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PREMIÈRE PARTIE

I

Des parents de Catherine et de leur condition.

1. Il y avait dans la ville de Sienne, en Toscane, un homme appelé Jacomo, qui descendait de la famille des Benincasa. C'était un homme simple, loyal, craignant Dieu et éloigné de tout vice. Après avoir perdu ses parents, il épousa une de ses compatriotes, nommée Lapa. Cette femme n'avait aucun des défauts si communs de nos jours; elle était laborieuse, prudente et très – entendue aux affaires de sa maison. Elle existe encore, et ceux qui l'ont connue peuvent en rendre témoignage. Ces deux époux vivaient paisiblement dans les liens du mariage : quoique plébéiens, ils avaient un certain rang parmi leurs concitoyens, et leur fortune était considérable pour leur condition. Dieu bénit la

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bonne Lapa et la rendit comme une vigne fertile dans la maison de son mari. Presque tous les ans, elle lui donnait un fils ou une fille, et souvent même ses couches étaient doubles.

2. Je puis bien faire ici l'éloge de Jacomo, qui jouit maintenant, comme tout porte à le croire, du bonheur éternel. Lapa m'a dit qu'il était si doux et si modéré dans ses paroles, qu'il ne s'emportait jamais, malgré toutes les occasiens et les raisons qu'il avait de le faire. Lorsqu'il voyait quelqu'un de la maison se mettre en colère et parler avec violence, il le calmait en lui disant joyeusement : « Allons, ne vous troublez pas, pour que Dieu vous bénisse, et ne dites pas ce qu'il ne convient pas de dire. » Une fois, un de ses concitoyens lui fit un tort considérable, en lui réclamant contre toute justice une forte somme d'argent; il employait pour lui nuire le pouvoir de ses amis et le mensonge; le pauvre Jacomo était sur le point d'être ruiné. Il ne pouvait cependant entendre mal parler de son ennemi ; et comme Lapa ne s'en faisait pas faute, il la reprenait en lui disant doucement : « Laisse – le, ma chère , laisse-le, et Dieu te bénira; il lui montrera son erreur et prendra notre défense. » C'est ce qui arriva bientôt; la vérité fut découverte comme par miracle; le coupable fut condamné et reconnut l'injustice de ses persécutions.

3. Le témoignage de Lapa ne peut être suspect; tous ceux qui la connaissent y croiront; elle est octogénaire, et elle est si simple, que, quand même elle le voudrait, elle ne pourrait inventer de semblables mensonges. Ceux qui ont connu Jacomo peuvent aussi rendre témoignage

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de sa simplicité, de sa droiture et de sa vertu. Il était chez lui si réservé dans ses paroles, que les siens, les femmes surtout, formées à son école, ne pouvaient supporter des propos déshonnêtes. Une de ses filles, appelée Bonaventure, avait épousé un jeune homme de Sienne nommé Nicolas ; ce jeune homme recevait des amis de son âge, et leur conversation était souvent plus que légère. Bonaventure en conçut une telle tristesse qu'elle tomba en langueur et qu'elle dépérissait à vue d'ail. Son mari lui demanda la cause de son mal; elle lui répondit : « Je n'ai pas été habituée dans la maison de mon père à entendre ce que j'entends tous les jours chez vous; mon éducation a été bien différente, et soyez certain que si ces discours déshonnêtes ne cessent pas, je mourrai bientôt. » Cette réponse frappa le mari et lui inspira un grand respect pour sa femme et sa famille. Il défendit à ses compagnons de prononcer devant Bonaventure des paroles capables de lui déplaire; ils obéirent, et ce fut ainsi la bonne tenue de la maison de Jacomo qui corrigea la licence de la maison de Nicolas, son gendre.

4. La profession de Jacomo était de préparer les couleurs qui servaient à teindre la laine; de là le surnom de teinturier qu'on lui donnait. La fille d'un teinturier devait être l'épouse du Roi des cieux. Ce que j'ai rapporté dans ce chapitre est connu de presque toute la ville. Je l'ai appris de Catherine elle-même, ou de Lapa sa mère, et de quelques personnes religieuses et séculières qui ont été les voisins, les amis ou les parents de Jacomo.

II

Naissance de Catherine. - Son enfance. - Sa dévotion envers

la sainte Vierge. Apparition de Notre-Seigneur. – Dieu lui apprend la vie des saints et lui inspire l'amour de la solitude.

1. Lapa, comme une abeille diligente, remplissait de sa fécondité la ruche de son mari. Elle mit au jour deux enfants jumeaux qui devaient réjouir les regards du Seigneur : c'étaient deux filles délicates; mais la faiblesse de leurs corps ne devait pas nuire à la force de leurs âmes. Lorsque la mère les vit, elle comprit qu'elle ne pouvait les allaiter toutes les deux, et qu'il fallait en garder une, et confier l'autre à une nourrice. Dieu voulut qu'elle choisît pour elle celle qu'il s'était choisie lui-même pour épouse. Quand les enfants reçurent le baptême, la préférée fut appelée Catherine, et l'autre Jeanne. Jeanne porta au ciel le nom et la grâce de son baptême; elle ne vécut que quelques jours, et Catherine resta seule pour sauver plus tard bien des âmes. Lapa

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se consola de la mort de sa fille en soignant avec plus de tendresse celle qui lui restait, et elle m'a souvent avoué qu'elle l'avait plus aimée que tous ses autres enfants. Jamais elle n'avait pu les nourrir de son lait, à cause de ses grossesses continuelles; mais elle nourrit Catherine jusqu'à la fin, et ne conçut pas avant de la sevrer: son sein pouvait-il porter quelque chose de plus parfait ? Lapa n'eut plus dans la suite qu'une fille, qu'elle appela Jeanne, en souvenir de la sœur de Catherine; elle a été mère de vingt-cinq enfants.

2. Catherine fut élevée comme un enfant qui appartenait à Dieu. Dès qu'elle fut sevrée et qu'elle commença à marcher seule, elle fut aimée par tous ceux qui la voyaient, et sa conversation était si sage, que sa mère avait peine à la garder à la maison. Ses voisins et ses parents l'emmenaient chez eux pour entendre ses petits raisonnements et jouir de sa douce présence; ils y trouvaient tant de consolation, qu'ils l'appelaient non pas Catherine, mais Euphrosine, qui veut dire joie, contentement; peut-être ignoraient-ils cette significa tion, et ne savaient-ils pas ce que j'ai appris plus tard , que Catherine avait résolu d'imiter sainte Euphrosine; peut-être aussi se servait-elle dans son langage enfantin de quelques mots qui ressemblaient à Euphrosine, et ceux qui répétaient ses paroles lui donnèrent ce nom. Ce que son enfance promettait, sa jeunesse le réalisa : la sagesse et la prudence de ses discours répandaient autour d'elle une joie sainte dont il est impossible de donner une idée; ceux qui l'ont goûtée peuvent seuls la comprendre. Il y avait dans ces paroles et dans ces rap

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