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PARIS. TYPOGRAPHIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET CIE, RUE JACOB, 56

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CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C, LIBRAIRES

IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE

RUE JACOB, 56

M DCCC LXV

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BOURDALOUE.

SUITE DES DOMINICALES.

SERMON

POUR

LE CINQUIÈME DIMANCHE

APRÈS PAQUES.

SUR LA PRIERE.

Dixit Jesus discipulis suis: Amen, amen dico vobis, si quid petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis. Usquemodo non petistis quidquam in nomine meo; petite et accipietis.

Jésus parla de cette sorte à ses disciples: Je vous le dis en vérité, si vous demandez quelque chose à mon père en mon nom, il vous l'accordera. Vous n'avez encore rien demandé en mon nom; demandez, et vous recevrez. SAINT JEAN, chap. 16.

Il n'appartient qu'à un Dieu aussi grand que le nôtre de faire une promesse si magnifique et si étendue, parce qu'il n'appartient qu'à lui de la pouvoir exécuter. Le Fils de Dieu ne nous dit pas seulement dans la personne de ses disciples, Si vous demandez telle ou telle chose, vous l'obtiendrez; mais, Si vous demandez quelque chose, quoi que ce soit, mon père vous le donnera : Si quid petieritis, dabit vobis. Il ne nous dit pas précisément, Demandez ceci ou cela, mais indéterminément et en général, Demandez et vous recevrez Petite et accipietis. Encore une fois, chrétiens, il fallait une puissance et une miséricorde infinie pour être en état de s'engager de la sorte, et pour le vouloir. C'est donc là qu'éclate la souveraine grandeur du Dieu que nous adorons; c'est là qu'il fait également paraître, et ce pouvoir suprême qui le rend maître de tout, et cette bonté sans mesure qui le fait descendre et compatir à tous nos besoins; aussi est-ce de là même que les Pères ont pris occasion de tant exalter l'efficace de la prière; qu'ils l'ont regardée comme la mère de toutes les vertus, comme la source de tous les biens, comme le trésor de l'âme chrétienne et comme un fonds de richesses inépuisable, parce que c'est le moyen de parvenir à tout et d'avoir tout: Si quid petieritis Patrem, dabit vobis. Il est vrai qu'elle requiert certaines conditions. Dieu n'est pas le dissipateur, mais le

BOURDALOUE. -T. II.

dispensateur de ses grâces; et par consequent il n'écoute pas sans distinction toute prière, mais une prière animée par la foi, une prière sanctifiée par l'humilité, une prière soutenue par la persévérance, une prière, non des lèvres et de la bouche seulement, mais de l'esprit et du cœur tout cela est incontestable, et tout cela est bien raisonnable. Ce qui m'étonne, chrétiens, et ce qui est en effet bien surprenant, c'est le peu de soin que nous avons de mettre en œuvre auprès de Dieu ce qui devrait nous servir en toutes rencontres. Car ne puis-je pas bien faire à la plupart de mes auditeurs le même reproche que faisait le Sauveur du monde à ses disciples: Usquemodo non petistis quidquam: Vous n'avez rien demandé jusqu'à présent? Est-ce que rien ne vous manque? mais vous êtes tous les jours si éloquents à exposer aux hommes les nécessités ou temporelles ou spirituelles qui vous affligent. Est-ce que vous n'avez point encore appris à demander ni à prier? Si cela est, comme je n'ai que trop lieu de le croire, appliquez-vous à ce discours, où je prétends vous entretenir de la prière, après avoir prié moi-même en m'adressant à Marie, et lui disant, Ave.

Exercer le ministère de l'Évangile, c'était, dans l'idée de saint Paul, faire profession d'être redevable à tous, aux ignorants et aux savants, aux charnels et aux spirituels, à ceux qui sont encore enfants en Jésus-Christ, et à ceux qui sont déjà des hommes formés et parfaits, ou qui travaillent à le devenir; aux ignorants pour les instruire, aux savants pour les persuader, aux charnels pour les convertir, aux spirituels pour les affermir; à ceux qui sont encore enfants pour les nourrir de lait, aux parfaits pour leur préparer des viandes solides, à tous pour leur prêcher la vérité, mais d'une manière proportionnée à leur état et à leurs dispositions : ainsi ce grand apôtre le pratiquait-il, ainsi en servait-il d'exemple aux ministres qui devaient être chargés après lui du même emploi; et voilà, mes chers auditeurs, l'engagement où je me trouve aujourd'hui. J'ai à vous entretenir de la matière la plus importante, savoir, de l'oraison ou de la prière; et, par un dessein particulier de Dieu, je me trouve

