurs dans le sacerdoce, des armes puissantes qui doivent encore la faire triompher; mais, puisque l'Eglise est encore livrée aux attaques de l'hérésie et de l'incrédulité, n'est-il pas nécessaire de déployer ses ressources et de faire usage des moyens qu'elle possède, que lui a donnés son divin auteur, et qui ont été mis en œuvre par les grands hommes nés dans son sein? Des hommes du jour, avides

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