IX. In Fontani mortem'. Heu! fuit vir ille facetus, Æsopus alter, nugarum laude Phædro superior, per quem brute animantes, vocales factæ, humanum genus edocuere sapientiam. Heu! Fontanus interiit. Proh! dolor! interiere simul Joci dicaces, lascivi Risus, Gratiæ decentes, doctæ Camenæ. Lugete, o quibus cordi est ingenuus lepos, natura nuda et simplex, incompta et sine fuco elegantia! Illi, illi uni per omnes doctos licuit esse negligentem. Politiori stylo quantum præstitit aurea negligentia! Tam caro capiti quantum debetur desiderium! Lugete, Musarum alumni. Vivunt tamen, æternumque vivent carmini jocoso commissæ veneres, dulces nugæ, sales attici, suadela blanda atque parabilis; neque Fontanum recentioribus juxta temporum seriem, sed antiquis, obamœnitates ingenii adscribimus. Tu vero, lector, si fidem deneges, codicem aperi. Quid sentis? Ludit Anacreon. Sive vacuus, sive quid uritur Flaccus, hic fidibus canit. Mores hominum atque ingenia fabulis Terentius ad vivum depingit; Maronis molle et facetum spirat hoc in opusculo. Heu! quandonam mercuriales viri quadrupedum facundiam æquiparabunt! 1, Nous ne donnons qu'un seul exemple des sujets de version latine composes par Fénelon pour le duc de Bourgogne. Ce très-court morceau suffira pour prouver que Fénelon écrivait le latin avec infiniment de correction et de grâce. CHAPITRE PREMIER. De l'importance de l'éducation des filles. Rien n'est plus négligé que l'éducation des filles. La coutume et le Caprice des mères y décident souvent de tout: on suppose qu'on doit donner à ce sexe peu d'instruction. L'éducation des garçons passe pour une des principales affaires par rapport au bien public; et quoiqu'on n'y fasse guère moins de fautes que dans celle des filles, du moins on est persuadé qu'il faut beaucoup de lumières pour y réussir. Les plus habiles gens se sont appliqués à donner des règles dans cette matière. Combien voit-on de maîtres et de colléges! Combien de dépenses pour des impressions de livres, pour des recherches de sciences, pour des méthodes d'apprendre dre les langues, pour le choix des professeurs! Tous ces grands préparatifs ont souvent plus d'apparence que de solidité; mais enfin, ils marquent la haute idée qu'on a de l'éducation des garçons. Pour les filles, dit-on, il ne faut pas qu'elles soient savantes, la curiosité les rend vaines et précieuses; il suffit qu'elles sachent gouverner un jour leurs ménages, et obéir à leurs maris sans raisonner. On ne manque pas de se servir de l'expérience qu'on a de beaucoup de femmes que la science a rendues ridicules: après quoi on se croit en droit d'abandonner aveuglément les filles à la conduite des mères ignorantes et indiscrètes. Il est vrai qu'il faut craindre de faire des savantes ridicules. Les femmes ont d'ordinaire l'esprit encore plus foible et plus curieux que les hommes; aussi n'est-il point à propos de les engager dans des études dont elles pourroient s'entêter. Elles ne doivent ni gouverner l'État, ni faire la guerre, ni entrer dans le ministère des choses sacrées; ainsi, elles peuvent se passer de certaines connoissances étendues qui appartiennent à la politique, à l'art militaire, à la jurisprudence, à la philosophie et à la théologie. La plupart même des arts mécaniques ne leur conviennent pas: elles sont faites pour des exercices modérés. Leur corps, aussi bien que leur esprit, est moins fort et moins robuste que celui des hommes; en revanche, la nature leur a donné en partage l'industrie, la propreté et l'économie, pour les occuper dans leurs maisons. Mais que s'ensuit-il de la foiblesse naturelle des femmes? Plus elles sont foibles, plus il est important de les fortifier. N'ont-elles pas des devoirs à remplir, mais des devoirs qui sont les fondements de toute la vie humaine? Ne sont-ce pas les femmes qui ruinent et qui soutiennent les maisons, qui règlent tout le détail des choses domestiques, et qui, par conséquent, décident de ce qui touche de plus près à tout le genre humain? Par là, elles ont la principale part aux bonnes et aux mauvaises mœurs de presque tout le monde. Une femme judicieuse, appliquée, et pleine de religion, est l'âme de toute une grande maison; elle y met l'ordre pour les biens temporels et pour le salut. Les hommes mêmes, qui ont toute l'autorité en public, ne peuvent par leurs délibérations établir aucun bien effectif, si les femmes ne leur aident à l'exécuter. Le monde n'est point un fantôme: c'est l'assemblage de toutes les familles; et