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Dont chacun respectoit la vieillesse et les charmes.
L'innocente forêt lui fournit d'autres armes.
Elle en eut du regret. I emmanche son fer:
Le misérable ne s'en sert

Qu'à dépouiller sa bienfaitrice-
De ses principaux ornements.
Elle gémit à tous moments:

Son propre don fait son supplice.

Voilà le train du monde et de ses sectateurs :
On s'y sert du bienfait contre les bienfaiteurs.
Je suis las d'en parler. Mais que de doux ombrages.
Soient exposés à ces outrages;
Qui ne se plaindroit là-dessus?

Hélas! j'ai beau crier et me rendre incommode,
L'ingratitude et les abus

N'en seront pas moins à la mode.

XVII. Le Renard, le Loup, et le Cheval..

UN renard, jeune encor quoique des plus madrés (1),
Vit le premier cheval qu'il eût vu de sa vie...
Il dit à certain loup, franc novice: Accourez,
Un animal paît dans nos prés,

Beau, grand; j'en ai la vue encor toute ravie.
Est-il plus fort que nous? dit le loup en riant:.
Fais-moi son portrait, je te prie.
Si j'étois quelque peintre ou quelque étudiant,
Repartit le renard, j'avancerois la joie

Que vous aurez en le voyant.

Mais venez. Que sait-on? Peut-être est-ce une proie
Que la fortune nous envoie.

Ils vont; et le cheval, qu'à l'herbe on avoit mis,
Assez peu curieux de semblables amis

Fut presque sur le point d'enfiler la venelle (2).

(1) Des plus rusés et des plus (2) De prendre la fuite

Ans.

Seigneur, dit le renard, vos humbles serviteurs
Apprendroient volontiers comment on vous appelle.
Le cheval, qui n'étoit dépourvu de cervelle,
Leur dit: Lisez mon nom, vous le pouvez, messieurs.
Mon cordonnier l'a mis autour de ma semelle.
Le renard s'excusa sur son peu de savoir:

Mes parens, reprit-il, ne m'ont point fait instruire:
Ils sont pauvres, et n'ont qu'un trou pour tout avoir (3):
Ceux du loup, gros messieurs, l'on fait apprendre à
lire.

Le loup, par ce discours flatté,

S'approcha. Mais sa vanité

Lui coûta quatre dents: le cheval lui desserre Un coup; et haut le pied (4). Voilà mon loup par terre,

Mal en point (5), sanglant, et gâté.
Frère, dit le renard, ceci nous justifie

Ce que m'ont dit des gens d'esprit :
Cet animal vous a sur la mâchoire écrit
Que de tout inconnu le sage se méfie..

(3) Pour tout bien.

(5) En mauvais état.

(4) Et s'enfuit.

XVII. Le Renard, et les Poulets d'Inde.

CONTRE les assauts d'un renard
Un arbre à des dindons servoit de citadelle.
Le perfide ayant fait tout le tour du rempart,
Et vu chacun en sentinelle,

S'écria: quoi! ces gens se moqueront de moi!
Eux seuls seront exempts de la commune loi!
Non, par tous les dieux! non. Il accomplit son dire.
La lune, alors luisant, sembloit, contre le sire,
Vouloir favoriser la dindonnière gent.

Lui, qui n'étoit novice au métier d'assiégeant,

Ent recours à son sac (1) de ruses scélérates,
Feignit (2) vouloir gravir, se guinda sur ses pattes,
Puis contrefit le mort, puis le ressuscité.
Arlequin n'eût exécuté

Tant de différens personnages.

Il élevoit sa queue, il la faisoit briller,
Et cent mille autres badinages,

Pendant quoi nul dindon n'eût osé sommeiller.
L'ennemi les lassoit en leur tenant la vue
Sur même objet toujours tendue..
Les pauvres gens étant à la longue éblouis,
Toujours it en tomboit quelqu'un; autant de pris,
Autant de mis à part: près de moitié succombe.
Le compagnon les porte en son garde-manger.

Le trop d'attention qu'on a pour le danger
Fait le plus souvent qu'on y tombe.

