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dans les mêmes tours; il eft certain que, j'ai été plagiaire fans le favoir, & que hors ces deux beaux vers de Corneille, que j'ai pris hardiment & dont je parle dans mes lettres, je n'ai eu deffein de voler perfonne.

Il y a dans les Horaces:

Eft-ce vous, Curiace? en croirai-je mes yeux ? Et dans ma piéce il y avait :

Eft ce-vous, Philoctète ? en croirai-je mes yeux ?

J'espère qu'on me fera l'honneur de croire que j'aurais bien trouvé tout feul un pareil vers. Je l'ai changé cependant, auffi- bien que plufieurs autres, & je voudrais que tous les défauts de mon ouvrage fuffent auffi aifés à corriger que celui- là.

On m'apporte en ce moment une nouvelle critique de mon dipe: celle-ci me paraît moins inftructive que l'autre, mais beaucoup plus maligne. La première eft d'un religieux, à ce qu'on vient de me dire : la feconde eft d'un homme de lettres ; & ce qui eft affez fingulier, c'eft que le religieux poffède mieux le théâtre, & l'autre la raillerie. Le premier a voulu m'éclairer, & y a réuffi. Le fecond a voulu m'outrager, mais il n'en est point venu à bout. Je lui pardonne fans peine fes injures, en faveur de quelques traits ingénieux & plaifans dont fon ouvrage m'a paru femé. Ses railleries m'ont plus diverti qu'elles ne m'ont offenfé; & même de tous ceux qui ont vû cette fatyre en manufcrit, je fuis celui qui en ai jugé le plus avantageufement. Peut-être ne l'ai-je trouvée bonne que par la K 2 crainte

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crainte ou étais de fuccomber à la tentation de la trouver mauvaife. Ce fera au public à ju ger de fon prix.

Ce cenfeur affure, dans fon ouvrage, que ma tragédie languira triftement dans la boutique de Ribou, lorfque fa lettre aura décillé les yeux du public; heureufement il empêche luimême le mal qu'il me veut faire. Si fa fatyre. eft bonne, tous ceux qui la liront, auront quelque curiofité de voir la tragédie qui en eft l'objet; & au lieu que les piéces de théâtre font vendre d'ordinaire leurs critiques, cette critique fera vendre mon ouvrage. Je lui aurai la même obligation qu'Efcobar eut à Pafcal. Cette comparaifon me parait affez jufte; car ma poëfie pourait bien être auffi relâchée que la morale d'Efcobar; & il y a quelques traits dans la fatyre de ma piéce, qui font peut-être dignes des lettres provinciales, du moins par la malignité.

Je reçois une troifiéme critique; celle-ci est. fi miférable, que je n'en puis moi-même foutenir la lecture. J'en attends encor deux autres. Voilà bien des ennemis; mais je fouhaite donner bientôt une tragédie qui m'en attire encor davantage.

MA

MARIAMNE,

TRAGÉDI E.

Revûe & corrigée par l'auteur en 1762.

1

JE

PREFACE.

E ne donne cette édition qu'en tremblant. Tant d'ouvrages, que j'ai vûs applaudis au théâtre & méprifés à la lecture, me font craindre pour le mien le même fort. Une ou deux fituations, l'art des acteurs, la docilité que j'ai fait paraître, ont pû m'attirer des fuffrages aux représentations; mais il faut un autre mérite pour foutenir le grand jour de l'impreffion. C'est peu d'une conduite régulière. Ce ferait peu même d'intéreffer. Tout ouvrage en vers, quelque beau qu'il foit d'ailleurs, fera néceffairement ennuyeux, fi tous les vers ne font pas pleins de force & d'harmonie, fi on n'y trouve pas une élégance continue, fi la piéce n'a point de charme inexprimable de la poëtie que le génie feul peut donner, où l'efprit ne faurait jamais atteindre, & fur lequel on raifonne fi mal & fi inutilement depuis la mort de Mr. Defpréaux.

C'est une erreur bien groffière de s'imaginer, que les vers foient la dernière partie d'une pièce de théâtre, & celle qui doit le moins coûter. Mr. Racine, c'est-à-dire, l'homme de la terre, qui après Virgile a le mieux connu l'art des vers, ne penfait pas ainfi. Deux années entières lui fuffirent à peine pour écrire fa PHEDRE. Pradon fe vante d'avoir compofé la fienne en moins de trois mois. Comme le

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