qui est-ce qui peut les policer avec un soin plus exact que les femmes, qui, outre leur autorité naturelle et leur assiduité dans leur maison, ont encore l'avantage d'être nées soigneuses, attentives au détail, industrieuses, insinuantes et persuasives? Mais les hommes peu vent-ils espérer pour eux-mêmes quelque douceur dans cette vie, si leur plus étroite société, qui est celle du mariage, se tourne en amertume? Mais les enfants, qui feront dans la suite tout le genre humain, que deviendront-ils, si les mères les gâtent dès leurs premi`res années? Voilà donc les occupations des femmes, qui ne sont guère moins importantes au public que celles des hommes, puisqu'elles ont une mason à régler, un mari à rendre heureux, des enfants à bien élever. Ajoutez que la vertu n'est pas moins pour les femmes que pour les hommes: sans parler du bien ou du mal qu'elles peuvent faire au public, elles sont la moitié du genre humain, racheté du sang de JésusChrist, et destiné à la vie éternelle. Enfin, il faut considérer, outre le bien que font les femmes quand elles sont bien élevées, le mal qu'elles causent dans le monde quand elles manquent d'une éducation qui leur inspire la vertu. Il est constant que la mauvaise éducatior. des femmes fait plus de mal que celle des hommes, puisque les désordres des hommes viennent souvent et de la mauvaise éducation qu'ils ont reçue de leurs mères, et des passions que d'autres femmes leur ont inspirées dans un âge plus avancé. Quelles intrigues se présentent à nous dans les histoires, quel renversement des lois et des mœurs, quelles guerres sanglantes, quelles nouveautés contre la religion, quelles révolutions d'État, causés par le déréglement des femmes! Voilà ce qui prouve l'importance de bien élever les filles; cherchons-en les moyens. CHAP. II. - Inconvénients des éducations ordinaires. L'ignorance d'ure fille est cause qu'elle s'ennuie et qu'elle ne sait à quoi s'occuper innocemment. Quand elle est venue jusqu'à un certain âge sans s'appliquer aux choses solides, elle n'en peut avoir ni le goût ni l'estime; tout ce qui est sérieux lui parolt triste, tout ce qui demande une attention suivie la fatigue; la pente aux plaisirs, qui est forte pendant la jeunesse, l'exemple de personnes du même âge qui sont plongées dans l'amusement, tout sert à lui faire craindre une vie réglée et laborieuse. Dans ce premier age, elle manque d'expérience et d'autorité pour gouverner quelque chose dans la maison de ses parents; elle ne connoît pas même l'importance de s'y appliquer. à moins que sa mère n'ait pris soin de la lui faire remarquer en détail. Si elle est de condition, elle est exempte du travail des mains: elle ne travaillera done que quelques heures du jour, parce qu'on dit, sans savoir pourquoi, qu'il est honnête aux femmes de travailler; mais souvent ce ne sera qu'une contenance, et elle ne s'accoutumera point à un travail suivi. En cet état que fera-t-elle? La compagnie d'une mère qui l'observe, qui la gronde, qui croit la bien élever en ne lui pardonnant rien, qui se compose avec elle, qui lui fait essuyer ses humeurs, qui lui paroît toujours chargée de tous les soucis domestiques, la gêne et la rebute; elle a autour d'elle des femmes flatteuses, qui, cherchant à s'insinuer par des complaisances basses et dangereuses, suivent toutes ses fantaisies et l'entretiennent de tout ce qui peut la dégoûter du bien: la piété lui paroît une occupation languissante et une règle ennemie de tous les plaisirs. A quoi donc s'occupera-t-elle? A rien d'utile. Cette inapplication se tourne même en habitude incurable. Cependant voilà un grand vide, qu'on ne peut espérer de remplir de choses solides; il faut donc que les frivoles prennent la place. Dans cette oisiveté, une fille s'abandonne à la paresse; et la paresse, qui est une langueur de l'âme, est une source inépuisable d'ennuis. Elle s'accoutume à dormir d'un tiers plus qu'il ne faudroit pour conserver une santé parfaite; ce long sommeil ne sert qu'à l'amollir, qu'à la rendre plus délicate, plus exposée aux révoltes du corps: au lieu qu'un sommeil médiocre, accompagné d'un exercice réglé, rend une personne gaie, vigoureuse et robuste; ce qui fait, sans doute, la véritable perfection du corps, sans parler des avantages que l'esprit en tire. Cette mollesse et cette oisiveté étant jointes à l'ignorance, il en naît une sensibilité pernicieuse pour les divertissements et pour les spectacles ; c'est même ce qui excite une