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ANTOIN E.

Rome eft fon héritière.

Ses tréfors font vos biens; vous en allez jouïr;
Au-delà du tombeau Céfar veut vous fervir.

C'est vous feuls qu'il aimait : c'eft pour vous qu'en Afie
Il allait prodiguer fa fortune & fa vie.

O Romains, difait-il, peuple roi que je fers,
Commandez à Céfar, Céfar à l'univers.
Brutus ou Caffius eût-il fait davantage?

ROMAIN S.

Ah! nous les déteftons. Ce doute nous outrage.

UN ROMAIN.

Céfar fut en effet le père de l'Etat.

ANTOINE.

Votre père n'eft plus; un lâche affaffinat
Vient de trancher ici les jours de grand ce homme;
L'honneur de la nature & la gloire de Rome.
Romains, priverez-vous des honneurs du bucher
Ce père, cet ami, qui vous était fi cher?
On l'apporte à vos yeux.

(Le fond du théâtre s'ouvre; des licteurs apportent le corps de Céfar, couvert d'une robe fanglante ; ́Antoine defeend de la tribune, & se jette à genoux auprès du corps.)

ROMAINS.

O fpectacle funeste !

ANTOINE.

Du plus grand des Romains voilà ce qui vous refte; Voilà ce Dieu vengeur, idolâtré par vous,

Que fes affaffins même adoraient à genoux;

Théatre, Tom. I.

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Qui toujours votre appui, dans la paix, dans la guerre;
Une heure auparavant faifait trembler la terre;
Qui devait enchaîner Babylone à fon char;
Amis, en cet état connaiffez-vous Céfar?

Vous les voyez, Romains, vous touchez ces bleffures. Ce fang qu'ont fous vos yeux verfé des mains parjures » Là, Cimber l'a frapé; là, fur le grand Céfar

Caffius & Décime enfonçaient leur poignard.

» Là, Brutus éperdu, Brutus l'ame égarée

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A fouillé dans fes flancs fa main dénaturée. » Céfar le regardant d'un œil tranquille & doux, » Lui pardonnait encor en tombant fous fes coups. Il l'appellait fon fils, & ce nom cher & tendre » Eft le feul qu'en mourant Céfar ait fait entendre: » O mon fils! difait-il.

UN ROMAIN.

O monftre, que les dieux Devaient exterminer avant ce coup affreux!

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AUTRES ROMAINS en regardant le corps.
dont ils font proche.

Dieux! fon fang coule encor.

ANTOINE.

Il demande vengeance

Il l'attend de vos mains & de votre vaillance.
Entendez-vous fa voix? Réveillez-vous, Romains;
Marchez, fuivez-moi tous contre fes affaffins;
Ce font là les honneurs qu'à Céfar on doit rendre.
Des brandons du bucher qui va le mettre en cendre,
Embrafons les palais de ces fiers conjurés:

Enfonçons dans leur fein nos bras defefpérés.

Venez dignes amis; venez, vengeurs des crimes, Au dieu de la patrie immoler ces victimes.

ROMAIN S.

Oui, nous les punirons; oui, nous fuivrons vos pas; Nous jurons par fon fang de venger fon trépas. Courons.

ANTOINE à Dolabella.

Ne laiffons pas leur fureur inutile; Précipitons ce peuple inconftant & facile ; Entraînons-le à la guerre, & fans rien ménager, Succédons à Céfar, en courant le venger.

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