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338. - «Deux cas, a dit M. Troplong, peuvent être prévus en cette matière, l'un, qui a lieu lorsque les travaux d'utilité publique et les entreprises d'intérêt général n'entraînent pas d'engagements du trésor; l'autre, qui a lieu lorsque ces grandes créations ont pour conditions des obligations ou des crédits à la charge du trésor.

<< Le premier cas soulève une question de droit constitutionnel sur lequel votre commission n'a pas longtemps hésité; elle a considéré que la puissance législative n'avait été investie du droit de décréter les travaux et entreprises dont il s'agit, que parce qu'après la révolution de 1830, la forme du gouvernement avait fait définitivement pencher du côté des chambres la prépondérance politique. Avant cette époque, c'était par décret impérial ou par ordonnance royale que les travaux publics étaient autorisés et que l'utilité publique était déclarée. Telle était la disposition de la loi de 1810, qu'on n'accusera pas d'un empiétement jaloux; car toutes les lois qui, dans des temps postérieurs, se sont occupées de l'expropriation pour cause d'utilité publique ont eu pour but de modérer les garanties exagérées que la loi du 8 mars 1810 avait données à la propriété privée et de dégager l'intérêt public des entraves qui le compromettaient. Sans doute, le pouvoir d'exproprier est exorbitant du droit commun, et l'on ne saurait livrer la propriété privée aux caprices d'autorités subalternes, mais le pouvoir central est placé si haut et dans de telles conditions d'impartialité, qu'il est le juge le plus juste et le plus éclairé de l'utilité publique. Sans doute encore les grands travaux demandent des vues

d'ensemble et des combinaisons étendues; mais le pouvoir central n'est chargé d'administrer en grand que parce qu'il est excellemment posé pour les embrasser. Il reste donc dans son rôle d'administration suprême en dirigeant l'activité nationale vers les travaux qui développent la richesse du pays et mettent à côté des populations les véritables moyens de combattre la misère. On convient, cependant, que toutes les fois que ces travaux imposent à l'État des dépenses non prévues, l'allocation des crédits appartient au pouvoir politique qui est appelé par la constitution à voter l'impôt. Mais, notons-le bien, ce sont les frais du travail et non le travail en lui-même qui sont soumis à la sanction législative. Pour que l'équilibre soit conservé entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, il faut que le premier reste appréciateur libre, souverain, de l'utilité et de la direction du travail, comme l'autre reste juge en dernier ressort de la dépense d'où il suit que si l'État n'est pas constitué en dépense par ces entreprises, si, par exemple, elles sont concédées à des compagnies qui consentent à les conduire à fin sans engagement du trésor, la puissance législative est désintéressée et toute l'opération demeure dans le domaine exclusif du pouvoir exécutif. L'État, en effet, n'aliène aucune partie du domaine public; il ne contracte aucune obligation onéreuse; il s'enrichit, au contraire, par des créations qui augmentent la prospérité publique et doivent un jour lui faire retour : le prince est donc l'unique représentant de la nation pour ordonner, traiter ou stipuler sur ces sortes de matières (1).

(1) Par analogie, les concessions de mines sont une attribution

Qu'une compagnie anonyme établisse à ses propres frais un chemin de fer, l'État, par la concession, acquiert une voie nouvelle (loi 15 juillet 1845, art. 1o); mais il n'aliène aucune portion préexistante de la grande voirie. Il fait l'affaire du public, gère comme un bon père de famille, et augmente le patrimoine de la société au lieu de le grever par des charges. La loi du 8 mars 1810 était donc dans le vrai lorsqu'elle disait (art. 3) qu'un décret impérial pouvait seul ordonner les travaux publics. Par contre, il faut reconnaître qu'un vote du corps législatif peut seul autoriser la dépense.