curiosité indiscrète et insatiable. Les personnes instruites et occupées à des choses sérieuses n'ont d'ordinaire qu'une curiosité médiocre; ce qu'elles savent leur donne du mépris pour beaucoup de choses qu'elles ignorent; elles voient l'inutilité et le ridicule de la plupart des choses que les petits esprits, qui ne savent rien et qui n'ont rien à faire, sont empressés d'apprendre. Au contraire, les filles mal instruites et inappliquées ont une imagination toujours errante. Faute d'aliment solide, leur curiosité se tourne en ardeur vers les objets vains et dangereux. Celles qui ont de l'esprit s'érigent souvent en précieuses, et lisent tous les livres qui peuvent nourrir leur vanité; elles se passionnent pour des romans, pour des comédies, pour des récits d'aventures chimériques, où l'amour profane est mêlé. Elles se rendent l'esprit visionnaire, en s'accoutumant au langage magnifique des héros de roman; elles se gâtent même par là pour le monde: car tous ces beaux sentiments en l'air, toutes ces passions généreuses, toutes ces aventures que l'auteur du roman a inventées pour le plaisir, n'ont aucun rapport avec les vrais motifs qui font agir dans le monde, et qui décident des affaires, ni avec le mécompte qu'on trouve dans tout ce qu'on entreprend. Une pauvre fille, pleine du tendre et du merveilleux qui l'ont charmée dans ses lectures, est étonnée de ne trouver point dans le monde de vrais personnages qui ressemblent à ces héros: elle voudroit vivre comme ces princesses imaginaires, qui sont, dars les romans, toujours charmantes, toujours adorées, toujours au-dessus de tous les besoins. Quel dégoût pour elle de descendre de l'héroïsme jusqu'au plus bas détail du ménage! Quelques-unes poussent leur curiosité encore plus loin, et se mêlent de décider sur la religion, quoiqu'elles n'en soient point capables. Mais celles qui n'ont pas assez d'ouverture d'esprit pour ces curiosités en ont d'autres qui leur sont proportionnées: elles veulent ardemment savoir ce qui se dit, ce qui se fait, une chanson, une nouvelle, une intrigue; recevoir des lettres, lire celles que les autres reçoivent; elles veulent qu'on leur dise tout, et elles veulent aussi tout dire; elles sont vaines, et la vanité fait parler beaucoup: elles sont légères, et la légèreté empêche les réflexions qui feroient souvent garder le silence. CHAP. III. Quels sont les premiers fondements de l'éducation. Pour remédier à tous ces maux, c'est un grand avantage que de pouvoir commencer l'éducation des filles dès leur plus tendre enfance. Ce premier âge, qu'on abandonne à des femmes indiscrètes et quelquefois déréglées, est pourtant celui où se font les impressions les plus profondes, et qui par conséquent a un grand rapport à tout le reste de la vie. Avant que les enfants sachent entièrement parler, on peut les préparer à l'instruction. On trouvera peut-être que j'en dis trop; mais on n'a qu'à considérer ce que fait l'enfant qui ne parle pas encore: il apprend une langue qu'il parlera bientôt plus exactement que les savants ne sauroient parler les langues mortes qu'ils ont étudiées avec tant de travail dans l'âge le plus mûr. Mais qu'est-ce qu'apprendre une langue? Ce n'est pas seulement mettre dans sa mémoire un grand nombre de mots; c'est encore, dit saint Augustin', observer le sens de chacun de ces mots en particulier. L'enfant, dit-il, parmi ses cris et ses jeux, remarque de quel objet chaque parole est le signe: il le fait, tantôt en considérant les mouvements naturels des corps qui touchent ou qui montrent les objets dont on parle, tantôt étant frappé par la fréquente répétition du même mot pour signifier le même objet. Il est vrai que le tempérament du cerveau des enfants leur donne une admirable facilité pour l'impression de toutes ces images; mais quelle attention d'esprit ne faut-il pas pour les discerner, et pour les attacher chacune à son objet! Considérez encore combien, dès cet age, les enfants cherchent ceux qui les flattent, et fuient ceux qui les contraignent; combien ils savent crier ou se taire pour avoir ce qu'ils souhaitent; combien ils ont déjà d'artifice et de jalousie, « J'ai vu, dit saint Augustin2, un enfant jaloux: il ne savoit pas encore parler; et déjà, avec un visage pâle et des yeux irrités, il regardoit l'enfant qui tetoit avec lui. » On peut donc compter que les enfants connoissent dès lors plus 1. Confess., lib. IX, cap. VIII, n. 18; t. I. p. 164. 2. Ibid., lib. I, cap. vII, n. 11, p. 73. |