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L'un (3) commence: il a dit que, l'aurore levée,
L'on fit venir demain ses amis pour l'aider.
S'il n'a dit que cela, repartit l'alouette,

Rien ne vous presse encor de changer de retraite :
Mais c'est demain qu'il faut tout de bon écouter.
Cependant soyez gais: voilà de quoi manger.
Eux repus, tout s'endort, les petits et la mère.
L'aube du jour arrive, et d'amis point du tout.
L'alouette à l'essor, le maître s'en vient faire
Sa ronde ainsi qu'à l'ordinaire.

Ces blés ne devroient pas, dit-il, être debout.
Nos amis ont grand tort, et tort (4) qui se repose
Sur de tels paresseux, à servir ainsi lents.
Mon fils, allez chez nos parents

Les prier de la même chose.
L'épouvante est au nid plus forte que jamais.
Il a dit ses parents! mère! c'est à cette heure...
Non, mes enfants, dormez en paix ;
Ne bougeons de notre demeure.

L'alouette eut raison, car personne ne vint.
Pour la troisième fois, le maître se souvint
De visiter ses blés. Notre erreur est extrême,
Dit-il, de nous attendre à d'autres gens que nous..
Il n'est meilleur ami ni parent que soi-même.
Retenez bien cela, mon fils. Et savez-vous
Ce qu'il faut faire? Il faut qu'avec notre famille
Nous prenions dès demain chacun une faucille:
C'est là notre plus court: et nous acheverons

Notre moisson, quand nous pourrons.
Dès-lors que ce dessein fut su de l'alouette:
C'est ce coup qu'il est bon de partir, mes enfants!
Et les petits, en même temps,
Voletants, se culebutants (5),
Délogèrent tous sans trompette (6).

(3) L'une.

(4) Ellipse trop forte. Et a tert aussi celui se repose, etc. (5) Voletant, se culebutant

étant ici gérondif, ne peuvent pas s'employer au pluriel.

(6) S'enfuirent doucement et sans bruit.

FIN DU QUATRIÈME LIVRE.

LIVRE CINQUIEME.

FABLE PREMIÈRE.

Le Bûcheron et Mercure.

A M. LE C. D. B.

VOTRE goût a servi de règle à mon ouvrage :
J'ai tenté les moyens d'acquérir son suffrage.
Vous voulez qu'on évite un soin trop curieux,
Et des vains ornements l'effort ambitieux;
Je le veux comme vous: cet effort ne peut plaire.
Un auteur gâte tout quand il veut trop bien faire.
Non qu'il faille bannir certains traits délicats:
Vous les aimez, ces traits; et je ne les hais pas.
Quand au principal but qu'Esope se propose,

J'y tombe au moins mal que je puis.
Enfin, si dans ces vers je ne plais et n'instruis,
Il ne tient pas à moi; c'est toujours quelque chose.
Comme la force est un point
Dont je ne me pique point,

J'y tâche d'y tourner le vice en ridicule,
Ne pouvant l'attaquer avec des bras d'Hercule.
C'est là tout mon talent: je ne sais s'il suffit.
Tantôt je peins en un récit

La sotte vanité jointe avecque l'envie,

Deux pivots sur qui (1) roule aujourd'hui notre vie :

(1) Sur lesquels, qui précédé d'une préposition ne pouvant se dire des choses,

Tel est ce chétif animal (2)

Qui voulut en grosseur au bœuf se rendre égal.
J'oppose quelquefois par une double image
Le vice à la vertu, la sottise au bon sens,

Les agneaux aux loups ravissants,

La mouche à la fourmi; faisant de cet ouvrage
Une ample comédie à cent actes divers,
Et dont la scène est l'univers.

Hommes, dieux, animaux, tout y fait quelque rôle,
Jupiter comme un autre. Introduisons celui (3)
Qui porte de sa part aux belles la parole:
Ce n'est pas de cela qu'il s'agit aujourd'hui.

