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Et puisque nous voici tombés sur ce sujet:
On avoit mis des gens au guet,

Qui, voyant sur les eaux de loin certain objet,
Ne purent s'empêcher de dire

Que c'étoit un puissant navire.

Quelques moments après, l'objet devint brûlot,
Et puis nacelle, et puis ballot,

Enfin bâtons flottants sur l'onde..

J'en sais beaucoup de par le monde
A. qui ceci conviendroit bien.:.

De loin, c'est quelque chose; et de près, ce n'est rien.

XI. La Grenouille et le Rat.

TEL, comme dit Merlin (1), cuide engeigner (2) autrui,
Qui souvent s'engeigne (3) soi-même.

J'ai regret que ce mot soit trop vieux aujourd'hui :
Il m'a toujours semblé d'une énergie extrême.
Mais afin d'en venir au dessein que j'ai pris ::
Un rat plein d'embonpoint, gras, et des mieux nourris,
Et qui ne connoissoit l'avent ni le carême (4),
Sur le bord d'un marais égayoit ses esprits.
Une grenouille approche, et lui dit en sa langue:
Venez me voir chez moi, je vous ferai festin.
Messire rat promit soudain :

Il n'étoit pas besoin de plus longue harangue.
Elle allégua pourtant les délices du bain,
La curiosité, le plaisir du voyage,

Cent raretés à voir le long du marécage:
Un jour il conteroit à ses petits enfants

Les beautés de ces lieux, les mœurs des habitants,

(1) Fameux magicien anglois dont il est beaucoup parlé dans L'Arioste,

(2) Pense duper, tromper. (3) Se dupe, se trompe. (4) Ni abstinence, ni jeûne. E.6

Et le gouvernement de la chose publique (5)
Aquatique.

Un point sans plus tenoit le galant empêché:
Il nageoit quelque peu, mais il falloit de l'aide.
La grenouille à cela trouve un très-bon rèmede:
Le rat fut à son pied par la patte attaché;

Un brin de jonc en fit l'affaire.

Dans le marais entrés, notre bonne commère
S'efforce de tirer son hôte au fond de l'eau,
Contre le droit des gens, contre la foi jurée;
Prétend qu'elle en fara gorge-chaude (6) et curée (7) :
C'étoit, à son avis, un excellent morceau.
Déjà dans son esprit la galante le croque.
Il atteste les dieux; la perfide s'en moque:
Il résiste; elle tire. En ce combat nouveau,
Un milan qui dans l'air planoit, faisoit la ronde,
Voit d'en-haut le pauvret se débattant sur l'onde,
Il fond dessus, l'enlève, et par, même moyen,
La grenouille et le lien.

Tout en fut; tant et si bien,
Que de cette double proie
L'oiseau se donne au cœur joie,
Ayant, de cette façon,

A souper chair et poison.

La ruse la mieux ourdie
Peut nuire à son inventeur;
Et souvent la perfidie
Retourne sur son auteur,

(5) République.

(6) Faire gorge chaude, si

nifie se moquer, se divertir. (7) Un bon repas.

XII.. Tribut envoyé par les Animaux à Alexandre,

UNE fable avoit cours parmi l'antiquité;

Et la raison ne m'en est pas connue...

Que le lecteur en tire une moralité :
Voici la-fable toute nue.

La renommée ayant dit en cent lieux
Qu'un fils de Jupiter, un certain Alexandre,
Ne voulant rien laisser de libre sous les cieux,
Commandoit que, sans plus attendre,.
Tout peuple à ses pieds s'allât rendre,.
Quadrupèdes, humains, éléphants, vermisseaux,
Les républiques des oiseaux :

La déesse aux cent bouches (1), dis-je,
Ayant mis partout la terreur

En publiant l'édit du nouvel empereur,
Les animaux, et toute espèce lige (2)
De son seul appétit, crurent que cette fois
Il falloit subir d'autres lois.

On s'assemble au désert: Tous quittent leur tanière.
Après divers avis, on résout, on conclut,
D'envoyer hommage et tribut.

Pour l'hommage et pour la manière,
Le singe en fut chargé : l'on lui mit par éerit
Ce que l'on vouloit qui fût dit.