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339. Après avoir retracé l'histoire de la législation antérieure, le savant rapporteur continuait en ces termes : « Votre commission à l'unanimité vous propose donc, messieurs, l'adoption des deux premiers paragraphes de l'art. 4; mais elle y met une condition qui forme l'objet d'un amendement consenti par MM. les commissaires du gouvernement: c'est que, si les travaux et entreprises ont pour conditions des engagements ou des subsides du trésor, le crédit devra être accordé par une loi avant la mise à exécution. Il serait, en effet, dangereux que les travaux fussent commencés avant le vote législatif; les finances de l'État pourraient être compromises par des entreprises précipitées. Le vote législatif qui viendrait ensuite manquerait d'une suffisante indépendance en présence des faits accomplis. Il n'y a pas d'inconvénients, dans la plupart des cas, à attendre la réunion du corps politique qui décide les questions d'impôts. du pouvoir exécutif. (Loi 21 avril 1810, art. 16.) (Note de l'auteur du rapport.)

Il est bon et prudent de lui réserver une entière prérogative à cet égard. »>

Cette restriction au droit du pouvoir exécutif est, en effet, formulée par le troisième paragraphe de l'art. 4 en ces termes : «Néanmoins, si ces travaux et

entreprises ont pour conditions des engagements << ou des subsides du trésor, le crédit devra être ac« cordé ou l'engagement ratifié par une loi avant « l'exécution. >>

340. << Toutefois, disait encore M. Troplong, nous avons prévu que certaines circonstances extraordinaires pourraient peser sur le gouvernement et exiger de lui une prompte action. En cas de guerre, de grands sinistres et autres faits de force majeure, un gouvernement vigilant ne saurait perdre dans une attente fatale un temps précieux. Un paragraphe final vous propose donc d'autoriser alors le gouvernement à ouvrir des crédits supplémentaires et à se mettre à l'œuvre avant que le corps législatif se réunisse. A la plus prochaine session, ce corps serait appelé à se prononcer sur ces crédits.

« Mais nous ferons remarquer au sénat que ces exécutions d'urgence ne sauraient jamais avoir lieu pour les grands travaux et entreprises d'utilité publique concédés à des compagnies, moyennant des engagements du trésor. Alors il sera nécessaire toujours, et dans tous les cas, d'attendre le vote du corps législatif.>>

Ainsi se trouvent fixés l'esprit et la portée du quatrième paragraphe de l'art. 3 ainsi conçu : « Lors« qu'il s'agit de travaux exécutés pour le compte « de l'État, et qui ne sont pas de nature à devenir « l'objet de concessions, les crédits peuvent être ou

« verts, en cas d'urgence, suivant les formes pres<< crites pour les crédits extraordinaires : ces crédits <<< seront soumis au corps législatif dans sa plus pro«< chaine session. »>

541. L'acte qui autorise une entreprise d'utilité publique est, dans la plus haute acception du mot, un règlement d'administration dont la réforme ou la modification ne peut être demandée par la voie contentieuse. (Voy. ord. 22 novembre 1826, comp. du canal de Givors; décr. 1er juin 1849, PontsAsnières de la Châtaigneraye.) On ne comprendrait guère, en effet, qu'il fût possible de venir combattre, au nom des intérêts particuliers, un acte dont le but est précisément de proclamer un intérêt auquel sa généralité assure une invincible prédominance sur les droits privés. D'un autre côté, l'appréciation d'utilité qui lui sert de fondement, est trop évidemment du ressort exclusif de l'administrateur pour que le juge puisse songer à l'examiner sous ce rapport (1). S'ensuivra-t-il que les concessionnaires d'un premier établissement seront exposés sans défense, au préjudice que doit entraîner pour eux l'exécution d'une entreprise nouvellement autorisée ? En aucune manière. Les droits fondés sur une concession ne diffèrent point de ceux que les particuliers peuvent avoir acquis à tout autre titre. Les propriétaires d'un canal ne sauraient s'opposer à l'établissement d'un chemin de fer, mais ils n'en sont pas moins sous la protection des dispositions qui obligent l'État à dédommager les citoyens des sacrifices imposés en vue de l'intérêt

(1) Il est, néanmoins, susceptible d'être déféré au conseil d'État pour cause d'excès de pouvoir. (Voy. infrà, no 348.)

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