(1) Mit en œuvre une de ses

ruses.

(2) Feignit doit être suivi de la preposition de.

XIX. Le Singe.

IL est un singe dans Paris
A qui l'on avoit donné femme:
Singe en effet d'aucuns maris (1),
Il la battoit. La pauvre dame
En a tant soupiré, qu'enfin elle n'est plus..
Leur fils se plaint d'étrange sorte,
Il éclate en cris superflus:

Le père en rit, sa femme est morte :
Il a déjà d'autres amours,

Que l'on croit qu'il battra toujours;

It hante la taverne, et souvent il s'enivre.

N'attendez rien de bon du peuple imitateur,

Qu'il soit singe, ou qu'il fasse un livre:
La pire espèce c'est l'auteur.

(1) En effet imitateur de quelques maris.

XX. Le Philosophe Scythe.

UN philosophe austère, et né dans la Scythie,
Se proposant de suivre une plus douce vie,
Voyagea chez les Grecs, et vit en certains lieux
Un sage, assez semblable au vieillard de Virgile (1),
Homme égalant les rois, homme approchant des dieux.
Et, comme ces derniers, satisfait et tranquille.
Son bonheur consistait aux beautés d'un jardiu.
Le Scythe l'y trouva qui, la serpe à la main,
De ses arbres à fruit retranchoit l'inutile,
Ebranchoit, émondoit, ôtoit ceci, cela,
Corrigeant partout la nature,

Excessive à payer ses soins avec usure.
Le Scythe alors lui demanda
Pourquoi cette ruine: étoit-il d'homme sage (2)
De mutiler ainsi ces pauvres habitants?
Quittez-moi votre serpe, instrument de dommage;
Laissez agir la faux du temps:

Ils iront assez tôt border le noir rivage.
J'ôte le superflu, dit l'autre ; et l'abattant,
Le reste en profite d'autant.

Le Scythe, retourné dans sa triste demeure,
Prend la serpe à son tour, coupe et taille à tout heure;
Conseille à ses voisins, prescrit à ses amis
Un universel abattis.

Il ôte de chez lui les branches les plus belles,
Il tronque son verger contre toute raison,

Sans observer temps ni saison,

Lunes ni vieilles ni nouvelles.

Tout languit et tout meurt,

Ce Scythe exprime bien

Un indiscret stoïcien:

(1) L. 4. des Géorgiques.

(2) Etoit-ce le fait d'un homme auge?

Celui-ci retranche de l'âme

Désirs et passions, le bon et le mauvais,
Jusqu'aux plus inuocents souhaits.

Contre de telles gens, quant à moi, je réclame.
Ils ôtent à nos cœurs le principal ressort;
Il faut cesser de vivre avant que l'on soit mort.

XXI. L'Eléphant, et le Singe de Jupiter.

AUTREFOIS l'éléphant et le rhinocéros,
En dispute du pas et des droits de l'empire,
Voulurent terminer la querelle en champ clos (1).
Le jour en étoit pris, quand quelqu'un vint leur dire
Que le singe de Jupiter,
Portant un caducée, avoit paru dans l'air.
Ce singe avoit nom Gille, à ce que dit l'histoire.
Aussitôt l'éléphant de croire
Qu'en qualité d'ambassadeur

Il venoit trouver sa grandeur.
Tout fier de ce sujet de gloire,

Il attend maître Gille, et le trouve un peu lent
A lui présenter sa créance (2).
Maître Gille enfin, en passant,

Va saluer son excellence.

L'autre étoit préparé sur la légation:
Mais pas un mot. L'attention
Qu'il croyoit que les dieux eussent à sa querelle
N'agitoit pas encor chez eux cette nouvelle.
Qu'importe à ceux du firmament
Qu'on soit mouche ou bien éléphant?
Il se vit donc réduit à commencer lui-même :
Mon cousin Jupiter, dit-il, verra dans peu

(1) Dans un combat particulier. (2) Ses lettres de créance. Lettres que remettent les ain

bassadeurs à leur arrivée, et qui ne contiennent autre chose, sinon que l'on peut ajouter foi à ceux qui les rendent.

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