Le seul tribut les tint en peine :
Car que donner? il falloit de l'argent.
On en prit d'un prince obligeant,
Qui, possédant dans son domaine
Des mines d'or, fournit ce qu'on voulut..
Comme il fut question de porter ce tribut,
Le mulet et l'âne s'offrirent,
Assistés du cheval ainsi que du chameau.

Tous quatre en chemin ils se mirent
Avec le singe, ambassadeur nouveau.
La caravane (3) enfin rencontre en un passage
Monseigneur le lion. Cela ne leur plut point.
Nons nous rencontrons tout à point,
Dit-il, et nous voici compagnons de voyage.
J'allois offrir mon fait à part;

(1) La Renommée.

(2) Qui ne dépendoit que,

(3) La troupe,

Mais, bien qu'il soit léger, tout fardeau m'embarrasse,
Obligez-moi de me faire la grâce (4)

Que (5) d'en porter chacun un quart:
Ce ne vous sera pas une charge trop grande ;
Et j'en serai plus libre, et bien plus en état,
En cas que les voleurs attaquent notre bande,.
Et que l'on en vienne au combat..
Econduire un lion rarement se pratique..
Le voilà donc admis, soulagé, bieu reçu,
Et malgré le héros de Jupiter issu (6),
Faisant chère et vivant sur la bourse publique..
Ils arrivèrent dans un pré

Tout bordé de ruisseaux, de fleurs tout diapré,.
Où maint mouton cherchoit sa vie,

Séjour du frais, véritable patrie

1

Des zéphirs.. Le lion n'y fut pas, qu'à ces gens
Il se plaignit d'être malade.
Continuez votre ambassade,.

Dit-il; je sens un feu qui me brûle au-dedans,
Et veux chercher ici quelque herbe salutaire.
Pour vous, ne perdez point de temps ::
Rendez-moi mon argent: j'en puis avoir affaire..
On déballe: et d'abord le lion s'écria,

D'un ton qui témoignoit sa joie :

Que de filles, ô dieux! mes pièces de monnoie (7)
Ont produites! Voyez la plupart sont déjà
Aussi grandes que leurs mères.

Le croît (8) m'en appartient.. Il prit tout là-dessus ::
Ou bien, s'il ne prit tout, il n'en demeura guères.
Le singe et les sommiers confus,
Sans oser répliquer, en chemin se remirent.
Au fils de Jupiter on dit qu'ils se plaignirent,
Et n'eu eurent point de raison.

(4) Obligez-moi, qui signifie ici faites-moi le plaisir, la grace, forme un pléonasıne. (5) De nos jours on supprimeroit le que.

(6) Alexandre,

(7) Ote se prononçant actuel lement comme ai dans monnoie, ne peut plus rimer avec joie qui. se prononce en dipthongue. (8) Augmentation..

Qu'eût-il fait ? C'eût été lion contre lion:
Et le proverbe dit: Corsaires à corsaires,
L'un l'autre s'attaquant, ne font pas leurs affaires.

XIII. Le Cheval s'étant voulu venger du Cerf.

De tout temps les chevaux ne sont nés (1) pour les homimes..

Lorsque le genre humain de glands se contentoit,.
Ane, cheval, et mule, aux forêts habitoit (2):

Et l'on ne voyoit point, comme au siècle où nous.

sommes,.

Tant de selles et tant de bâts,

Tant de harnois pour les combats,
Tant de chaises, tant de carrosses ;
Comme aussi ne voyoit-on pas
Tant de festins et tant de noces..
Or un cheval eut alors différend

Avec un cerf plein de vitesse ;
Et ne pouvant l'attraper en courant,
Heut recours à l'homme, implora son adresse..
L'homme lui mit un frein, lui sauta sur le dos,.
Ne lui donna point de repos

Que le cerf ne fût pris, et n'y laissât la vie.
Et cela fait, le cheval remercie
L'homme son bienfaiteur, disant; Je suis à vous:
Adieu; je m'en retourne en mon séjour sauvage.
Non pas cela, dit l'homine; il fait meilleur chez nous;
Je vois trop quel est votre usage.

Demeurez douc; vous serez bien traité,
Et jusqu'au ventre en la litière.

Hélas! que sert la bonne chère
Quand on n'a pas la liberté !

(1) Pas paroît essentiel dans sette phrase.

(2) Le pluriel

vaudroit

mieux.

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