cbligé à en instruire tout à la fois deux sortes de personnes; les chrétiens du siècle, qui marchent dans les routes de la religion; et ceux qui aspirent et qui s'élèvent aux voies les plus sublimes de la perfection. Il semble que, pour l'utilité publique, j'aurais pu me contenter de l'instruction des premiers; mais Dieu, par son adorable providence, a permis que dans notre siècle il ne fût pas moins nécessaire de s'appliquer à l'édification des seconds, et c'est pour quoi je me suis senti inspiré de parler ici aux uns et aux autres; aux premiers, pour les convaincre de la nécessité de l'oraison, et aux seconds, pour leur découvrir les abus de l'oraison. Mais parce que le terme d'oraison, par rapport à ces deux sortes de chrétiens, est comme un terme équivoque, qui signifie pour les premiers l'action commune de prier, et pour les seconds quelque chose de plus relevé, que nous appellerons oraison extraordinaire, afin d'ôter toute ambiguïté, et de vous déclarer nettement ma pensée, mon dessein est de faire voir aux uns le besoin qu'ils ont de l'oraison commune, et de marquer aux autres comment ils peuvent abuser de l'oraison extraordinaire; c'est-à-dire, d'engager les uns à prier et d'empêcher les autres de mal prier; d'attirer ceux-là au saint exercice de l'oraison, qui nous est commandé, et de retirer ceux-ci des fausses voies d'une oraison dangereuse et inuti lement pratiquée. Voilà ce que j'entreprends. En deux mots, l'indispensable nécessité de l'oraison ordinaire, fondée sur les principes de la foi les plus évidents, c'est le premier point; l'abus de l'oraison extraordinaire, reconnu et découvert par les règles de la foi les plus solides, c'est le second point. Commençons.

PREMIÈRE PARTIE.

Jamais décision de la foi n'a été ni plus authentique. ni reçue dans le monde chrétien avec plus de soumission et plus de respect que celle où l'Église, foudroyant autrefois le pélagianisme, établit, disons mieux, déclara la nécessité de la grâce intérieure de Jésus-Christ pour toutes les œuvres du salut; et jamais conséquence n'a été ni plus infaillible ni plus évidemment tirée de son principe, que celle que je tire aujourd'hui de cette décision de l'Église pour prouver la nécessité de la prière. Sans la grâce du Rédempteur, quelque fonds de vertu naturelle que je puisse avoir, et quelque bon usage que je fasse de ma raison et de ma liberté, je suis dans une impuissance absolue de parvenir au terme du salut; c'est ce que le grand saint Augustin soutint avec tant de zèle, et ce qui fut enfin solennellement conclu contre l'hérésiarque Pélage. Sans le secours de la grâce, non-seulement je ne puis parvenir à ce bienheureux terme du salut, mais je ne puis pas même m'y disposer, je ne puis pas même commencer

à y travailler, je ne puis pas même le désirer, je ne puis pas même y penser; c'est ce qu'ont depuis défini tant de conciles et tant de papes, pour exterminer le semi-pélagianisme, rejeton pernicieux de l'erreur que saint Augustin avait si glorieusement combattue. Or les mêmes armes dont se servait alors l'Église pour défendre la grâce de Jésus-Christ contre les hérétiques qui l'attaquaient, sont celles qu'elle me fournit encore pour justifier l'indispensable obligation de la prière, contre les mondains et les lâches chrétiens qui la négligent: car voici, mes chers auditeurs, comment je raisonne, et comment chacun de vous doit raisonner avec moi.

Sans la grâce il n'y a point de salut; donc il n'y a point de salut sans la prière, parce que hors la première grâce, qui est indépendante de la prière, comme étant, dit saint Prosper, le principe de la prière même, il est de la foi que la prière est le moyen efficace et universel par où Dieu veut que nous obtenions toutes les autres grâces, et que toutes les autres grâces, dans l'ordre de la Providence et de la prédestination, sont essentiellement attachées à la prière. Petite et accipietis: Demandez et vous recevrez. Voilà la règle que Jésus-Christ nous a prescrite, et qui, étant limitée à ce don parfait, à ce don souverain et excellent qui nous vient d'en haut, je veux dire la grâce du salut, n'a jamais manqué; voilà la clef de tous les trésors de la miséricorde; voilà le divin canal par où tous les biens célestes nous doivent être communiqués. Demandez le royaume de Dieu et sa justice, ou plutôt, demandez sans restriction tout ce qui vous est nécessaire pour y arriver, et soyez sûrs que vous l'aurez Petite et accipietis. Voilà, dis-je, l'oracle de la vérité éternelle, dont il ne nous est pas permis de douter. D'où il faut conclure, reprend le docteur angélique saint Thomas, que nul homme, soit juste; soit pécheur, mais encore moins le pécheur que le juste, n'a droit d'espérer en Dieu qu'en conséquence de ce qu'il le prie, et que toute confiance en Dieu qui n'est pas fondée sur la prière, et soutenue, ou, si j'ose ainsi m'exprimer, autorisée du crédit de la prière, est une confiance vaine, une confiance présomptueuse, une confiance même réprouvée de Dieu; et la raison est que Dieu, dit saint Thomas, qui ne nous doit rien par justice, et qui est incapable de nous rien devoir autrement que par miséricorde, tout au plus par fidélité, ne s'est engagé à nous par ces titres mêmes de fidélité et de misériricorde, que sous condition et dépendamment de la prière. Il peut donc, non-seulement sans être injuste, mais sans cesser d'être fidèle et miséricordieux, ne nous point accorder ses grâces quand nous ne le prions pas. Je dis plus, et dans le cours ordinaire de sa providence, il le doit en quelque façon, parce que des grâces aussi précieuses que les siennes (c'est

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