Un bûcheron perdit son gagne-pain (4).
C'est sa cognée; et la cherchant en vain,
Ce fut pitié là-dessus de l'entendre.
Il n'avoit pas des outils à revendre :
Sur celui-ci rouloit tout son avoir (5).
Ne sachaut donc où mettre son espoir,
Sa face étoit de pleurs toute baignée :
O ma coguée! ô ma pauvre cognée!
S'écrioit-il Jupiter, rends-la-moi ;

Je tiendrai l'être (6) encore un coup de toi.
Sa plainte fut de l'Olympe entendue.
Mercure vient. Elle n'est pas perdue,
Lui dit ce dieu; la connaîtras-tu bien ?
Je crois l'avoir près d'ici rencontrée.
Lors une d'or à l'homme étant montrée,
Il répondit: Je n'y demande rien.
Une d'argent succède à la première :
Il la refuse. Enfin une de bois.
Voilà, dit-il, la mienne cette fois.
Je suis content si j'ai cette dernière.
Tu les auras, dit le dieu, toutes trois :
Ta bonne foi sera récompensée.

(2) La grenouille, fable 3, liv. I.

(3) Mercure, messager des dieux.

ODL

ANA

(4) Ce qui fait gagner la vie à quelqu'un.

(5) Tout son bien.
(6) La vie.

En ce cas-là je les prendrai, dit-il.
L'histoire en est aussitôt dispersée (7))
Et boquillons (8) de perdre leur outil,
Et de crier pour se le faire rendre.

Le roi des dieux ne sait auquel entendre,
Son fils Mercure aux criards vient encor:
A chacun d'eux il en montre une d'or."
Chacun eût cru passer pour une bête
De ne pas dire aussitôt: La voilà !
Mercure, au lieu de donner celle-là,
Leur en décharge un grand coup sur la tête.

Ne point mentir, être content du sien,
C'est le plus sûr: cependant on s'occupe
A dire faux pour attraper du bien.
Que sert cela? Jupiter n'est pas dupe.

(7) Expression impropre: on ne disperse que ce qui peut se diviser, pour le répandre çà et là; il falloit répandue.

(8) Vieux mot qui signifie'

bucheron.

II. Le Pot de terre et le Pot de fer.

LE pot de fer proposa

Au pot de terre un voyage.
Celui-ci s'en excusa,

Disant qu'il feroit que sage (1)

De garder le coin du feu ;
Car il lui falloit si peu,
Si peu que la moindre chose
De son débris (2) seroit cause:
Il n'en reviendroit morceau.

(1) Gallicisme hors d'usage. Que sage signifie fort sage

ment.

(2) Expression impropre;

débris signifie le reste d'une chose détruite ou fracassée: de sa perte ou de sa ruine eût été plus correct.

Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.
Nous vous mettrons à couvert,
Repartit le pot de fer:
Si quelque matière dure
Vous menace, d'aventure.
Entre deux je passerai,
Et du coup vous sauverai.
Cette offre le persuade.
Pot de fer son camarade
Se met droit à ses côtés.
Mes geus s'en vont à trois pieds
Clopin clopant (8) comme ils peuvent,
L'un contre l'autre jetés

Au moindre boquet qu'il treuvent (4).

Le pot de terre en souffre: il n'eut pas fait cent pas,
Que par son compagnon il fut mis eu éclats,
Sans qu'il eût lieu de se plaindre.

Ne nous associons qu'avecque nos égaux ;
Ou bien il nous faudra craindre

Le destin d'un de ces pots.

(3) Familier et vieux. Il si- et en clochant un peu. gnifie, en marchant avec peine, (4) Trouvent.

III. Le petit Poisson et le Pêcheur.

PETIT poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie.
Mais le lâcher en attendant,

Je tiens pour moi que c'est folie:
Car de le rattrapper il n'est pas trop certain.

Un carpeau, qui n'étoit encore que fretin (1)

(1) Très-petit.

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